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GOAT ANTI-MOUSE

« Vous pouvez considérer que vous faites définitivement partie de l’équipe, je ne renouvelle pas votre période d’essai. Le démarrage a été un peu lent mais c’est normal au départ, le temps de prendre connaissance du fonctionnement de l’entreprise et des produits. Les formations Gescom et Appels d’Offres vous permettront de remplir les périodes creuses des premiers mois. Bienvenue ! »

Seulement là, je ne peux même pas bosser dessus tellement le Commercial et le Marketing me soûlent ! Elle plane un peu, Shannon.

Mercredi 2 juin 2021 # DECONFINEMENT EN DEMI-JAUGE  J+15

On ne m’a jamais autant sollicitée que depuis que j’ai envoyé ce mail disant que je n’étais pas dispo. La prochaine fois, je mets un Buffer sur mes mails entrants et un autre, un gros, sur mon bureau car on vient me démarcher jusque-là. Tout en top priorité à rendre hier, bien sûr. S’ils savaient où ils peuvent se la coller, leur ‘goat anti-mouse’

Je ne sais pas si cela coïncide avec ma fin de période d’essai hier mais je trouve que je suis un peu trop la star du moment, j’aimerais qu’on m’oublie un peu. Je vais finir par faire de la merde et j’aime pas du tout ça.

Bref. Aujourd’hui, c’est l’anniv de Maman. Elle aurait eu 89 ans. J’évite de repenser au 2 juin de l’an dernier car je sens les larmes monter. C’était le premier rendez-vous avec la directrice de l’EHPAD vers chez Toto. La première fois aussi depuis le début du confinement que je reprenais la route.

J’avais donc hurlé à plein poumons dans la Clio sur Five Finger Death Punch, fait une razzia dans le cerisier de Toto et étais revenue le soir même dans mon appart surchauffé en ce début de canicule en rêvant de climat arctique.

J’avais surtout plein d’espoir pour Maman, même si je pressentais déjà la mauvaise nouvelle qui allait nous tomber dessus dix jours plus tard.

Dimanche dernier, en lisant les spams d’Interflora et les posts Facebook du style « Bonne fête à toutes les mamans », j’ai eu envie de jeter ma box internet par la fenêtre. Quelques larmes au cimetière aussi la veille lors d’un crochet sur la route du retour en camion avec Bradley.

Bon allez, j’arrête. Je m’en retourne à mes CKmb, procalcitonin et Ntpro-BNP. Le mal de crâne que je me colle rien qu’à leur énoncé suffit à me changer les idées.

JE NE SUIS PAS UN POULPE

  1. Formation stats vendredi & lundi. (j’peux pas, les filles, désolée)
  2. Veille AO et formation Gescom. (itou)
  3. Manufacturing Flowchart à refaire from scratch avec traduction en français. (ma pause-déj, je m’assois dessus, donc)
  4. Vous pouvez me détailler le contenu des 3 énormes cartons de composants qui viennent d’arriver ? (à vue de nez y en a 10.000, je vais y passer la nuit)
  5. Faudrait que tu tries les emails de cette boîte partagée sinon tu vas te retrouver sous l’eau. (357 en 12 heures, je bois déjà la tasse)
  6. Tu t’es occupée des dernières réclamations clients ? (nope, j’y vais j’y vais)
  7. Nouvelle stratégie commerciale : vous êtes mon bras armé, vous allez centraliser et logisticiser tout ça sous 15 jours. (avec une Bichette-Andrea qui me répond que c’est pas son boulot d’établir un fichier-clients alors qu’elle est Dir Com, je suis pas sortie de l’auberge)

On avait dit ‘étoffer mon poste’, pas me bourrer comme une dinde de Thanksgiving !!!

Lundi 31 mai 2021 # DECONFINEMENT EN DEMI-JAUGE  J+13

Donc, ce matin, j’envoie le mail qui va bien : « La priorité n°1 étant cette opération commerciale, je mets en stand-by le reste car je ne suis pas un poulpe. » relayé par mon boss qui trouve que c’est une bonne idée d’avertir ses collègues pour qu’ils s’organisent en fonction.

Bref, comment passer du peignage d’ongulé artiodactyle à la course effrénée 8h/jour 5j/7… Bah, dans la douleur. Surtout en ce moment où mon agenda perso est lui aussi ultra-chargé. Semaine et week-end derniers à fond les ballons grâce à Bradley et sa première phase de déménagement. Et d’emménagement chez moi pour un mois.

Entre les apéro-terrasse en bas où il est désormais connu comme le loup blanc – en  tout cas bien plus que moi en 10 ans à habiter juste au-dessus – les afters, la réservation de notre week-end fin juin, l’aller-retour samedi à sa maison aux pommes que j’ai enfin pu découvrir, le déjeuner avec Toto venu donner un coup de main à décharger, un apéro-terrasse-militaire suivi d’un after chez Bibi en rentrant, une livraison de canap dimanche matin suivi d’un brunch avec Connor le meilleur pote de Bradley et une bonne peignée entre nous deux juste avant qu’il ne reparte chercher ses enfants pour leur dernière semaine dans son appart, bah je suis à bout de souffle.

Et cette semaine s’annonce à peine moins surbookée : ce soir, petit débriefing autour d’une bière avec Yang, mardi ou mercredi barbecue chez Connor, jeudi apéro-écriture avec Yang et vendredi la phase 2 du branle-bas de combat qui se terminera dimanche soir.

Rien que d’y penser, je suis crevée. J’aime le mouvement, le survoltage, les agendas remplis au chausse-pied et les impromptus en tout genre et après un an à faire de la Wii toute seule dans mon salon comme seul entertainment, je peux dire que je suis gâtée aujourd’hui mais quand même.

Cela mériterait d’aller dans le détail mais le livreur DHL m’a plombé mon aprem : « Ah non, je ne me casse pas le dos à vous monter ce colis monstrueux » J’ai senti l’embrouille, surtout quand boss n°2 m’a dit : « Il faut trier par numéros de lot et faire des petits cartons à réexpédier. »

Une heure plus tard, bien décidée à terminer ce post, je me rassieds et là, je reçois ce mail :

« A tous, Pour rappel, nous tournons la suite de la vidéo demain. Boss n°4 : boss n°2 souhaiterait que la toile rétroéclairée soit positionnée à l’entrée (en bas des escaliers), est-ce que c’est possible pour toi de la déplacer demain matin stp ?

Cameron : comme convenu, nous aurions besoin que tu joues la cliente en pharmacie. Pourrais-tu stp venir demain pour 9h15 à la pharmacie Bastille, 3 bd Beaumarchais ?

Bichette : on aura besoin de jouer quelques scénettes de mise en situation en entreprise, peut-on compter sur toi ?

Boss n°1 et boss n°2 : pourriez-vous svp prévoir des tests type test salivaire, autres tests cassettes… à disposer sur la table de réunion lors de la réunion de « Conception » ?

Pour rappel :

  • 9h-10h30 > Tournage à la Pharmacie Bastille (3 bd Beaumarchais)
  • 11h-15h30 > Tournage dans nos locaux
  • 16h-17h30 > Tournage au laboratoire D.

Merci. »

Elle est rigolote, la p’tite pépée du marketing. Du coup, je meurs.

PIC-VERT DANS MON CRÂNE*

« Je vous informe que Mademoiselle Pouêt Pouêt ne reviendra pas. Comme vous nous l’avez demandé à plusieurs reprises, votre poste va s’étoffer très bientôt. »

Shannon il y a 10 minutes. Bon, fini, la bulle. Quoique vendredi et ce matin, j’étais plutôt en mode busy-bee. J’attends donc de voir ce que cela donnera quand je serai une abeille surbookée sous cocaïne.

Mardi 25 mai 2021 # DECONFINEMENT EN DEMI-JAUGE  J+7

Dimanche, un pique-nique de salon sur fond de salsa-merengue haut en couleurs, c’est le moins que l’on puisse dire. Yang et Mimine en couple comme au bon vieux temps, Abigaïl aussi délicieuse que les bonbons qu’elle n’a pas manqué de me réclamer, Timothy tout en jambes à me faire virevolter sur de la salsa ultra-caliente – faut que je me remette au sport, j’ai plus de souffle – et la venue-surprise de Bradley avec ses garçons pour les fraises melba de la fin de repas.

Attablés tous alors en vrac dans les rires, la boustifaille partagée à la pointe du couteau, un grand moment de convivialité a fleuri spontanément. Je me rends compte à quel point j’aime ces grandes tablées où la bonne chère se partage sans chichis dans la bonne humeur.

J’aime être dans la cuisine à pied d’œuvre en pyjama les cheveux en pétard dès 8.00 du mat, j’aime me pomponner une fois tout préparé et accueillir mes invités en diva de brunch, j’aime le bazar indescriptible sur la table en fin de repas que l’on pousse sur le côté pour installer un jeu de société…

J’aime être l’hôtesse aux petits soins, celle qui reçoit, celle qui anime, celle qui, sur son frigo, aimante avec émerveillement le cinquième dessin au Bic censé représenter une licorne-libellule, celle qui se retrouve seule ensuite avec une montagne de vaisselle qu’elle se met à faire sans rechigner, un air béat de contentement et certainement l’air de Girls Just Wanna Have Fun encore vissé dans le crâne…

Une vraie pub pour les lave-vaisselles Bosch.

Oui, j’adore recevoir. C’était d’ailleurs ma seule raison pour monter ce restaurant. Ça me manque, qui plus est après plus d’un an de crise sanitaire où tout rassemblement était, sinon banni, ascétique et aseptisé.

J’adore, même si c’est crevant. Je m’en remets à peine, là.

Et Bradley a été très agréable dimanche. A l’aise, la conversation facile avec tous les hôtes présents. Très ‘je marque mon territoire’ cependant, à faire le café et les œufs brouillés comme le maître de maison qu’il n’était pas, ce qui a bien fait rire Yang.

Agréable oui, sauf quand il s’est caché de ses enfants pour m’embrasser. Tu crois qu’ils sont aveugles, sourds et débiles ? Bref, ça m’a soulée trois secondes puis je m’en suis battu l’œil. Laisse-moi dans ton placard tant que ça te chante mais ne viens pas te plaindre que je ne me projette pas avec toi.

Également, pas très agréable lorsqu’ils sont restés, lui et ses garçons, à manger des burgers et à jouer au Kem’s avec une hôtesse de maison un peu fanée. Il était en bisbille avec l’un de ses fils qu’il trouve beaucoup trop insolent et a donc passé son temps à le houspiller. V’là l’atmosphère légère et rieuse…

En fait, j’ai l’impression que tout est une épreuve avec lui, avec des règles bien établies, les siennes bien sûr, auxquelles il ne faut pas déroger d’un iota sous peine de passer sur la roue des supplices pour avoir commis un crime de lèse-majesté.

La moindre chose comme une conversation anodine se transforme en joute verbale puis en pugilat pour avoir osé lui couper la parole, ne serait-ce que par un timide ‘mais…’. Ou comme un Pouilleux Massacreur qui devient un brief de camp d’instructions pour délinquants juvéniles.

On peut tous avoir des moments à cran où l’on balance sans motif des missiles sur la tronche du moindre interlocuteur, ça arrive. Mais quand c’est H24, je pense que l’on peut dire que l’on est exécrable par nature, non ? Et ça, ça commence à me courir sur le haricot.

Moi qui fais de chaque occasion une célébration, qui veux donner un air de fête à chaque évènement, tout insignifiant et infime soit-il, c’est dur de composer avec quelqu’un qui fait de l’aboiement son langage quotidien.

C’est un tueur de joie, un annihilateur d’arc-en-ciel, un briseur de bulles de savon.

Mercredi 26 mai 2021 # DECONFINEMENT EN DEMI-JAUGE  J+8

Hier, après nos invectives téléphoniques et ma furieuse envie de lui claquer le beignet, Bradley est venu me chercher à la sortie du boulot. Je m’étais préparée à un deuxième round les poings hauts et le répondant gonflé à bloc mais encore une fois, il m’a prise de court en étant l’homme parfait, mon prince charmant.

Et comme j’ai la rancune d’un poisson rouge, j’étais aux anges. Même si je lève le doigt pour parler, maintenant…. Bref, happy-hour à la terrasse d’en bas, petit dîner préparé à l’avance, investissement de ses ‘quartiers’ pour de bon, et ces mots tendrement susurrés :

« Je viens d’officialiser pour nous auprès de mes enfants, de mon père et de ma sœur. »

La soirée aurait pu être romantique jusqu’au bout mais elle a en fait pris une tournure des plus inattendues, ce dont je me suis réjouie comme une môme qui voit débarquer Mickey à son anniv.

Une des army buddies de Bradley était justement en train de boire un verre à la terrasse d’en bas, en repérage d’un bar pour l’apéro-mili de samedi.

–  Hé mais je suis juste au-dessus ! Chérie, ça le fait pas si je l’invite à monter, si ?

–  Ça ne me pose aucun problème ! Juste, je suis en pyj.

–  Quand même, c’est une soirée romantique à la base…

–  Vas-y, invite-la et moi je vois si Yang veut venir lui aussi pour noyer son chagrin de n’avoir pas su réparer son vélo…

Et tout ce petit monde-là a bu, pogoté et fait des pompes sur les quintaux jusqu’à… bah je ne me souviens plus. Mais d’envoyer bouler mon réveil ce matin m’a indiqué que je ne devais avoir qu’une poignée d’heures de sommeil dans le coco. Et la gueule de bois sévère qui m’est tombée sur le paletot m’a confirmé qu’il faut décidément que j’arrête de picoler… en semaine.

Car à 8.48 ce matin, Shannon m’est tombée sur le poil direct à mon arrivée. Elle a commencé à me parler chinois avec l’ordi récupéré de Mademoiselle Pouêt Pouêt dans les mains, du coup : « Laissez tout sur mon bureau, je vais m’en débrouiller. » (d’abord, je vais cuver un peu et récupérer quelques neurones)

J’essaye de me rappeler de ces 24 heures passées, surtout des 12 dernières. Peine perdue. Je sais que c’était intense, haut en émotions mais je vais attendre de faire une bonne nuit de sommeil avant d’infuser tout ça.

Un coup d’œil dans le miroir des toilettes au boulot : vive le Perfecteur de Teint de Guerlain à 31 balles les 15ml.

PIQUE-NIQUE A CUBA

« M’sieurs-dames, il est bientôt 22.00, il va falloir rentrer chez vous ! »

Z’avaient pas dit 21.00 ?… Bref, bon courage pour déloger vos soiffards, bien avinés à en juger par leurs braillements qui n’ont pas baissé d’un ton depuis 18.00.

Jeudi 20 mai 2021 # DECONFINEMENT EN DEMI-JAUGE  J+2

La terrasse du resto en bas de chez moi hier soir. Un quart d’exaspération dans les soupirs que j’ai poussés en fermant mes fenêtres, un quart de nostalgie en repensant au silence religieux du confinement mais au final, une bonne moitié d’indulgence teintée de réjouissance car moi aussi, je vais happy-hourer ce soir en terrasse avec Yang.

J’ai même eu de la compassion pour ces pauvres restaurateurs et bistrotiers qui ont sorti leur terrasse hier matin dans une fringance bien compréhensible et qui se sont pris des draches par intermittence toute la journée. Ça m’a faite penser à mon ancien restau, comment moi j’aurais géré le truc… Avec beaucoup de stress, à n’en pas douter. Je suis donc bien contente de n’être plus qu’une consommatrice.

 

Au boulot, c’est de nouveau la loose. Mais là, ça tombe bien, j’ai plein de trucs perso à faire. Comme de me trouver une nouvelle mutuelle ou d’essayer de faire comprendre que la radiation de mon ancien contrat santé n’est due qu’à leur incompétence, en répondant à une question cruciale quarante jours plus tard.

Et j’organise le back-up du déménagement en deux temps de Bradley. Et notre premier week-end en amoureux fin juin. Et nos premières vacances en amoureux fin juillet. Car mardi soir, la logistique bouclée, on a pu parler de nos échanges un peu vifs de la veille.

Bradley sur la défensive avec un ton factuel légèrement revêche, moi prête à lui rentrer dedans à sa première soufflette de cor de chasse dans mes oreilles, autant dire que l’on a fait tous les deux des efforts exceptionnels pour rester chacun dans nos cordes.

« Que les choses soient claires : je m’engage à t’offrir l’hospitalité le temps où tu seras SDF, une boîte postale pour ton renvoi de courrier temporaire, mes aptitudes de logisticienne pour ton déménagement et mes bras – petits mais costauds quand même – pour ce dernier et ce, quoiqu’il se passe entre nous. Je ferais de même si tu n’étais qu’un pote.

Mais si je m’engage dans ce projet de vie avec toi, j’ai bien dit ‘si’, cela ne veut pas pour autant dire que l’on doit emménager ensemble à une échéance déterminée. Aucun plan sur la comète, on voit venir, d’accord ? »

Il a acquiescé. Tenté tout de même de reprendre la main en soulignant qu’il me faisait presque une ‘fleur’ car il avait d’autres plans plus pratiques mais je suis restée stoïque et m’en suis allée en griller une à la fenêtre.

Et comme un ciel d’orage peut se déchirer d’un seul coup, il est arrivé dans mon dos et m’a enlacée en me susurrant : « Merci. Pour tout ce que tu fais pour moi. » Sans aucune transition, il est redevenu gracieux et charmant. Je n’ai pas relevé, je sais désormais que c’est sa façon à lui de signifier que l’incident est clos et qu’il n’en garde aucune rancœur.

Moi non plus, mais n’empêche, t’avise pas de me reparler comme tu l’as fait.

Puis, on s’est mis à égrener son planning ensemble, histoire de vérifier que l’on n’ait rien loupé. Et là, miracle.

–  Week-end du 12-13 juin ?

–  A l’armée. Mais je rentre le soir.

–  Week-end du 19-20 juin ?

–  J’ai les enfants, on part voir mon père.

–  Week-end du 26-27 juin ?

–  Rien.  

–  WHAT ?!!!???

Je me suis rassise, j’ai croisé les jambes et pris un air inspiré en le regardant droit dans les yeux. « Soyons clairs encore une fois : tout ça là, okay mais si l’on ne parvient pas à trouver un moment rien que pour nous, je ne vois pas l’intérêt de continuer. Alors le 26-27 juin, on décolle ! »

Un peu décontenancé par ma farouche détermination, il n’a cependant pas mis très longtemps pour accepter. Et donc, depuis hier, je chasse le week-end parfait. Entre mes envies, les siennes, la réalité de ces trop courtes 48 heures et celle de notre budget lui aussi trop court, bah je m’amuse.

Mais je vais trouver. Car ce n’est pas n’importe quel week-end, il s’agit de notre tout premier EVER ! A l’époque il y a 24 ans, on était fauchés et l’on n’est jamais partis en amoureux où que ce soit, même pour notre ‘voyage de noces’ où l’on était chaperonnés par mes parents…

Bref. Bichette Touring en action.

En parlant de voyages de noces, j’ai reçu il y a deux jours un message de Sean sur Facebook : « Coucou, je me suis remarié. Ça ne change rien à la vie passée ensemble et elle a entendu parler de toi, en positif bien sûr 😊 »

Ce à quoi j’ai répondu que j’étais très heureuse pour lui. Du coup, j’ai eu droit aux photos de mariage que j’ai regardées sans aucune pointe d’amertume. Paix et félicité.

« … Chaque grapillon de bonheur, fusse-t-il frêle, est bon à prendre. Le rire d’un enfant, le ronronnement d’un chat, les effluves vespérales de la campagne après une chaude journée d’été… Cela nourrit le cœur et l’âme et nous rend plus fort jour après jour… »

Le bonheur retrouvé d’un ex et sa petite pensée pour moi simultanément, c’est chouette. Et je prends tout ce qui est chouette en ce moment.

Et même si le temps s’annonce automnal ce dimanche, mon envie de pique-nique avec le Scoobigang ne se laissera pas déboulonner pour autant : pique-nique cuba-havana dans mon salon.

PAS DE LOMBRIC AU MENU

« Je n’ai pas du tout apprécié ton email. Je trouve que tu y vas un peu fort dans les insultes. Surtout, pas un moment tu t’es mise à ma place ! Qui est égocentrique, hein ? Et je ne t’ai pas demandé que tu passes tout ton week-end sur mon déménagement, je n’ai qu’un coup de fil à passer et j’ai un camion et des bras au départ et à l’arrivée. Si c’est pour en faire un tel patacaisse, je préfère me débrouiller seul. Donc non, on n’est pas si connectés que ça, finalement. »

Bradley en train de me beugler dessus hier soir à 23.25.

Mardi 18 mai 2021 # BALADE AUTORISEE AU-DELA DE 10km MAIS AVANT 19.00  J+16

Sa mauvaise foi, son interprétation de traviole et le fait qu’il n’avait donc pas besoin de moi m’ont faite brûler d’envie de lui raccrocher au nez. Mais les deux grammes d’alcool dont j’étais imprégnée à l’issue de mon apéro-geek avec Yang n’ont pu que me faire psalmodier des ‘OK’ bien monocordes.

La volée de bois vert passée, on a pu à peu près se parler comme des gens civilisés. Mais là aussi, mon alcoolémie avancée a tout passé à la moulinette. Et de la bouillie informe que sont mes souvenirs de notre conversation, j’en ai retiré ces quelques gros morceaux :

  1. Il passe ce soir, même si je n’en vois plus la finalité.
  2. Tous ses week-ends sont bookés, aucune possibilité d’escapade à deux comme je l’avais espéré et dont je voulais parler ce soir. Bis repetita de l’inutilité de sa venue ce soir.
  3. Son unique semaine de libre fin juillet au retour de sa grande mission dont il avait émis le souhait fût un temps d’en faire une semaine de vacances à deux pour me dire quelques temps plus tard qu’il l’envisageait en fait à deux mais dans sa maison à faire des travaux, doit m’être confirmée sous peu pour que je puisse poser mes CP au boulot mais si et seulement si c’est pour partir en vacances en amoureux parce que sa semaine de travaux, je m’en brosse le coquillard.

Et maintenant que je décante, je me rends compte que l’on n’aura jamais lui et moi ces instants privilégiés en amoureux qui sont à mon sens primordiaux pour contrebalancer le prosaïsme dont peut souffrir le quotidien d’une vie de couple. Sans les rendre omniprésents, ils doivent cependant exister. Et là, j’ai l’impression que cela ne sera jamais le cas.

C’est comme si on avait tiré un grand trait d’union de 20 ans entre nos deux histoires. Notre couple a repris sa course comme si de rien n’était avec son train-train, ses vicissitudes. Mais l’on a changé, j’ai changé. Et celle que j’étais alors n’a plus rien à voir avec celle que je suis aujourd’hui.

L’oiseau sur sa branche ne regarde certes pas plus loin que le bout de son bec mais s’il n’a que des graines de millet à se mettre dans le cornet tous les jours, il aura peut-être envie d’un bon lombric bien juteux de temps à autres pour faire passer la sobriété des graminées…

Bref. Plus ça avance et plus je recule. Je l’aime, ce Bradley, moins hier okay, et même s’il nous faudrait une bonne mise au point, il en faudrait peu pour que je m’engage vraiment auprès de lui, que je me sente investie. Que je descende de ma branche, quoi.

Là, je suis quasiment prête à m’envoler à tire-d’aile.

TOUCHE COULE

–  Bonjour Madame ! Pour vous remercier de votre fidélité à Bouygues Telecom, nous sommes heureux d’upgrader votre forfait internet mobile gratuitement !

–  Bah j’ai pas de smartphone.

–  Justement ! Comme vous êtes une excellente cliente, nous vous offrons le smartphone de votre choix pour 1 euro !

–  J’en veux pas.

–  Qu’est-ce qui vous retient ?

–  Je suis juste un dinosaure. Merci, au revoir.

 

Lundi 17 mai 2021 # BALADE AUTORISEE AU-DELA DE 10km MAIS AVANT 19.00  J+15

Pas allée au Normandy Beach ce Pont de l’Ascension. Le temps des plus hostiles, même pour la Normandie, ne m’inspirait pas vraiment. Si c’était pour rester cloîtrée dans ma chambre sans pouvoir mettre le museau et les pattes sur ma plage, bah je pouvais le faire chez moi.

C’est d’ailleurs ce que j’ai fait : jeudi roulage en boule en mode hérisson sur la banquette, vendredi traitement de ma paperasse perso et classement par le vide, micro-sortie samedi pour faire trois courses à côté et hier grand ménage à la Monk.

Le tout ponctué par mes nombreuses siestes. Et une seule séance de danse-gym sans grande conviction. Je ne sais pas trop pourquoi mais je ressens un grand état de fatigue ces derniers temps. Pas morale mais physique, une sorte de dodoïte aigüe. Je crois que je vais diminuer les doses de mélatonine, ça marche trop bien, ces cachets.

Mais en cours de journée hier, j’ai senti qu’il y avait aussi en fond une nouvelle crise de fibro à l’horizon très proche. Si proche qu’elle m’est tombée dessus ce matin en me levant au pied de biche. Moi qui étais gaie comme une écolière de retrouver ma chaise de bureau après ces quatre jours moribonds d’inactivité forcée…

J’ai mal partout. La lumière me tue les yeux, ma tête va exploser et j’ai l’énergie d’un paresseux paraplégique et dépressif. Mais pas le choix : j’ai gobé deux ibuprofène avec un guronsan et trois cafés comme au bon vieux temps du restaurant, et en voiture Simone !

La matinée a été sportive. Valait mieux, sinon je crois que j’aurais piqué du nez sur mon clavier ! Yep, débordée de taf comme la semaine dernière. Enfin ‘semaine’, disons les trois jours avant le Pont où j’ai eu l’impression de concentrer tout le taf que j’aurais dû abattre en ce bon mois passé à coincer la bulle.

Ils se sont enfin réveillés en me bombardant d’emails avec des tâches et des instructions en tout genre. Donc, mon premier boulot a été de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de mettre de côté les laconiques du style « Voici ça et ça en prévision de ça. Allez, démerde-toi » et je me suis concentrée sur les urgences. Bien que personne ne serait mort si j’avais procrastiné un chouya.

Ils ont même réussi à me coller une migraine rien qu’à l’énoncé du sujet de ma première ‘conf-call’ vendredi. Mais bon, je ne vais pas me plaindre maintenant que j’ai un boulot digne de ce nom.

 

Dans deux jours, c’est la réouverture des terrasses. Certaines collègues me disent qu’elles ont déjà réservé leur table, bien déterminées à s’enfiler des mojitos jusqu’à… bah 21.00.  Je leur conseille de penser à la parka car il risque de faire frisquet et humide. Quelle ironie ! Moi, j’attends l’après-Toussaint pour aller boire des coups en terrasse en t-shirt débraillé.

En revanche, dans deux jours, je fête les 10 ans de mon arrivée dans cet appart. Le 19 mai 2011… C’était il y a une éternité ! Au moins une douzaine de vies vécues, une trentaine de réaménagements style home-staging la plupart à la force de mes petits bras, dix-mille péripéties enchaînées, des tonnes d’alcool et autant de larmes comme de rires…

Je l’aime, mon appart. Il me coûte cher, surtout depuis que je ne rentre plus la paie flamboyante que j’avais lorsque j’ai signé le bail mais bon, je ne le quitterai que contrainte et forcée. Quoique… Y a deux nuits, c’était l’apocalypse chez la voisine du dessus que je connais bien, Cindy. Des hurlements hystériques, des cavalcades, des objets qui tombent ou des bousculades contre les murs qui en ont fait trembler les cloisons chez moi…

Et rebelote hier, matin et aprem. J’ai appelé Monsieur Champomy, la pie de l’immeuble, qui a dû se rendre à l’évidence lorsqu’il a reçu un mail de son voisin d’à-côté qui lui aussi venait s’enquérir de la même chose. Pas évident d’intervenir, rien ne prouve qu’il y a violences conjugales et connaissant un peu Cindy qui est très gentille mais pas très stable dans sa tête, il se peut qu’elle ait fait une crise à son compagnon du moment comme elle l’a fait avec celui de l’époque il y a quelques années. Kevin et moi on s’était même demandé ce qui se passait. Mais l’absence de tuméfactions sur le visage de Cindy avait arrêté là notre inquiétude.

Je ne suis pas une pie, je prends des cachetons pour dormir et l’appart est très bien insonorisé, elle n’y est donc pas allée de main-morte dans la scène de ménage pour que je l’entende ! Bref. Hier soir, il y a bien eu une ultime cavalcade, la porte a claqué et depuis, c’est le silence. Je ne sais quoi en penser. Sauf que j’ai déjà du mal, moi, à avoir une petite vie rangée, ce n’est pas pour ranger celle des autres, toute altruiste et serviable que je suis.

Ma vie est une bataille navale en pleine guerre des missiles à Cuba. Autant dire que je ne m’ennuie pas. Surtout depuis le 26 mars !

La semaine dernière avait pourtant bien commencé avec effectivement le bouquet magnifique de Bradley et le très touchant gâteau d’anniv improvisé de Yang :

 

 

 

 

 

 

Les deux hommes qui comptent le plus pour moi m’ont comblée, j’étais aux anges.

Mais dès le lendemain, j’ai compris que l’univers allait rétablir sa balance en m’assénant un coup de massue derrière les oreilles : impossible de boire la moindre gorgée de vin ou de bière, gluten ou pas, sous peine de haut-le-cœur avec une boule à l’estomac…

J’ai réitéré le surlendemain et pareil. Comme si mon corps disait stop à mes frasques éthanoliques trop nombreuses à son goût ces derniers temps. J’ai décidé de l’écouter et m’en suis allée me déboucher un Coke Zéro.

Et juste avant de partir quatre jours en mission, Bradley m’a chargée d’organiser la logistique de son déménagement le 5 juin prochain. Il a un peu hésité, pour la forme, à me confier une telle tannée mais devant mes suppliques, il a abdiqué : « Stoplé, donne à Bibi ! C’est mon cœur de métier, ça ! Je te fais un truc aux petits oignons et on voit ça quand tu rentres, d’ac ? »

Donc, entre mes siestes et mes trucs perso, j’ai calé ça. En fait, ça m’a pris presque tout le week-end. Bradley m’a appelé une fois ou deux, sauf hier soir quand il était censé rentrer chez lui et récupérer ses enfants.

Et ce matin, ouverture des hostilités. N’ayant toujours pas de news, je lui ai envoyé un texto pour lui demander s’il allait bien et pour qu’il me rappelle dès que. Deux heures plus tard, je l’ai appelé et j’ai eu droit à un « Je te rappelle dans 5 minutes ! », cinq minutes qui se sont transformées en une heure pour donner lieu à un étrillage en bonne et due forme. Je l’ai rappelé à ma pause-déj mais il n’avait pas baissé d’un ton. Ça m’a soulée fortement. Alors, je lui ai pondu cet email :

Re

 Avant tout, je veux te redire que tu es un sale con. Dans ta bulle de stress, tu ne vois rien d’autre que tes emmerdes, incapable de voir ce que les autres, moi en l’occurrence, peuvent t’apporter de bien. 

 Tu as passé 4 jours difficiles et tu as une grosse merde à gérer aujourd’hui, la belle affaire ! même si je comprends que tu ne sois pas dans un bon état d’esprit. Mais peut-être que moi aussi j’ai passé 4 jours à la con et que je n’ai qu’une seule envie aujourd’hui, celle de m’enterrer vivante au fond d’un trou ?… 

 Et ce n’est pas pour autant que je t’ai sauté à la gorge, au contraire, j’aurais aimé que l’on se réconforte l’un l’autre, mais bon. Donc, ce n’est pas la peine de t’en prendre à moi quand tu es comme ça, de me parler comme tu l’as fait car c’est dégradant au possible, insupportable en fait. Je ne suis pas ton sous-fifre ni ton arpète et encore moins ton souffre-douleur. 

 Je t’aurais bien raccroché au nez en te disant de me rappeler quand tu aurais été dans de meilleures dispositions car je te cite « Parfois, il vaut mieux être seul pour mouronner tranquille sans faire chier les autres ». Mais l’urgence de la situation a fait que. Je le saurais pour la prochaine fois, je t’enverrai un pdf, ce sera plus safe (pour moi).

 Bref, je ne sais pas trop ce que je suis pour toi en ce moment à part un punching-ball et cela ne me plaît pas du tout. Il va peut-être falloir apprendre à gérer ta colère, en tout cas à savoir sur qui il ne faut pas que tu te défoules injustement. Ceux qui n’y parviennent pas, j’ai déjà donné et la finalité est moche.

 Tu veux que je m’implique, que je me projette avec toi, bah pas comme ça, en tout cas. Je ne pense pas t’avoir demandé grand-chose jusqu’à présent, si ce n’est, aujourd’hui, de faire attention à ne pas me parler comme à un chien et que si cela devait se reproduire, à savoir t’en excuser. 

Je peux encaisser beaucoup et je t’accepte comme tu es, tout lunaire, soupe-au-lait et despotique que tu puisses être parfois. Je te demande juste de mettre la pédale douce avec moi, de me respecter un tant soit peu car sinon, je ne vois pas notre avenir sous les meilleurs augures. 

Re-bref, viens me chercher demain soir au boulot, on voit les détails sereinement à la maison et on booke dans la foulée. Si c’est impossible pour toi de laisser tes garçons seuls une énième fois pour une paire d’heures, dis-le moi et… bah je t’envoie un pdf de la logistique de ton déménagement sur laquelle, cela dit en passant, j’ai passé quasiment l’intégralité de ce pont de l’Ascension. (moi qui étais contente de faire ça pour toi et impatiente de te débriefer!) 

 A+++

Sur ce, il m’a appelée. Là je me suis dit qu’il allait me sonner les cloches mais pas du tout, il tenait à s’excuser de ses propos blessants du matin.

–  Tu n’avais pas à subir mes foudres, tu n’y étais pour rien, c’était complètement déplacé de ma part. Je suis profondément et sincèrement désolé, je te prie d’accepter mes excuses.

–  Toi, tu as lu mon mail.

–  Même pas ! Pourquoi ?

–  Tu verras. Mais bon, oui, j’accepte tes excuses.

–  Tu m’intrigues…

–  T’inquiète ! Ça veut dire qu’on est connectés et ça, c’est chouette.

C’est chouette, oui, ça n’empêche qu’il y aura en ouverture demain soir une séance de remise à l’heure des pendules. Et s’il hausse le ton encore une fois, je lui claque le beignet. Forces spéciales ou pas, il ne me fait pas peur. Non mais.

Bref. Yang passe tout-à-l’heure dépanner mon ordi qui fait des siennes. Bien besoin du réconfort et du positivisme de mon BFF. Et apéro-geeks, je vais retenter la bière après sept jours d’abstinence… Amen (ène).

HBD LOVE KISS, BRADLEY

« … Dimanche soir, on se voit. Lundi soir, j’ai un apéro-réunion militaire mais je rentrerai s’il n’est pas trop tard, sinon, on se verra mardi soir. Et je pars en mission du jeudi au dimanche… »

Bradley vendredi soir me détaillant sa ‘semaine avec moi’. Et moi qui me tâte « J’lui dis ? J’lui dis pas ? » ………….

 

Lundi 10 mai 2021 # BALADE AUTORISEE AU-DELA DE 10km MAIS AVANT 19.00  J+8

Bah je lui dis.

–  Sais-tu quel jour on sera lundi ?

–  Euh non… Si, le 10 mai ? AH MEEEEEEEEEEERDE j’ai zappé !!!!!!! Moi qui voulais te préparer une jolie soirée !!! Et je ne peux pas annuler, je me suis engagé… On peut se faire ça mardi soir ? Je suis désolée, ma chérie…

Heureusement que je n’avais rien prévu… Il s’est donc pointé hier soir, assez penaud, un petit paquet rouge sous le bras. Rien que ses mots sur le papier d’emballage m’auraient suffi, c’est déjà un cadeau car cela dit tout.

Je ne suis pas rancunière pour un sou. Et les peccadilles restent à l’état de peccadilles, c’est-à-dire qu’elles ne valent pas la peine de se perdre en conjectures intestinales sans fin. C’est au moins l’avantage de vivre l’instant présent, c’est trop précieux pour le gâcher.

J’étais donc heureuse de voir Bradley hier soir, lui aussi et c’est tout ce qui compte.

Il a été touché par mes derniers ‘aménagements’ comme la petite penderie à roulettes que j’ai achetée spécialement pour lui et tout un casier libéré dans mon tiroir de salle de bains. L’émotion à sa façon : « Personne n’a jamais autant fait pour moi… Je ne sais pas quoi te dire, ça me touche vraiment. Attends-toi à m’avoir sur le dos pendant de nombreuses années ! »

Là, je viens d’avoir un appel du fleuriste à côté de chez moi… Ce n’est pas Walter (j’ai demandé), j’imagine que c’est Bradley. A moins que ce ne soit Yang et/ou Mimine ? J’aurai donc la surprise ce soir en sortant du taf.

C’est assez rock n’roll cette année. L’an dernier, cela a été d’une sinistrose absolue, les cinq années avant, itou. Bref, je me suis habituée à passer ce jour de façon plus commémorative que festive et à ne pas m’en porter plus mal.

Mais je le sens, cette année ce sera différent. Plus festif. Comme si j’avais besoin de prétexte, tout bon soit-il, pour faire la fête. Donc j’ai commencé ce week-end chez Toto, hier soir avec Bradley et je poursuis ce soir avec Yang qui ne manquerait l’occasion pour rien au monde, ce choubidou de BFF. Manque plus que Nénette. Mais la distance et le couvre-feu toujours en vigueur ne nous laissent pas beaucoup de latitudes. Dommage, elle me manque.

Et depuis ce matin, les messages pleuvent. Par textos, par mails… Et par Facebook en réponse à mon post tout frais, photo non-retouchée fièrement arborée à l’appui : « Let’s face it : I can’t pretend to be 29 anymore but… 20 years later, don’t I still rock ? HBD to my preserved youth. »

LA MALEDICTION DU GLUTEN

« Le week-end sera estival, sortez les tongs et le rosé ! »

En attendant, ce sont les Saints de Glace en avance, doudoune et tartiflette. Mais bon oui, le rosé. Parce que la bière glutennée, je crois bien que c’est fini pour moi.

Jeudi 6 mai 2021 # BALADE AUTORISEE AU-DELA DE 10km MAIS AVANT 19.00  J+4

A mon grand dam. Qu’est-ce que c’est bon, le houblon trappiste ! Mais en constatant les démangeaisons atroces qui me font me gratter au sang, les douleurs abdominales et les violents maux de tête qui ont fait leur retour et pire, le gonflement de mon ventre qui pourrait faire penser que je suis enceinte de quintuplés, je n’ai d’autre choix que de renoncer à ma sacro-sainte Rince-Cochon et de reprendre mon pipi de chat. En pleurant.

Deux semaines que j’ai ‘repris’ le gluten, avec la bière seulement et je n’en bois pas tous les jours. Je n’ose imaginer ce que cela aurait été si j’avais fait la totale baguette fraîche-pizza-chausson aux pommes ! Bref. Je n’ai peut-être pas la maladie cœliaque mais je suis hyper-sensible, donc allergique au gluten, et ça y a pas photo.

 

Côté Bradley, c’est aussi les Saints de Glace depuis lundi. Fini le choupinou roucoulant, the complete asshole is back ! Cela n’aura été qu’une brève éclaircie dans la tempête. Comme quoi, j’ai eu raison de garder mes réserves.

Je l’ai appelé lundi soir et à son ‘Allô !’ j’ai senti qu’il n’était plus le même que ne serait-ce que la veille lorsqu’il me murmurait des mots tendres au téléphone pour me souhaiter bonne nuit. Il venait de passer une sale journée qu’il m’a détaillée, pète-sec, et il a sauté sur la première occasion pour me tomber dessus à bras raccourcis.

Il avait certainement besoin de se défouler mais je ne me suis pas laissée faire car je ne suis pas son punching-ball : « Tu es bougon, c’est le moins qu’on puisse dire. Rappelle-moi quand tu ne le seras plus, ciao. »

Le lendemain, il m’a envoyé quelques textos mais sans la queue d’une excuse. Je l’ai appelé, on a parlé et il s’est radouci au fur et à mesure qu’il s’est rendu compte à quel point il était important pour lui d’apprendre à assumer et de ne pas se tromper d’adversaire.

–  Tu m’as parlé de tes enfants dont tu as été sans nouvelles toute la semaine passée, aussi chaleureux que des bûches quand tu les as retrouvés dimanche soir. Ils ont alors filé dans leur chambre le nez dans leur portable et n’en sont sortis que pour manger. Je pense qu’ils se préparent à leur façon à la ‘séparation’ prochaine. Certainement aussi que leur mère leur a bien spécifié qu’elle était désormais la seule autorité parentale et qu’ils ne devaient te considérer à présent que comme un baby-sitter.

–  C’est vrai. Mais ça fait mal de me dire que mes enfants ont décidé de faire l’impasse sur leur père.

–  C’est toi qui pars. Ils doivent le ressentir un peu comme un abandon, tu ne penses pas ? je comprends que tout ça te perturbe mais ce n’est pas une raison pour t’en prendre à moi. Il y a une telle différence entre celui que tu étais la semaine dernière et aujourd’hui, j’avoue que cela me fait peur. En tout cas, je ne t’aime pas comme ça.

–  Bah je suis un sale con une semaine sur deux, y a pire, non ?

Tant que ce n’est pas la semaine que tu passes avec moi…

Le soir, quelques échanges badins par textos pendant que Yang et moi nous nous enfilions des binouzes en refaisant le monde et hier mercredi, silence radio. La seule chose qui me vienne là, c’est « Cours toujours, c’est pas moi qui te rappelle ! » et me revoilà dans le même état d’esprit qu’avant qu’il ne parte en mission il y a deux mois, quand je lui ai pondu ma lettre.

C’est probablement ce qui fait que je pars en cacahuète ces derniers jours. Je me suis inscrite sur un nouveau site de rencontres et toujours pas désinscrite de Meetic. Je n’interagis pas vraiment, voire même pas du tout mais chépa, je regarde. Cet adage « Loin des yeux, loin du cœur » que j’ai crû, bien temporairement, ne plus correspondre à ma relation avec Bradley, prend tout son sens aujourd’hui.

On continue de s’envoyer des textos, Walter et moi. Rien de funky, toutefois, disons que la ‘communication’ entre nous a été rétablie.

–  Tu sais que j’ai aussi le standard où je bosse, ça me rappelle il y a 20 ans lorsque tu m’appelais au boulot en numéro masqué… Chiche ?

Ah oui, chiche !

Je sais, c’est naze. Nénette me passerait un savon si elle était là.

Et y a un Malcolm au boulot que j’aime bien… Comme il n’est pas souvent sur site, bah on papote souvent au téléphone. Il dit que je suis son rayon de soleil quand je l’appelle et j’avoue, ça me plaît… Je le suppose un peu charmeur sur les bords mais c’est pas grave.

Et pis mon voisin Monsieur Champomy auquel j’ai demandé s’il voulait bien recevoir un colis que j’attendais, le sachant 100% en télétravail, et avec lequel j’ai finalement papoté pendant une heure de voyages du bout du monde, de San Francisco entre autres, ce qui l’a poussé à me glisser : « Je ne sais pas si tu as prévu d’y aller seule ou en groupe mais moi je suis partant ! »

Non, je n’ai pas d’attirance particulière pour ce geek de Monsieur Champomy, vieux garçon devant l’éternel, mais je reconnais m’être interrogée : pourrais-je sortir avec quelqu’un simplement pour partager cette passion commune (et probablement unique) des voyages ?

Je suis ultra-sensible, en somme. Comme pour le gluten. Pas aux aguets mais je réagis à la moindre sollicitation. Je devrais me sentir minable vis-à-vis de Bradley, coupable d’adultère, bien qu’il n’y ait pas vraiment matière à sujet, je ne sais pas, oui, je devrais me sentir mal, comme on dit, sauf que ce n’est pas le cas.

Ce pauvre BFF de Yang ! Il en perd son latin avec moi en ce moment ! Pas facile de gérer la braise que je suis devenue, ça brûle les pattes !

 

15.07. C’est comme s’il m’avait entendue… Bradley vient de m’appeler.

–  Coucou, ma chérie ! J’appelais juste pour te faire un bisou et savoir comment tu allais.

–  Tu m’as l’air moins grumpy toi, c’est bien…

–  Bah oui, je suis au régiment pour la journée, c’est que du bonheur et j’ai pas les enfants qui me soulent donc je suis bien.

Ça m’a fait plaisir de l’entendre. Surtout qu’il était tout miel. Normalement, on se voit dimanche soir dès mon retour de chez mon frère. On verra.

 

Sinon, les news au taf. Ma paie famélique, déjà. D’une, pas de coeff ni d’indice car la société dépend de l’IDC 9999 sans convention collective, donc c’est directement le code du travail qui s’applique. J’en apprends tous les jours.

Quand au delta du Nil entre mon net imposable et mon net à payer, outre la CSG-CRDS non-déductible, il s’agit de la part patronale de la contribution à la mutuelle, imposable désormais, soit 132 balles.

Ma cotisation salariale à la mutuelle étant de 88 euros, ça me fait une mutuelle à 220 balles par mois. Ni une ni deux, je l’ai annulée auprès de Shannon et je garde mon ancienne. Cela aurait été bien qu’on me le dise dès le début, ça aurait évité tout ce tintouin. Bref, je vais peut-être m’y retrouver désormais. Toutefois, je continue de jeter un œil sur les quelques job offers que je vois passer sur LinkedIn car on ne sait jamais…

Surtout que c’est toujours le désert de Gobi niveau charge de travail. On m’a demandé de gérer le stock des consommables et à cet effet, de faire un fichier excell… Ce qui m’a pris deux minutes et encore, parce que je l’ai mis en forme soigneusement.

Shannon fulmine de ne pas pouvoir me donner plus de taf alors que je le réclame à corps et à cris. Je crois qu’elle attend de voir si le poste d’une nana va être maintenu, une nana qui ne veut pas revenir en présentiel alors que son poste l’exige. Le cas échéant, je récupèrerais une partie de son taf. Je n’ai rien contre cette fille que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam mais si c’est le prix à payer pour que j’arrête de buller lamentablement, so be it.

 

Dans quatre jours, c’est mon anniv. Pas particulièrement fan de l’évènement, je n’ai rien prévu. Bradley sera là, normalement, peut-être qu’il y pensera mais je vois mal une soirée-surprise avec tuit tuit bougies sur un gâteau sans gluten.

Rien que d’y penser, je me gratte furieusement.

LUCIOLE TO GO

« Bonjour Madame D. Vous habitez toujours Square des Tilleuls au Plessis-Robinson ? »

Ça fait vingt ans que je ne suis plus Madame D. Bradley, ce n’est pas parce qu’on se revoit lui et moi que je vais re-porter son nom ! Pareil pour l’adresse… Ah ils sont à jour, les fichiers de la médecine du travail !

 

Lundi 3 mai 2021 # BALADE AUTORISEE AU-DELA DE 10km MAIS AVANT 19.00  J+1

Bon, à part prendre un air empathique à l’évocation de ma fibro et me dire qu’ils sont à ma disposition si je veux déposer un dossier de handicap, bah pas grand-chose. Même pas fait pipi dans un gobelet. Et oui, je suis une taupe, je ne vois rien, même avec mes lunettes. Et oui, je fume. Et oui, je t’emm…

Allez, apte. Mais à quoi ? Pas à grand-chose, à en juger par ma ‘charge’ de travail qui reste, malgré quelques pics en hauteur, bien fluette. Ce qui pourrait se justifier par ma paie reçue vendredi avec la fiche qui va bien, maigrelettes toutes les deux. Va falloir m’expliquer les 29% de charges retenues sur mon brut, les gars, même quand j’étais cadre, j’en payais moins que ça !

De retour au bureau, j’ai donc envoyé un mail à Shannon qui va voir avec l’expert-comptable. Manquerait plus que je lui explique son taf, à celui-là. Déjà, il va commencer par indiquer ma qualification et mon coeff. Ensuite, les 210 balles en moins.

Mais s’il s’avère qu’il n’y pas d’erreur, ça va être compliqué pour moi de travailler juste pour payer mes charges sans manger et encore moins fumer. Bon, c’est toujours mieux que le RSA mais je vais commencer à regarder dès maintenant si l’herbe est plus verte ailleurs.

J’ai cependant profité de mon mail à Shannon pour renouveler ma motivation à cette dernière même si je me languis d’étoffer mon poste. Lui ai fait quelques suggestions, on verra. Car qu’est-ce que c’est nul comme taf, peigneuse de girafe !

Bref. L’excitation du début est bien retombée. Je suis toujours contente, grosso modo, mais bon. Le télétravail massif fait que les bureaux sont quasi-déserts la plupart du temps, c’est dur de ressentir de l’énergie en plein Sahara. Et je n’ai pas encore rencontré tout le monde, à part une nana la semaine dernière, ce dont je me serais bien passée.

Elle s’appelle Bichette comme moi ! Et son deuxième prénom est Andrea, comme l’héroïne de mon roman ! J’ai crû à un signe de bonne entente elle et moi mais à la seconde où elle s’est pointée, avec sa voix suraigüe de mère maquerelle et sa moue dégoûtée, j’ai compris que ma BFF team ne compterait pas de nouvel élément.

Bichette-Andrea, mais WTF ?!!? Cameron m’a dit plus tard qu’il fallait que je m’en méfie, qu’elle était d’une chienlit sans nom et sans fond, qu’elle cafetait, que c’était la seule dans la société à jouer les divas qui éjectent d’un coup de hanches les voleuses de soleil impudentes… Comme quoi, mon pressentiment était le bon.

Elle est effectivement insupportable. Heureusement qu’elle ne passe au bureau qu’une fois par trimestre. Elle a dû voir à mon regard un chouia acerbe lorsqu’elle m’a reproché de ne pas avoir orienté un appel vers la bonne personne, qu’il ne fallait pas trop me chatouiller. Depuis, elle prend quelques pincettes avec moi.

Bah il faut toujours un ou une relou au bureau, où je bossais avant, y avait pratiquement que ça, donc cette société, c’est du bonbon pour moi. Bref, je fais donc le dos rond, béni oui-oui, je m’en contrefiche, en fait.

 

Bradley m’appelle ‘Mon cœur’ maintenant et m’en dessine sur des post-it qu’il laisse sur mon ordi à la maison quand il part le matin. Comme samedi avant de rejoindre son régiment-bidule pour un week-end d’instruction (si j’ai bien tout compris).

La veille au soir, dès qu’il a eu posé les pieds à la maison, il a senti que quelque chose n’allait pas. Je n’avais pourtant ni le ton ni la tête de traviole comme au matin mais je devais émettre malgré moi un signal ‘mayday’ qu’il a perçu.

Je venais de raccrocher d’avec Mimine qui, par le biais de Yang, s’était inquiétée. C’était inattendu, ces rôles inversés en un laps de temps si mince mais au final, bienfaiteur. Ainsi, pas le besoin particulier d’en reparler stat avec Bradley mais plutôt de marouner un peu dans mon coin.

Il m’a un peu forcé la main et la conversation qui a découlé a été limpide et constructive, bien loin de l’imbroglio névrotique que je pensais poindre. Son explication de texte a fait sens, tout a fait sens, sauf moi peut-être. Tout au fond, la petite fille giflée avait encore besoin de se frotter la joue et ce, même si elle ne comprenait pas pourquoi.

Lui a été exemplairement à l’écoute, pas du tout braqué. Il s’est juste écrié :

–  Mais je sers à quoi, moi ?! Tu appelles tes potes quand ça va pas et pas moi ?! Alors que j’étais juste à côté !

–  Bah déjà ça te concernait pour un tiers et ça ne fait que quelques jours où tu es présent pour moi, je n’ai pas l’habitude !

–  Bon, en même temps, c’est Yang, je peux comprendre.

A la fin, il m’a prise dans ses bras pour me consoler des larmes que j’avais versées la veille sans qu’il en ait la moindre idée. Je pense que ça va mieux depuis. Et ce week-end, seule avec moi-même, m’a fourni le recul nécessaire pour décanter comme je le voulais.

Bradley est décidément d’une choupinerie étonnante. Il se gargarise de mes mots, ceux que je lui ai avoués ‘perfection faite mâle’… Je dois reconnaître qu’ils sont légitimes tout autant que mérités : il est réellement parfait. Il l’est devenu. D’un coup de baguette magique.

J’ai pu penser que c’était un mirage, une passade qui allait faner aussi vite qu’elle avait éclos. Mais je constate une certaine constance, voire une montée en puissance dans le coup d’accélérateur qu’il a donné à notre histoire dernièrement.

–  Il faut que je te donne mon planning de mobilisation désormais, mes prochaines dates sont du 13 au 17 mai…

–  Ah bah justement j’allais te demander, comme je peux prendre un RTT le 14, ça nous aurait fait un week-end de quatre jours mais bon, case closed !

–  Oh non, c’est trop dommage ! Il faut qu’on se fasse un week-end tous les deux…

–  C’est normal, tu as booké les week-ends où tu n’as pas les enfants.

–  C’est surtout que ces dates sont bookées depuis longtemps ! Donc je vais me débrouiller pour qu’on ait un week-end ensemble prochainement. Et pis des vacances : que dis-tu de prendre la dernière semaine de juillet en CP et on se casse au bout du monde ?

Il me scrute, m’inspecte, me regarde sous toutes les coutures, il s’attarde sur d’infinitésimaux détails, les découvrant pour la première fois, selon lui. Ça me met presque mal à l’aise, je ne sais pas trop si je ne préférais pas lorsqu’il me survolait sans stabiloter la moindre de mes imperfections.

Et il tient en retour à ce que je consigne en moi la moindre chose de lui : les méandres de ses cicatrices, les arabesques de ses tatouages, la moindre tâche de rousseur, le moindre pli de ses micro-poignées d’amour… Bref, ça me donne l’impression d’un contrôle vétérinaire. Mais c’est mignon.

Donc, le Pont de l’Ascension, je vais le passer seule au Normandy Beach. Et le précédent, celui qui arrive, chez Toto. Pour mon anniv. Du coup, ce dernier a rameuté du monde pour faire un karaoké géant autour du barbecue. Ni l’un ni l’autre ne me tente mais je trouve cela gentil de sa part et cela me changera les idées. Bien sûr, j’irai dire bonjour à Maman.

Je pense beaucoup à elle en ce moment. Je repense à il y a un an. Je crois que c’est pour ça que je ne suis pas d’une humeur particulièrement guillerette. C’est un processus normal, paraît-il. Bref.

J’ai toujours tendance à avancer au jour le jour, voire à l’instant T. Les choses prennent forme pourtant, ma vie se reconstruit peu à peu mais j’ai l’impression que cela s’opère hors de moi, à côté de ma volonté propre.

Je suis un pinson sur sa branche, je ne pense qu’à ma prochaine luciole à déguster TO GO.

COUP DE GRISOU

–  Boire un verre ?

–  Why ?

–  Ça me ferait plaisir simplement. Et toi ? 

–  A moi aussi mais on sait bien toi et moi que ce n’est pas une bonne idée. De plus, ça fait 2 ans qu’on essaye, qu’est-ce qui ferait qu’on y arriverait cette fois-ci ?

–  Bah on est grands.

–  Non, toi et moi on est des gamins handicapés sentimentaux.

–  Pas faux.

Echange de textos avec Walter depuis deux jours. Reprise de contact dont j’ai été l’initiatrice à propos d’un truc au boulot. Je préfère anticiper si l’on doit se croiser lui et moi pour raisons professionnelles. Bien sûr, ça me perturbe.

 

Vendredi 30 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+30

J’en ai cependant parlé à Bradley hier soir. Puisqu’il souhaite que nous fonctionnions sur la base « The truth, the whole truth and nothing but the truth »… Il a paru agacé mais pas outre mesure, me demandant juste si moi j’avais envie de le revoir. J’ai répondu que je n’en savais rien, il a alors freiné des quatre fers comme un baudet devant un précipice en déclamant : « Je suis qui pour t’interdire de le revoir ? »

Et il a profité de la brèche pour lui aussi se confesser. Lundi, lorsqu’il avait cinq bières dans le cornet et un air bizarre, juste avant qu’il me fasse sa proposition d’emménager ensemble, il a eu en fait son ex au téléphone qui lui a dit, entre autres, qu’elle avait de nouveau quelqu’un dans sa vie et ça l’a miné.

« Donc, ton engagement auprès de moi cette semaine, ta proposition, tes déclarations, c’était par dépit ? Comme tu n’avais plus d’espoir avec elle, tu t’es dit autant tenter de faire un truc avec moi ?… »

Il n’a pas su me répondre. Moi, j’ai ressenti tout ce qu’il m’avait dit depuis lundi comme un fake. Que je ne suis et ne serai toujours qu’un plan de rabattage. Le fameux plan D.

–  Tu l’aimes toujours ?

Tu ne peux pas ne plus aimer quelqu’un dont tu as été follement amoureux en claquant des doigts. Oui, je l’aimerai toujours. Mais comme toi avec tes ex.

–  Certes pas, non. Ce que je veux dire, est-ce que tu souhaiterais te remettre avec elle si c’était possible ?

 –  La connaissant, non, ce n’est pas possible.

 –  Mais toi, que souhaiterais-tu ?

 –  Les premiers mois après notre rupture, oui, j’avoue, je l’attendais, j’y croyais encore. Mais plus maintenant. Moi aussi, j’ai quelqu’un dans ma vie aujourd’hui.

Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver que ses derniers mots sonnaient creux. Et j’ai peur qu’ils sonnent toujours creux, désormais…

Bref, conscient de m’avoir peut-être blessée, il a tenté de rattraper le coup mais je l’ai laissé devant la télé pour aller me réfugier dans le noir de ma chambre. Là, j’ai craqué. C’était trop : lui, Walter, Maman… Car dans la journée, j’ai relu mes écrits d’il y a un an lorsque Maman était juste en train de mourir et que moi j’étais une peste odieuse avec elle. Ça m’a bouleversée.

Ajouté à cela le mix d’alcool et cachetons, je ne pouvais que faire un bad-trip, à grands renforts de larmes et de cris intérieurs. J’ai appelé Yang qui m’a réconfortée du mieux qu’il a pu puis j’ai sombré dans l’inconscience.

Ce matin, cette nuit aussi d’ailleurs, Bradley était tout câlin, comme il l’est depuis lundi, à m’étreindre et roucouler des ‘mon amour’ à mon oreille. Mais je devais certainement avoir la tronche en biais en essayant de sortir des limbes de mon mini-coma éthylo-psychotique, car il m’a demandé comment j’allais et a souhaité débriefer la soirée.

« Euh là c’est le matin, j’ai du mal, c’est trop embrumé… Merci de renouveler ta demande lorsque j’aurais récupéré mon cerveau ! »

Une esquive mais sur fond de vérité. M’en reparlera-t-il ce soir ?

 

Bref, c’était trop beau pour être vrai. Trop clinquant. Pourtant, je ne suis pas une pie attirée par tout ce qui brille mais ayant découvert qu’il était mon Graal, oui, j’y ai cru. Mais clairement, je ne suis pas, moi, SON Graal.

J’aimerais lui en vouloir mais je sais ce que c’est que d’avoir quelqu’un dans la peau, à corps défendant qui plus est. J’ai juste mal. Je ne sais pas ce que ça va donner. Car je me connais dans ces cas-là, je peux avoir des réactions épidermiques radicales.

Ainsi, j’ai envie d’envoyer Bradley au diable Vauvert une bonne fois pour toutes car je ne sais pas si je pourrais lui refaire confiance un jour. Il ne m’a pas trahie, il m’a juste menti, comme il s’est menti à lui-même.

J’ai envie de rappeler Walter même si je sais d’avance que cela ne mènera nulle part, comme c’est le cas depuis 20 ans.

Alors, j’ai envie de plaquer tout et tout le monde. Envie d’une retraite dans un abri antiatomique. Et d’une ivresse sans fin.

Cela dit, je me sens assez forte maintenant pour ne plus vouloir sombrer jusqu’à l’annihilation. Je vais bien malgré tout. J’ai juste un moment de down, justifié en plus, et je sais qu’il va passer.

Et comme je crois beaucoup à l’équilibre des choses dans l’univers, cette justice divine qui fait que tout a un prix qu’il faut être prêt à payer, si moi je vais mal aujourd’hui, Yang et Mimine quant à eux semblent aller mieux. Ce qui fait que je relativise mon morflage avec altruisme.

Décidément, ce mois d’avril aura commencé en fanfare mais se termine en queue de poisson.