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LE GANG DES YANGS

« Ton pote, je valide ! Putain de bonne soirée ! »

Bradley vers minuit hier soir juste après que Yang soit reparti sur son vélo avec deux grammes d’alcool dans chaque oreille.

 

Mercredi 28 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+28

Rencontre au sommet hier soir, donc. Les premiers instants ont été un peu froids et gauches entre eux deux, comme deux combattants qui s’observent sur un ring de boxe pour savoir à qui ils ont à faire.

Une heure plus tard, la bière ayant commencé à limer leurs ergots de coqs, ils étaient déjà en train de se charrier l’un l’autre en se marrant comme des baleines.

Encore une heure plus tard, les voilà copains comme cochons. Grandes effusions, hugs et tapes viriles dans le dos, chorégraphies pogotesques, blagues et bons mots dignes d’un PSG-OM à regarder à la télé une main dans le caleçon et l’autre sur une bouteille d’Heineken…

Bref, une explosion de testostérone. C’était drôle de voir ces deux-là parfaitement en phase. C’était drôle tout court, d’ailleurs. Car même si je n’ai pas de chromosome Y, je ne me suis pas sentie sur le banc de touche pour autant. Je plussoie, c’était une très bonne soirée entre Yangs.

Et dans la bonne humeur complice que l’on partageait tous les trois, Yang s’est permis une taquinerie – où était-ce une gaffe ? – ce qui a eu pour effet de me faire piquer un fou-rire à en faire pipi dans ma culotte : « Si je comprends bien, Bradley, tu vas être dans les environs plus souvent désormais… »

Ça n’a pas loupé, Bradley a bondi hors de sa chaise : « Mais chérie, on en a parlé hier, comment se fait-il qu’il soit déjà au courant ?! Oh je vois, t’en as parlé dans ton blog ! »

Et moi, hilare :

–  Euh Yang, Bradley n’a pas accès à mon blog… Sacré toi, dis donc !

–  Comment ça ?

–  Quoi, tu ne vas pas la jouer solidarité masculine quand même, si ?

–  MAIS JE VEUX LIRE TON BLOG, MOI MAINTENANT !!!

Malgré mon fou-rire, bah je me suis retrouvée bien embarrassée. Ça m’allait bien lorsqu’il ne s’intéressait pas à moi, je pouvais me livrer sans retenue… Maintenant, je peux comprendre qu’il veuille savoir comment je parle de lui à des gens qu’il connaît désormais. Bref, j’ai réussi à esquiver mais la prochaine fois…

C’est comme Shannon au boulot lundi qui a renouvelé son intérêt pour mon blog. Même si ce n’est pas les mêmes raisons que celles de Bradley, Nénette me l’a fortement déconseillée et elle a raison, car même si je n’ai rien à cacher et que je m’assume, ma vie privée ne regarde en rien mon employeur.

Employeur qui ce matin s’est enfin décidé à me bourrer de taf jusqu’au museau. J’en aurais été extatique après ces longs jours à buller sauf que ce matin, j’avais un peu de mal après cette nuit ébouriffante à bien des égards.

Surtout qu’hier soir, gorge la première, j’ai plongé avec délice et sans retenue dans de la bière digne de ce nom. J’ai fait mon premier autotest gluten – négatif – et il faut que je réintroduise un peu de gluten sur trois semaines avant de refaire le test. Donc, j’ai commencé avec la bière, de la vraie, bordel, pas ce pipi de chat que je m’enfile par défaut en maugréant mes beaux diables à chaque lampée.

 

Et maintenant que quelques-uns de mes neurones ont repoussé, je débriefe avec moi-même. Je repense à hier soir et à Bradley qui, ma foi, m’a laissée sans voix, sauf à rire comme une bécasse.

Je m’attendais à le voir distant, pas trop en mode amoureux, trop préoccupé par l’officialisation de sa présentation à mon BFF de Yang, mais pas du tout, il rayonnait, tout à fait à sa place à mes côtés, petits gestes tendres et bisous d’un naturel confondant.

Je crois de plus qu’il m’a dit les trois mots – pas ‘What the fuck’ hein – au creux de mon oreille dans un de nos enlacements et qu’il m’a fait une autre déclaration en sortant de la douche, mais avec mon souci de mémoire poreuse consécutivement à l’ingestion déraisonnée d’éthylène, j’avoue que j’aurais bien besoin là maintenant d’une réédition :

–  Tu es mon amante, mon amour, ma confidente, ma pote…

–  Tant que je ne suis pas ta mère…

–  Ça non ! Mais toi et moi, on n’a plus de temps à perdre, à nos âges !

–  Parle pour toi… Mais à perdre pour quoi ? Je veux dire, il faut se dépêcher de quoi faire ?

–  Bah nous, quoi !

Il avance à pas de géant. Du coup, il me sèche sur place. Car je me rends compte que c’est moi qui étais distante hier, un peu gênée. Bien mal à propos. Je m’aperçois que j’attends de lui qu’il soit tout le contraire de ce que je suis. Il doit y avoir une histoire de projection ou d’acte manqué là-dessous, il va falloir que je creuse ça.

Le fait est que je ne peux m’empêcher de me demander comment a-t-il pu passer en si peu de temps de sale con rugueux et lunaire à cette perfection faite mâle ?…

Il avait raison, il est mon Graal.

SUR LE CUL !

« Je vais te faire une proposition. Je donne mon préavis pour mon appart dès maintenant, j’emmène le gros de mes affaires dans ma maison, j’emménage avec toi ici et je te paye la moitié du loyer. Oui, on va vivre ensemble. Tu réfléchis et tu me dis ? »

Je ne l’avais pas vue venir, celle-là… Si je n’avais pas eu une bière dans le coco déjà qui m’a juste faite le regarder avec sidération, j’en serais tombée sur le cul.

 

Mardi 27 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+27

J’aurais dû avoir la puce à l’oreille hier soir en sortant du boulot. Bradley venait de m’arroser de textos disant qu’il était rentré, que l’apéro était prêt et qu’il me faisait des bisous. Wow !!! Quelle mouche l’a piqué ?! me suis-je dit, un sourire sur les lèvres quand même parce que j’ai trouvé ça très mignon. Etrange, mais mignon.

Bref, je suis rentrée, il avait un air bizarre. Il semblait exténué mais pas en mode apocalypse masculine, non, on aurait dit qu’il sortait d’une journée de cogitation intense qui le laissait exsangue mais pas moins en alerte.

J’ai vaqué à mes occupations tout en discutant frivolement avec lui, de tout de rien. C’était léger, simple, naturel. Puis, il s’est posé sur la banquette, à nouveau avec cette mine singulière. J’ai cru qu’il subissait le contrecoup des cinq bières qu’il m’a avoué avoir descendues dans la journée et des deux-cent-cinquante pompes qu’il venait de faire dans le salon juste avant que j’arrive.

Mais non. Une lumière est venue envahir ses yeux et limite en me prenant les mains dans les siennes : « Il faut se rendre à l’évidence. On s’entend très bien. Sur le plan physique comme sur le reste. On est faits pour être ensemble. »

Je l’ai embrassé puis je suis repartie dans la cuisine poursuivre ma popote. C’était chouette, j’étais bien. Mais à dix-mille lieues de me douter de ce qui allait arriver. Il m’a alors rejointe dans la cuisine et paf ! il m’a faite sa déclaration tout-à-trac. Un peu ‘force de proposition’ avec le ton convaincu et convaincant du directeur commercial qu’il a été.

J’y peux rien, sur le coup, ça m’a faite penser à la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Il y avait quelque chose de lyriquement patriotique dans ses mots, l’engagement de toute une nation à construire un futur qui n’appartient qu’à elle…

J’étais surtout abasourdie. Je n’ai pu qu’acquiescer d’un hochement de tête, la bouche bée sans qu’aucun son n’en sorte. Il a enchaîné.

« Tu sais ce qui m’y a fait penser ? C’est quand hier soir, tu as proposé de me faire de la place dans ton tiroir pour mes produits de toilette. Sur le coup, je t’ai dit non car je n’avais pas envie d’avoir tout en deux voire trois exemplaires. Et puis, j’y ai réfléchi aujourd’hui et cela m’a paru clair. Comme quoi, ça fait son chemin… »

Je n’ai pas pensé à planter de petite graine en te proposant une place pour ton rasoir et ta brosse-à-dents… Il n’y avait rien de symbolique, j’ai juste pensé que cela serait plus pratique que de te trimballer avec ta trousse tout le temps.

 

C’est tout réfléchi, c’est oui. Même si je ne lui ai pas encore dit. J’accuse le coup. Mais en allant puiser dans mon for intérieur, un sentiment depuis fort longtemps oublié se met à fleurir.

Pour la première fois, je sens qu’il est là. Pour la première fois, ce que je ressens ne souffre plus de l’ombre des nuages.

 

C’est quand on arrête de chercher que l’on trouve.

C’est quand on lâche la bride que l’on avance.

C’est quand on n’y croit plus que l’on peut être convaincu.

Bref, sur le cul. Et ça rime.

MOI, COCHON D’INDE

Purée, tu ne vois pas à quel point tu fais cliché, Georgette ? Avec ton manteau en fausse fourrure (ou pire, de la vraie), tes escarpins rose pastel et ton masque assorti, ton sac à chaînette dorée et ta pose faussement lascive en plein milieu du trottoir ? Allez, pousse un peu ton popotin de pseudo-cocotte de luxe que je passe.

 

Mardi 20 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+20

Baklavas. Mon péché mignon. Le seul, rayon sucreries. Et sur mon passage en allant au boulot, tout un étal me fait de l’œil chaque matin. Je résiste tant bien que mal mais je sens que je vais bientôt craquer. Faut juste que je me prépare mentalement aux terribles démangeaisons qui m’attendent à cause du gluten contenu, même en infime quantité, dans ces délices si tentants.

Plaisir vs peau en feu, match au sommet ! Mais je vais quand même ressortir mes moufles anti-grattage jusqu’au sang car ces baklavas…

Et comme par hasard, au boulot, y a un Monsieur Gluten et ses autotests de dépistage de l’intolérance à ne pas confondre avec l’hyper-sensibilité. Après un exposé en bonne et due forme, j’apprends que l’intolérance est héréditaire, inscrite dans les gênes donc à vie alors que la sensibilité relève de l’allergie, donc peut-être traitable…

Me voilà sujet-test. Cobaye, quoi.

Sinon, ce matin j’ai rencontré 100 kilos et 1 mètre au garrot placides et débonnaires :

Puis, trois trottoirs plus loin, j’ai rencontré 3 kilos et 25 centimètres au garrot teigneux et mal baisés :

Devinez lequel des deux m’a faite flipper en me jappant dessus et en voulant me chiquer un mollet tandis que je passais tranquillement à côté de lui ? Quelle merde, ces roquets à mémère. Je me dis que le mastiff rencontré juste avant doit en chier un comme ça tous les matins.

 

Toujours morne plaine au taf. J’attends encore un peu puis je vais secouer le cocotier. Formation sur SAGE, appels d’offres, je me fous de faire de l’assistanat commercial, voire du routage, du moment que j’arrête de peigner la girafe…

 

Et enfin, Bradley est en vie. Un peu inquiète ce matin, je lui ai envoyé un texto puis laissé un message vocal, il m’a enfin rappelée.

« Je suis désolé, je ne voulais pas t’inquiéter, ma chérie ! C’est jusque que je suis rentré dimanche soir et je me suis écroulé de fatigue. Ensuite je n’ai pas arrêté de courir, là je pars avec les garçons pour voir la maison et signer le compromis, je voulais attendre d’être moins dans le stress pour t’avoir au téléphone. Mais tout va bien, ne t’inquiète pas. »

S’il faut que je pleure désormais pour un minimum syndical de communication… Mais bon, j’étais heureuse d’entendre sa voix et c’est tout ce qui compte.

BIG BUBBLE

« Alors, j’aimerais faire un point rapide, comment ça se passe ? »

Ma boss Shannon vendredi à 16.00 alors que je m’apprêtais à partir. J’ai bagaudé trois secondes – j’lui dis ? j’lui dis pas ? – mais je n’ai rien pu faire contre mon naturel revenu au galop : « Oui, ça se passe bien. Toutefois, il y a des moments de creux… »

 

Lundi 19 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+19

Et là, j’ai vu dans son regard, outre qu’il tombait des nues, une lueur de crainte qui s’explique par le fait que je lui avais dit à l’entretien d’embauche que justement ces creux, si trop récurrents, étaient insupportables à mon goût…

Elle a couru dans le bureau de mon autre boss pour lui dire, en gros, de remédier à ma problématique d’assistante qui a horreur de buller. Il m’a alors assurée que dès lundi matin, il m’assommerait avec une tonne de taf… Bring it on, baby, hit me hard !!!

Ce matin donc, après m’être échauffée tel une sprinteuse de haut niveau, j’ai allumé mon pc prête à en découdre avec ma boîte de réception pleine à craquer de directives en tout genre pour ma matinée censée m’assommer de taf.

Bon. Bah j’ai l’impression que je vais encore aujourd’hui en coincer une énorme, de bulle…

C’est nul, j’ai la patate après ce week-end passé majoritairement à… dormir. Faut croire que j’en avais besoin. Du coup, je me retrouve avec mes batteries chargées à bloc et pas la queue d’un truc à faire à part répondre laconiquement au téléphone que non, nous ne vendons pas d’autotests en direct.

Combien de temps je vais pouvoir tenir? Pffff

Toujours pas de news de Bradley. Il doit être rentré de sa mini-mission et avoir récupéré ses garçons…

Bref, un lundi morose malgré le retour du printemps.

TON GRAAL, C’EST MOI

« Mamie, tu ne pourras plus te battre si tu sais pas faire de judo ! »

Une autre brève sur le même trottoir, deux mômes sur leur trottinette s’adressant à une dame bien trop âgée à mon sens pour se rouler sur un tatami. Cette candeur m’émerveille de bon matin.

 

Mercredi 14 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+14

La non-candeur de Bradley hier soir, moins. On a reparlé de ma lettre, de ‘nous’, de demain, de moi sur – je cite – cette ‘grosse daube de Meetic’… Je lui ai posé des questions directes auxquelles il a répondu en biais comme à son habitude, sauf que cette fois-ci, je n’ai pas lâché l’affaire et malgré ses ergotages à rallonges, j’ai finalement eu gain de cause. Non mais.

Il préfère être chez moi que chez lui. Je suis son plan A pour loger sur Paris. Il aimerait qu’on fasse du cidre ensemble un jour dans sa propriété, cidre pour lequel il me demande de garder les bouteilles vides des bières sans gluten que je m’enfile à longueur d’apéros. Et il voudrait une photo de mes fesses pour ses longues nuits de garde quand il part en mission. No comment.

Bref, pour lui, pas de doute : on est ensemble. Et à sa façon, tout en retenue et suavement passionné, il m’aime et a peur de me perdre. Il ne rue même pas dans mes brancards lorsque je lui pose cette perfide question :

–  Donc si j’avais un date Meetic un jour, que dirais-tu ?

–  Que cela ne te servira à rien car il n’y a que dans mes yeux que tu te sentiras HOME. Ton Graal, c’est moi.

Et moi manquant de m’étrangler intérieurement.

Il avance, le pépère, il avance… Il a même passé la quatrième, je ne m’y attendais pas. En jargon d’Eurovision « Bradley : ten points ! » et en jargon de Bichette en proie à un dilemme cornélien « Damned ! Esta la mierda ! » mais plus opiniâtre qu’une tique sur le museau d’un chien « J’irai quand même à ce date, j’ai besoin d’aller au bout du truc… »

J’ai donc tout soigneusement replié au fond de moi avec l’étiquette ‘A voir plus tard’ pour me consacrer entièrement à la tirade homérique que Bradley était en train de déclamer :

–  C’est vrai, je n’envoie pas cinquante textos dans la journée car je trouve cela stupide mais cela ne veut pas dire que je ne pense pas à toi. Je ne demande rien et je dis merci parce que je suis ultra-respectueux et je ne veux pas que tu penses que j’abuse mais toi tu trouves cela insultant car tu as l’impression que je suis un étranger. Je ne suis pas un étranger, ni un connard de sexfriend rencontré sur Meetic, je suis ton mec, point. Je sais que toi tu as besoin en ce moment de rencontres, de ‘babiller’ au téléphone, ça me fait chier bien plus que tu ne peux l’imaginer ! Tu fais partie de ma vie, j’ai besoin de toi, peut-être pas au point de ne plus respirer lorsque tu n’es pas là mais c’est bien le cas. Je me sens bien avec toi, je peux être moi-même et c’est primordial ! J’aime tout ce qu’on vit ensemble, on s’entend plutôt bien, non ?

–  Tu dois avoir soif, dis donc… Finis ta bière…

Je n’ai pas trop tilté sur le moment, occupée que j’étais à vivre l’instant, fidèle à mon modus operandi de ces derniers temps. Ce que je sais, c’est que c’était inattendu. Et j’aime ! Aussi, ce matin en y repensant et en y juxtaposant l’idée de mon date de demain soir, une résolution s’est faite mantra en moi.

Je vais laisser parler mon intuition et lâcher la bride à mon don. Je laisserai venir en moi le sentiment le plus fort, celui de me jeter à corps perdu dans les bras de Bradley ou celui de continuer ma quête du Graal par d’autres chemins…

Je ne vis plus dans l’espoir mais dans le ressenti immédiat. Et je me sens délicieusement bien. Dans ma vie, en général. Quand je vois tout le chemin parcouru en un peu plus d’un an à blogger en rond sur mes petits maux et grands malheurs, je ne peux que me réjouir de ce renouveau qui m’apparaît comme une bénédiction divine.

 

Jeudi 15 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+15

–  Hey ! Toujours OK pour ce soir ?

–  Hélas non, je suis bloqué chez moi, je suis cas-contact…

Mais comment ça m’arrange, mon petit canard d’Apollon ! Deuxième faux-bond et t’aurais pu me prévenir avant, bref, allez, ciao.

Surtout qu’en plus, hier soir à table avec Bradley, le fameux sentiment a point naturellement en moi lorsqu’après lui avoir fait remarquer « C’est rigolo, pour la première fois j’ai l’impression que tu te sens chez toi… » il m’a regardée sans mot dire, une incroyable sérénité sur le visage.

Quelque chose d’indescriptible a flotté entre nous, comme un ange furtif, une sorte de grâce infinie, fortuite et pourtant légitime… La soirée, la nuit se sont déroulées dans une simplicité angélique. Sans compter qu’il était aux petits soins pour moi, sincèrement, sans ostentation ni démonstration par la méthode. Il était réellement attentif à moi et à mon bien-être, une première.

Ainsi, de savoir ce matin lorsqu’il est parti au régiment que je ne le reverrai pas avant dix jours ne m’a pas fait le reléguer aux oubliettes comme je le faisais avant à chacun de ses départs. Je dirais même que la tournure inattendue qu’a pris notre histoire commence à faire son chemin en moi.

Son upgrade, surtout, résonne dans ma tête : avant il m’appelait ‘Chérie’, aujourd’hui c’est ‘Mon amour’

Un à qui je me suis retenue de dire des mots tout sauf doux, c’est cet odieux personnage qui m’a balancé ce matin par téléphone au boulot :

–  Mais enfin, Mademoiselle, il ne faut pas sortir de l’ENA pour savoir ça !

–  Primo, je ne dispose pas de cette information. Deuxio, même si c’était le cas, je ne serais pas habilitée à vous la donner. Tertio, je ne vous permets pas d’être grossier.

Le « Go fuck yourself, you fat douchebag ! » n’était pas loin dans ma glotte mais j’ai eu la sagesse de le ravaler, ça la ficherait mal dans l’open-space. Et puis, j’ai quand même eu droit à du ‘mademoiselle’, donc…

Ah le boulot… Je me dis que finalement, je suis vachement bien payée pour buller les trois quarts de la journée, le dernier quart se remplissant sans grande conviction de quelques ‘urgences’ et du fameux suivi des Colissimo… Je m’ennuie donc comme un rat mort. C’est ce que je craignais.

Maintenant, j’en profite pour écrire. Et puis, y a pire comme situation, même si je ne peux m’empêcher de me demander ce qui est le plus embêtant : qu’ils me sous-emploient sciemment ou qu’il n’y ait effectivement rien d’autre au-delà du périmètre restreint de mon affectation ?

Comme j’en ai marre d’arpenter l’open-space avec ma pancarte « N’hésitez pas à me donner un truc à faire ! », j’ai décidé de rester maintenant à mon poste pour vaquer sans scrupules à mes occupations ultra-personnelles.

Comme de penser. Notamment à la situation de Mimine et Yang… Les montagnes russes de l’enfer, mais si encore ils étaient dans le même wagonnet tous les deux ! J’ai plutôt l’impression qu’ils vont entrer en collision frontale dans pas longtemps et je crains que l’un voire les deux n’en réchappent pas…

Pourtant, j’avais repris espoir mardi lorsque Mimine m’a appelée pour me faire part de sa prise de conscience et de l’énorme pas en avant qu’elle venait de faire, notamment en prenant la décision de consulter un psy. Sa voix avait changé depuis dimanche, je retrouvais le pep de ma cops, bon dieu que j’étais heureuse pour elle, pour eux !

Et pis hier, tard dans la nuit pendant que je morphéisais à donf, un texto de Yang que j’ai lu ce matin en me levant donc : « Soirée épouvantable ! Besoin de parler » … Et merde ! Bref, excuses pour mon raté en tant que BFF formulées et infos complémentaires engrangées, le petit cumulus sur lequel je les pensais tous les deux confortablement assis s’est transformé en un furieux cumulonimbus qui s’est mis à me pleuvoir dessus comme vache qui pisse.

En synthèse : pris au piège dans une spirale sans fin, les voilà entrés dans un dialogue de sourds qui commence à convertir leur incompréhension mutuelle en ressentiment acerbe… Ça sent pas bon, j’aime pas ça du tout !

Si je n’avais pas ma prairie en fleurs, je me noierais dans ce bourbier de mauvais pressentiments…

Allez, ce soir, je me fais une soirée-confinement rien qu’à moi, comme avant : danse, gym, tubage de cigarettes et crashage en vrac devant une série débile. Besoin d’abstraction.

LE COQ

« Ça sert à rien d’avoir des muscles si t’as pas de cerveau ! »

Une brève de trottoir attrapée ce matin sur le chemin du bureau. Qui me renvoie à Apollon qui a refait surface hier par un texto bien trop matinal pour un dimanche…

 

Lundi 12 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+12

C’est même cela qui m’a tirée de mon demi-sommeil après avoir fermé les yeux à 7.00 du mat. en conclusion de cette longue nuit avec Mimine. Oh, Apollon… bah t’étais passé où ? En textotant dans mon lit, je pouvais entendre Mimine pleurer dans le salon. J’ai voulu aller la voir mais je me suis dit qu’elle avait peut-être besoin d’être seule. Bref, je me suis rendormie pour une paire d’heures.

Pas autant d’alcool que je l’aurais supposé hier soir, pas d’oblitération en tout cas. Au contraire. Malgré la fatigue qui s’est faite sentir à un moment donné, Mimine a eu le regard fixe toute la nuit et moi je suis restée droite comme un i à son écoute.

Mon dieu qu’elle souffre ! Et je ne peux rien faire pour l’en soulager, à part lui prêter mon oreille attentive. J’ai vécu ça, moi aussi, il y a 20 ans avec mon divorce d’avec Bradley. J’avais même retranscrit le cauchemar que je vivais alors :

… Tu sais, quand les murs t’écorchent le front à tel point que tu as l’impression qu’ils vont te rentrer dans la tête. Tu regardes autour de toi, tout est vide. En fait, les objets de d’habitude ont perdu leur aspect singulier, ils sont posés là, en suspens dans ce vide immobile, bêtes comme des objets sans âme autre que celle de leur utilité.

Et puis, ce bruit incessant dans la tête. Même la musique à fond, tu le perçois encore, comme un brouhaha piqué de longs hurlements. Les questions, toujours les mêmes. Pourquoi ?! Pourquoi ?! Pourquoi ?! Tu ne penses qu’à ça, tu ne peux que penser à ça. Tu te forces pourtant à penser à autre chose mais il n’y a rien à faire, c’est une vague qui revient te submerger inlassablement.

Et le sommeil… C’est bizarre, comment ça fonctionne : en d’autres circonstances, tu serais déjà écrasé de fatigue, vu l’heure, mais là, tes yeux restent invariablement grand ouverts dans le noir, et ça tourne, ça tourne, ça tourne comme une toupie et tu finis par avoir la nausée.

Les larmes ne se chahutent même plus, elles s’épanchent longuement sur ton visage sans prendre le temps d’être refoulées. Une force inconnue te grignote de l’intérieur. C’est elle qui te tient en éveil comme un jour de pleine forme. A tel point que lorsque le réveil sonne, tu sautes hors du lit, soulagé de ne plus avoir à continuer cette nuit sans sommeil. Tu regardes alors ton visage dans le miroir. Bouffi, délavé, tu ne vois plus de tes yeux que deux traces rougeâtres à la fixité quasi insoutenable.

Tu as beau prendre de grandes inspirations et chasser de la main toutes les pensées qui t’assaillent, celles-ci ne te lâchent pas et envahissent chacun de tes gestes, chaque intonation de ta voix.

Et les larmes reviennent, plus lourdes encore, elles se pressent dans ta gorge. Tu t’emploies à les retenir de ton mieux car tu as peur qu’en lâchant la bride, ton chagrin n’explose en te défigurant une fois pour toutes…

Et au tout petit matin, Mimine m’a demandé :

–  Andrew peut-il nous rejoindre pour bruncher ?

–  Bien sûr, je suis toujours heureuse de voir mon Yang ! Mais toi, ça va aller ? Pourquoi souhaites-tu qu’il vienne ?

–  Il me manque, j’ai besoin de le voir…

–  D’accord. Mais je te préviens, je ne fais pas l’arbitre !

Mais sitôt Yang arrivé, j’ai compris que ce brunch ne serait pas décontracté et convivial comme il aurait dû l’être. Mimine s’est carapatée dans la salle de bains où Yang est parti la chercher pour passer à table. Et là, ce fût le drame.

Les cris, les sanglots. Ceux de Mimine. Et malgré la porte fermée, la tension était palpable du salon où seule à table, dépitée mais surtout malheureuse pour eux, j’ai attaqué mon brunch. C’est là qu’Apollon m’a appelée.

Je lui raconté succinctement la situation dans laquelle je me trouvais qui expliquait mes chuchotements, l’appel n’a donc pas duré très longtemps. Mais… Mais… Pff… Comment dire ? Bah on a pu échanger un peu et c’était ma foi très agréable.

Et à la question fatale, la spontanéité de ma réponse m’a faite glousser comme une dinde intérieurement :

–  Ça te dit qu’on se voit ?

–  Oh oui !

Même pas trois secondes de réflexion, c’est sorti comme ça. Les vapeurs éthyliques de la veille ne se seraient-elles pas complètement dissipées ?… Bref, lorsque j’ai débriefé Yang revenu enfin dans le salon, l’excuse aux lèvres et Mimine sur les talons, il s’est écrié ‘Mazeltov !’ et s’est attelé à me cuisiner en bonne et due forme, ce qui a eu pour effet de faire redoubler mes gloussements.

Mon petit Yangounet qui a pris son rôle de BFF tellement à cœur, même dans la situation dramatique et ubuesque dans laquelle il s’est retrouvé noyé jusqu’au cou… Il a même eu la force et la futilité de feindre une jalousie de coquelet lorsque je lui ai donné la fiche signalétique de l’oiseau Apollon :

–  Maître-nageur et prof de taïchi, plaquettes de chocolat, musicien accompli, beau comme un soleil…

–  Euh moi aussi je fais du sport et j’apprends la guitare quand je veux ! Finalement, je suis moins pour que tu le voies parce que tu vas nous comparer…

–  Mé non. Et toi aussi tu es beau comme une Rolls mais je ne t’envisage pas comme ça !

Le regard glacial de Mimine, mortifiée jusqu’aux os et ses mots comme un couperet :

–  Tu es prête à trahir Bradley ? Parce que c’est ça, non ?

–  On parle juste de se voir, tu sais…

–  D’accord. Du moment que tu en assumes les conséquences.

–  J’assume de vivre l’instant sans préjuger d’une suite quelconque. Avec Bradley comme avec un autre.

Et ce coquelet de Yang qui renchérit :

–  Mais dis donc, je croyais qu’intellectuellement, il ne te remuait pas la petite cuillère, l’Apollon ?

 –  Bah pour en être sûre, il faut qu’on se voie. Appelle ça une enquête-terrain !

 –  Pff il est trop parfait ! C’est sûr, y a un vice caché…

 –  You’re talkin’ to me ?! Avec le don que j’ai, tu ne crois pas que je saurai de suite de quoi il en retourne ?

 –  C’est vrai. Allez je me tais.

Le brunch s’est terminé dans une relative quiétude et Yang et Mimine s’en sont retournés. J’ai eu mal rien que de penser au retour dans leur huis clos mortifère. Je les plains vraiment. Déjà il y a un an, je préférais l’enfer que je vivais avec ma mère au leur. Horrible.

 

Un brin de ménage, deux lessives étendues, mes affaires du lendemain préparées – inauguration de ma flambante-neuve lunch-box incluse – et je me suis enfin posée. Trop fatiguée après cette quasi nuit blanche pour réfléchir en profondeur, je suis néanmoins parvenue à m’interroger sur ce match au sommet ‘Bradley vs Apollon’.

Que Mimine le passe au travers de sa moulinette des plus tranchantes en ce moment, c’est une chose, mais n’aurait-elle pas raison quelque part ? Pourquoi ne ressens-je aucune culpabilité ? Pourquoi me moque-je des éventuelles ‘conséquences’ de mes actes ?

Ce soir, je vois Bradley. Il vient me chercher à la sortie du boulot sur ma demande ce matin. Je suis super heureuse de le voir et aucune dualité ne vient effleurer ma conscience. Je ne dois pas être normale.

Et aucune hésitation hier soir à envoyer un texto à Apollon pour un date jeudi soir.

J’entends déjà Nénette ronchonner.

MA PRAIRIE EN FLEURS

« Tu es d’une aide vraiment précieuse, merci d’être là ! »

Si tous mes boss se fendent de leur compliment chaque vendredi, je vais finir par me choper la grosse tête. Tout ça parce que j’ai monté/descendu en jupe-talons les escaliers dix fois de suite pour les aider à charger la voiture avec les trucs pour la démo de l’après-midi avec Mme B.M.

Ils ont peut-être salué le sacrifice de mes mollets ?…

 

Samedi 10 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+10

J’aime mon taf. Enfin, pas tant le taf en lui-même mais ce qu’il signifie dans ma vie. J’ai de nouveaux des horaires à respecter, des croix dans mon agenda, des trucs perso à caler au milieu, une nouvelle routine à installer dans mon planning presque débordé de femme nouvellement active.

Et j’adore !

C’est ce que j’ai dit à ma doctoresse hier soir en téléconsultation. Je crois que tout va bien, aujourd’hui. Je garde encore la sérotonine et la mélatonine histoire d’ancrer mon bien-être mais le tournant que vient de prendre ma vie pourrait bien à lui seul valoir tous les antidépresseurs de la terre. C’est la Sécu qui serait contente.

Bon, le taf, rien de compliqué, c’est même très en deçà de mes compétences mais ça me va. Une charge mentale bien légère qui me permet de refermer la porte derrière moi le soir sans aucun remords ni pensées parasites.

Une semaine et je suis en place. Tellement en place que depuis jeudi, j’ai des creux. Et s’il y a bien quelque chose que j’abhorre au boulot, c’est de peigner la girafe. Je suis même allée quémander quelque chose à faire pour avancer les autres. Mais le suivi des Colissimo dont on m’a chargé m’a occupée dix minutes. Même en ayant construit une base de données from scratch.

Je saute donc sur toutes les occasions pour m’occuper. Comme de la manutention et un brin de ménage dans mes quartiers. Mais bon. Alors, j’ai décidé que dès lundi, j’en profiterai pour me remettre à écrire les aventures d’Andy et de Samuel-James que j’ai délaissées depuis quelques temps. Ça tombe bien.

Bref, tout ça n’est pas très excitant mais comme je l’ai dit plus haut, ça me convient. De plus, l’ambiance et l’environnement sont bons et je me suis même fait une copine, Cameron. On a le même âge à trois mois près, on est un peu de la même veine et son équilibre sérieuse au boulot mais fantasque en privé me ressemble beaucoup.

A nouveau, que c’est chouette de rencontrer de nouvelles personnes !

En parlant de rencontres, maintenant que j’ai goûté avec délice à la reprise d’une vie sociale, bah j’en veux plus. Une vraie frénésie. J’en ai parlé à ma BFF team mercredi.

–  Y a ce mec sur Meetic avec lequel j’avais parlé avant de revoir Bradley…. Mon dieu, Nénette, qu’il est beau ! On s’envoie des textos, on va s’appeler bientôt… Donc si je le vois, t’en penses quoi ?

–  Oh non ! Ce serait dégueulasse, maintenant que toi et Bradley avancez enfin !

–  Est-ce le cas ? Oui, je pense que certaines choses vont changer mais d’autres non. Je crains qu’il ne reparte dans sa spirale et je n’ai plus la patience. Mais par-dessus tout, je ne ressens aucune culpabilité à discuter avec Apollon alors que je devrais… Et je dois dire que j’aime ces petits textos échangés à longueur de journée, ça me change ! Je me sens très ado, très midinette en ce moment, certainement parce que je reviens à la vie et que j’ai envie de fleurs, de papillons et d’étoiles !

–  Bah tu ressens quelque chose pour ce mec, à part qu’il affole ta libido ?

–  Non, j’ai même l’impression que je me ferais chier avec lui, qu’il n’est pas très stimulant, intellectuellement et spirituellement parlant. Mais je ne suis pas contre de le rencontrer. Pour voir, comme ça…

–  Bon, faut faire comme tu le sens.

Yang, quant à lui, s’est exclamé : « Je suis pour à 100% ! Vas-y, la vie est trop courte et les nouvelles rencontres, c’est toujours bien ! »

Dissensions au sein de la team qui n’ont plus eu lieu d’être quelques jours plus tard. En effet, le fameux Apollon a cessé subitement ses textos et bien sûr ne m’a pas appelée. Il n’a peut-être pas apprécié que je lui dise être plus sensible au charme et à l’allure plutôt qu’à une plaquette de chocolat en guise d’abdos…

Bref. Je n’ai pas relancé. J’avoue que ça solde mon dilemme. Si dilemme j’avais.

Bradley a pris étonnamment la relève niveau textos et petits coups de fil anodins. Et moi aussi. J’avoue, les choses changent. Une vraie communication d’amoureux s’est instaurée. Bon, ce n’est pas passionnel ni ultra-affectueux et je peux me brosser si j’attends qu’il me fasse la surprise de venir me chercher au taf avec un bouquet de fleurs, mais cela a le mérite d’exister. Comparé à avant, y a pas photo.

J’attends toutefois de voir sur la durée. De voir s’il va se mettre un boost ou pas. Car j’en ai besoin, de ces putains d’étoiles dans mes yeux, maintenant plus que jamais, et s’il tarde trop, j’ai peur de vouloir m’en aller vers une autre galaxie…

C’est peut-être pour ça que je continue de discuter sur Meetic. Quelques amorces de discussion mais rien d’emballant. Ce que j’aime, c’est quand on commence à vraiment faire connaissance, à se retrouver avec plaisir pour continuer la discussion de la veille. Le frisson, même infime, c’est enivrant.

J’ai eu le tour avec Jeremiah. Je ne regrette pas, c’était bien le temps que cela a duré. Et que cela se soit terminé en queue de sucette, ce n’est pas grave. En parlant de Jeremiah, je lui ai répondu et ce, malgré toute la réticence que j’avais alors : « Je suis navrée. Vraiment. »

Je pensais que cela clôturerait notre mésaventure. Mais il a continué de m’écrire.

« Oui ? De quoi précisément ? Parce que là dit comme ça je peux comprendre /interpréter beaucoup de choses… Genre la première qui me vient à l’esprit c’est que tu valides que effectivement ça se termine comme ça dans le silence. Après, une autre, que tu l’es de la situation de manière plus générale… J’ai bien compris ce qui ne va pas (pas de souci de ce côté-là) mais j’ai pas du tout compris comment tu l’as géré …c’était très… bizarre… tes hésitations, ta manière de tourner autour du pot… qu’on reste ensemble quelques minutes, que tu me laisses te toucher tout ça …oui, bizarre, plus j’y repense et plus je trouve ça …pas banal. De mon côté j’entends ce que tu as dit, notamment -et tu le constates- que je n’ai pas tenté -et que je n’essaye pas plus là maintenant- de te convaincre de quoi que ce soit. Au final je pense que tout « ça » te perturbe beaucoup plus que moi… Et là c’est moi, à mon tour, celui qui est navré. »

Puis : « D’accord. Nos 10 jours ne pèsent rien du tout. Je n’aurai pas de réponse à mes précédentes interrogations (sauf à trouver ton blog ^^). Tu n’es pas logique (j’avais oublié). J’arrête de t’embêter. »

Je me suis dit qu’il fallait que je mette fin une fois pour toutes à cette histoire sans queue ni tête : « Mon silence… J’avais besoin d’infuser, je pense. Et tout le rush avec ce nouveau job! Je n’ai toujours rien compris à ce qui s’est passé lundi. Je veux dire, moi. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Mon don prend une ampleur et une acuité déstabilisantes au possible. Je ne peux rien te dire d’autre que je suis profondément navrée. Je te souhaite tout le meilleur pour la suite de ta vie, à nouveau désolée de n’avoir été qu’une étoile filante. »

Ce à quoi il n’a pas tardé à me répondre : « J’apprécie que tu me répondes, mais tu ajoutes de la confusion là… Je n’ai pas compris ton attitude mais je pensais avoir compris tes raisons… Ce message me met le doute, ce qui était clair ne l’est plus vraiment…. »

Et de nouveau quelques jours plus tard : « Bonjour, comment vas-tu ? Tu n’as pas répondu alors j’imagine que tu digères difficilement (?) Si tu as réussi à comprendre (je me réfère à tes messages) je veux bien l’entendre / le lire… J’ai l’impression que tout cela s’est passé il y a une éternité alors que ça fait seulement 10 jours… Et même si j’ai été très vite dans l’acceptation -et ce sans douleur- il n’empêche que je pense à toi tous les jours …de là à dire que ce qu’on avait me manque oui peut-être… La seule chose qui me turlupine vraiment c’est de te savoir dans un mood étrange, de la même veine que celui de notre rencontre en réel alors que de mon côté tout est / était très clair (d’où l’acceptation rapide et indolore) Un comble si ça te perturbe plus que moi non 😉 ? »

Est-ce moi qui n’ai pas été claire dans mon dernier message ? Comment peut-il se méprendre à ce point à mon propos ? Se voile-t-il la face ? Fait-il une ultime tentative ? Je ne sais pas, je m’en moque à vrai dire. Je ne veux juste plus aucun contact. Comme un mauvais film, sitôt vu sitôt oublié.

 

18.30. Ce soir, c’est soirée-pyjama avec Mimine. Même si je sais qu’il y aura plus d’alcool et de larmes que de tisanes et de pyjamas girlie. Il était temps que l’on se voit. Elle et Yang sont effectivement entrés de plain-pied dans l’enfer de la séparation après presque 30 ans de vie commune.

Ça fait un an que cela couvait. Et cela a éclaté il n’y a pas longtemps. Après que Yang se soit confié à moi, Mimine doit en faire autant aujourd’hui. Mais je suis la Suisse, neutre. J’ai cette habilité à cloisonner à mort et pouvoir ne prendre aucun parti. Mais ce qui n’empêche pas mon empathie. A vrai dire, ça m’étreint et me fait mal pour eux deux. J’ai même fait plusieurs rêves très dérangeants à leur sujet que je ne saurais interpréter.

Donc, ce soir. J’espère que ma prairie en fleurs recouvrira la plaine désertique de ma cops.

QUAND PÂQUES M’EST CONTE

« Ta lettre de rupture, pourquoi ne pas me l’avoir donnée quand je suis arrivé ?! Je serais reparti de suite ! »

Bradley samedi soir, quelque part entre ma deuxième et troisième bière.

 

Lundi 5 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+5

Quand il est arrivé samedi, bien plus tôt que je ne l’attendais – une première – j’ai senti immédiatement que la soirée allait être compliquée. Pour moi. Ayant en tête de lui donner ma fameuse lettre au moment le plus opportun, c’est-à-dire lorsque j’aurais eu suffisamment d’alcool dans le cornet pour accuser les conséquences avec un battement de cils, son attitude avec moi a bien failli remettre tout en question.

En effet, il est arrivé adorable comme tout et dieu qu’il était beau dans ses fringues militaires !

–  Je croyais que tu passais chez toi d’abord ?

–  J’ai juste fait un saut, j’avais hâte de te voir !

Et moi aussi, j’ai été adorable. Naturelle, rieuse, bisouilleuse et franchement heureuse de nos retrouvailles. Bref, quelques dentelles arrachées et une première partie de jambes en l’air façon ‘retour du guerrier’ plus tard, on s’est mis à l’apéro.

On a discuté de tout. De ses trois semaines de colo, de mon nouveau job… Des échanges faciles, simples et sans grumeaux, amicalement chaleureux. Ça mérite d’être mentionné car cela n’a pratiquement jamais été le cas entre nous. Je lui ai parlé de mes nombreux happy-hour avec Yang et là, il a tiqué.

–  Dois-je m’inquiéter ?

–  De quoi ?

–  Vous avez l’air si proches tous les deux, vous allez finir ensemble, non ?

–  Mé non ! On est des BFF et oui on s’aime mais pas comme ça !

–  D’accord, je te crois.

Je ne m’attendais pas à cette pointe de jalousie de sa part. Apparemment, lui non plus. Une nouveauté qui nous a quelque peu déstabilisé tous les deux. Enfin, moi, surtout. Compterais-je dans sa vie désormais, suffisamment pour qu’il ait peur de me perdre ?

Cela s’est confirmé lorsqu’au détour de notre conversation au sujet de sa maison dont il signe le compromis dans quelques semaines, il s’est mis à dire ‘nous’ en me prenant dans ses bras. Et il m’a avoué avoir fait son coming-out à propos de moi. D’ailleurs, il a reçu un texto d’un de ses meilleurs amis qui lui souhaitait, pour faire poli, une ‘bonne soirée’

Durant ce break, je pensais avoir été la seule à avoir fait le point sur notre relation mais force est de constater que lui aussi. Et il a avancé.

Bref, tout ceci m’a mise dans un pétrin indescriptible avec ma lettre coincée dans mon soutien-gorge. Je lui donne ? Je ne lui donne pas ? Je me suis dit qu’il fallait qu’il lise mes mots sinon il ne saurait jamais ce qu’il y avait en moi. Alors, je me suis décidée. Advienne que pourra.

Sa réaction en prenant l’enveloppe m’a fendu le cœur.

« C’est quoi ? Une déclaration d’amour ? Oh la la, je ne vais pas savoir où me mettre ! »

Il s’est alors mis à lire silencieusement, un sourire aux lèvres qui a rapidement disparu au fil de sa lecture. Moi, un brin anxieuse, je guettais en finissant ma bière à grandes lampées, le moindre signe sur son visage qui aurait pu trahir son urgence à décamper. Mais il est resté stoïque, a replié ma lettre et s’est tourné vers moi, la voix plus grave que jamais :

–  Je n’avais aucune idée, je n’ai rien vu venir ! Mais cela ne pouvait pas plus mal tomber.

–  Je t’avais dit que je réfléchirai pendant ton absence.

–  C’est plus que de la réflexion, c’est de la trahison ! Moi, je suis parti heureux en sachant que ma nana m’attendait alors qu’elle en a profité pour s’inscrire sur un site de rencontres et se taper deux mecs !!!

–  Ne commence pas avec tes raccourcis à deux balles, s’il te plaît. Déjà, ta ‘nana’, ta poupée gonflable, tu veux dire, docile et décérébrée ? C’est comme ça que je me sentais avec toi et crois-moi, ce n’était pas flatteur. C’est d’ailleurs ça qui m’a poussée à m’inscrire sur Meetic, alors d’une certaine façon, c’est de ta faute. D’autre part, as-tu bien lu mes mots ? Il ne s’est absolument rien passé avec ces mecs ! Je suis en train de me justifier à propos de l’arbre qui cache la forêt !

J’ai cru un instant que cela allait monter en graine. Mais les quelques pointes dans les aigus se sont vite émoussées d’elles-mêmes, les siennes comme les miennes. J’ai même tenté un rapprochement, le sentant blessé, mais il m’a gentiment éconduite, tout à son propos étonnamment posé et mature.

–  Je crois que j’ai du mal à verbaliser mes sentiments. Je pars du principe que les actes sont plus importants que les mots, j’ai peut-être tort mais je pensais que tu savais, que je te le prouvais, que je n’avais pas besoin de te dire ces mots.

–  Parfois si, on a besoin d’entendre l’autre dire ce qu’il ressent. Parce qu’on peut se perdre dans le silence.

J’ai alors vu dans ses yeux une lumière que je n’avais jamais vue chez lui, un mélange de joie et de sérénité qui, malgré mon taux d’alcoolémie qui commençait légèrement à faire vaciller non seulement mes genoux mais aussi mon esprit, m’a atteinte en plein cœur en faisant voler en éclats mon anxiété quant à l’issue de cette soirée.

Du coup, deuxième séance Fifty Shades Of Grey avec ses mots à la fin « Alors, tu te sens suffisamment désirable et désirée, maintenant ? » … Et toute la nuit dans les bras l’un de l’autre, façon queues d’hippocampes emmêlées.

Le lendemain, hier donc, on est allés se promener et revoir les lieux de notre premier rendez-vous, il y a plus de six mois. Et naturellement, on s’est pris la main comme des collégiens. Je sais, c’est cucul la praline mais je le souligne parce que c’était la première fois.

Il est reparti hier soir rejoindre ses enfants, non pas en coup de vent comme d’habitude mais en traînant les pieds, après une énième séance de colé-serré. On a même gazouillé, lui et moi, en se donnant des petits noms du style ‘baby’ et ‘honey’… Oui, là encore, c’est d’une niaiserie affligeante mais notre spontanéité est tellement insolite qu’elle mérite d’être notifiée.

Et ce matin, il est passé à l’improviste, entre deux courses. Un moment en toute simplicité bien agréable. Je l’ai taquiné en lui disant qu’à partir de demain, les choses allaient changer car il ne pourrait plus passer en journée me voir car je serais au boulot ah ah ah… Du coup, on en est venus à planifier la semaine prochaine. Le choc.

–  Mais bien sûr, ma belle, que le dîner sera prêt quand tu rentreras !

–  Chouette ! Ce qui est bien aussi, c’est que tu pourras être la tête dans ton ordi con comme un balai toute la journée, je n’aurai plus à le subir !

–  Ouais, en parlant de ça, j’en ai marre de passer mes journées et mes nuits à traiter les trucs de l’armée. Désormais, je ne vais m’y astreindre que le matin. J’ai envie d’avoir une vie, moi aussi et la terre ne va pas s’écrouler si je ne réponds pas à la minute à un mail pro… Tu vois, je grandis moi aussi… 

Mon cri d’exultation l’a fait sursauter. Puis rire avec moi.

 

Je suis bien. Je ne me suis pas désinscrite de Meetic pour autant. Je garde un œil ouvert, comme ça. Pour ce qui est de Bradley, je me méfie, en fait. Chat échaudé… J’attends de voir dans la durée. Il sait désormais que je veux le Graal, le mec qui m’attire autant qu’il me stimule spirituellement. Et si ce n’est pas lui, ce sera un autre.

Bon, pas Murray du coup. La cour qu’il me faisait était tellement discrète qu’elle s’en est évaporée.

On verra. L’important, c’est que je suis raccord avec moi-même. Et le tournant imprévu qu’a pris mon histoire avec Bradley, à l’instant T, bah je reconnais, ça me rend heureuse.

AUX ANGES

« Ah si vous saviez à quel point nous sommes heureux de vous avoir recrutée ! »

Moi aussi.

 

Vendredi 2 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+2

MAIS QU’EST-CE QUE ÇA FAIT DU BIEN !

De retrouver une utilité, d’être louangée mais avant tout, de rencontrer des gens, d’échanger avec eux, de voir autre chose, de faire autre chose, je renais, je suis aux anges !

Je ne vois pas la journée passer. Mes tâches sont diverses et le rythme intensif comme j’aime. Bref, ce poste est fait pour moi. La fête, quoi !

Le boulot en lui-même n’est pas spirituellement des plus élevés mais est quand même intéressant. Pas compliqué non plus, je sais faire. Le temps que je trouve mes marques et vous allez voir les étincelles !

 

19.30. Bradley m’appelle. Je suis heureuse d’entendre sa belle voix grave. Et lui semble heureux de parvenir enfin à me joindre. Je lui dis pour mon embauche et l’on finit par papoter tous les deux sur un mode fluide et enjoué comme on n’a jamais eu auparavant. Ça vient de moi, je pense, car je suis on ne peut plus pétillante et décomplexée. Bah je kiffe ma life en ce moment, ça doit s’entendre…

Il revient de mission demain dans la journée. Et je comprends qu’il a hâte de me voir. Moi, mes petits plats et mes sous-vêtements olé olé. Bah tiens. Donc demain soir. Je ne vais pas le nier : moi aussi, j’ai hâte de le voir.

Ça n’empêche que je lui donnerai sa lettre quand même. Il le faut.

 

Demain matin, pas de grasse mat car j’ai une foule de paperasse et des courses à faire. Et un dîner à préparer, donc.

POISSON D’AVRIL EN AVANCE

13.45 « Je pars… Compte 15 minutes de retard… »

Je croyais que c’était le rendez-vous de ta life, que même en rampant, tu serais à l’heure ?!…

 

Lundi 29 mars 2021 # SEMI-CONFINEMENT PARISIEN J+10

Je suis congelée dans cette cathédrale où je suis venue mettre une votive pour Maman en attendant 14.00, l’heure de mon rendez-vous avec Jeremiah, donc. Je n’ai pas d’autre choix que celui de patienter mais déjà, je sens que quelque chose cloche.

Ce n’est pas tant son retard qui m’emmerde mais le fait qu’il m’ait dit à plusieurs reprises que pour tout l’or du monde il ne raterait ce rendez-vous et que tout serait d’un romantisme parfait. Limite, c’est moi qui avais la pression.

L’explication de son retard : il s’est endormi très tard à préparer ses affaires, du coup, il n’a pas entendu son réveil. Ses affaires qui ont pris du retard à être empaquetées la veille à cause de notre discussion qui pourtant n’a pas duré toute la nuit comme les autres fois. Donc, c’est de ma faute et il ne se gêne pas pour me le dire. Bah voyons.

Bref, il y a souvent un fossé entre ce qu’on dit et ce qu’on fait.

 

14.33  « Je suis arrivé… »

Ça tombe bien, j’étais sur le point, passablement agacée, de lui envoyer un texto pour savoir où il en était dans ses 15 minutes de retard largement dépassées. Je me lève, j’envoie une prière de dix secondes à Monsieur Machin « Please make him be the one ! » même si je pressens que c’est mal barré, et je sors de ce frigo mortuaire pour rejoindre le soleil qui, une fois n’est pas coutume ici, rayonne ardemment de tous ses feux.

Je l’aperçois au loin. J’avoue, mon cœur se met à battre un peu plus fort. On s’approche l’un de l’autre. Je commence à discerner son visage tandis qu’il enlève son masque pour me sourire… A trois mètres de lui et en une seconde, je sais.

C’est d’une force et d’une fulgurance inouïes. Ces deux mots implacables ‘PAS COMPATIBLES’ se mettent immédiatement à clignoter en rouge au fond de moi, et je réprime alors très difficilement une envie de m’enfuir en courant.

C’est comme un coup de foudre, mais à l’envers.

S’il était arrivé à l’heure, voire en avance, cela aurait-il changé quelque chose ? Ou à la bourre mais un bouquet de fleurs à la main ou des pâquerettes qu’il m’aurait cueillies au bord de la route ? Ou la totale, à l’heure avec des fleurs ? Je ne crois pas.

Hum… que faire ? Me voilà dans de beaux draps. Bon, il ne va pas me manger, on peut discuter un peu. On ne sait jamais, des fois que mon don me fasse un poisson d’avril en avance… Donc, je décide d’être courtoise.

Je ne saurais dire pourquoi mais je refuse tout net son bras qu’il m’offre pour aller se promener. En fait, je crois que j’ai peur de le toucher. Quelque chose en lui me révulse catégoriquement mais je ne sais pas quoi. C’est comme si dix-mille mains m’attrapaient par le col et me tiraient en arrière, le plus loin possible de lui …

On marche un peu et comme une noix, je m’arrête sur le Pont des Soupirs du coin, romantique à souhait et cela ne rate pas : « Tu ne trouves pas que c’est l’endroit idéal pour un premier baiser ? »

J’essaye en deux secondes de visualiser le concept, voire de détecter en moi un soupçon d’envie mais le sprint façon guépard est la seule chose qui me vienne à l’esprit. J’arrive à esquiver mais mon Dieu que je me sens mal !

On finit par s’asseoir sur un banc dans un petit jardin près du lavoir, là aussi romantique comme pas deux, si ce n’est l’odeur des crottes de chien qui jonchent allègrement les parterres de pâquerettes autour de nous.

J’essaye de noyer le poisson en évitant soigneusement de croiser son regard que je sais posé sur moi avec insistance : « Alors, avant le monde associatif, tu faisais quoi comme boulot ? » Ce à quoi il me répond un peu vertement : « Est-ce bien important ? »

Un peu, oui. J’aimerais juste savoir comment tu fais pour vivre si tu n’as aucun revenu et si tu vis sur tes réserves, d’où viennent-elles, quoi. Bref. Il finit par me répondre, mais avec une solide réticence que je ne parviens pas à saisir. Commence alors une longue litanie chronologique de tous ses ‘bullshit jobs’ comme il les appelle, et je me mets à comprendre.

T’inquiète, moi aussi j’ai fait et vendu des fromages de chèvre sur les marchés, y a pas de sous-métiers et tu ne dois pas avoir honte d’avoir gagné ta vie comme tu as pu… Mais je m’aperçois vite que je me trompe, en fait. Ce n’est pas de la honte qu’il ressent mais de l’antipathie et de la rancune.

S’il s’était contenté de dire « J’ai fait ci, j’ai fait ça », j’aurais pu n’y voir que du feu mais à chaque job, il me donne les raisons qu’il a eues de s’en trouver un autre alors que ces raisons n’en sont qu’une seule et même à chaque fois : c’est un asocial.

Et tandis qu’il conclut par « La société, c’est de la merde ! » cela m’apparait clairement et j’en ai froid dans le dos : c’est un marginal, un drifter, un cas social presque, un ado complètement inadapté, ultra-émotif, utérin, qui reste dans un état permanent de rancœur et d’animosité envers tout et tout le monde.

J’aime les punks, les rebelles, les écorchés vifs, les originaux, les excentriques, voire les contestataires par principe mais dans l’esprit, pas dans la vie. La SDFrie anar, non merci. Une base de normalité avec un boulot et/ou une vocation, un loyer à payer et des vacances à préparer, et la tête dans les nuages, fourrée de grains de folie, est-ce trop exigeant ?

Certains, comme Bradley, veulent que leurs convictions servent leur vie, je trouve cela admirable et courageux. Mais dans le cas de Jeremiah, c’est une longue errance en Absurdie comme dirait Michel, où l’on croit que l’on peut changer le monde en en étant exclus. Bref.

Physiquement aussi, c’est le décalage complet. Il n’est ni beau, ni laid mais ses fringues, ses cheveux, c’est comme s’il était resté bloqué dans les années 90. Par choix ? Je pense, oui. Et très étrangement, il est maniéré, presque efféminé dans ses gestes. On l’a déjà pensé gay, paraît-il, je peux comprendre.

Ainsi, en toute objectivité, même si je n’avais pas eu cette aversion immédiate à sa simple vue, je sais qu’il n’est pas du tout ma came. Absolument aucune once de lui ne m’attire un tant soit peu. Même son odeur qui sent la lessive bon marché ne me parle pas. Ni sa voix, pourtant si familière depuis dix jours, c’est à peine si je la reconnais.

Il faut que j’en aie le cœur net. J’hésite encore un instant puis je finis par poser ma main sur sa nuque. Et ça me brûle instantanément. Une coulée de lave grondante et bouillonnante, comme au cœur du Mount Doom dans lequel Frodo tente désespérément de jeter l’Anneau.

J’ai la confirmation aussi de ce que j’ai pressenti auparavant déjà, à savoir qu’il est mono-organe : son cerveau, son cœur et son ventre ne font qu’un. Il ne pense pas avec son cerveau puis agit avec ses tripes ou le contraire mais tout en simultané, avec une intensité incendiaire qui urge d’appeler les pompiers sans tarder.

Mais au-delà de ça, je sens surtout qu’il est entièrement, unanimement, profondément in love with me. Qu’il m’est complètement dévoué corps et âme, qu’il est prêt à me vénérer comme une déesse et à prendre soin de moi comme le meilleur homme qu’il est convaincu d’être pour moi…

« Et alors ? En quoi c’est mal ? » me rétorque-t-il lorsque je le débriefe brièvement. Je ne sais pas si c’est mal, ce que je sais en revanche c’est que c’est trop. Bref, je me sens encore plus mal qu’avant de le toucher.

Car je n’ai bien entendu aucune intention de lui faire du mal. Mais c’est plus fort que moi, je ne parviens pas à trouver la moindre parcelle de lui qui pourrait me faire oublier un peu l’aversion absolue que j’éprouve depuis la première seconde où je l’ai vu.

Je me mets alors à penser à toute vitesse. Puis-je l’amener chez Miles et Joan et passer la nuit avec lui comme prévu ? Ou puis-je rester jusqu’à 18.30 le temps pour lui de repartir avant le couvre-feu ? Puis-je simplement rester une heure de plus ?

C’est sans appel : JE NE PEUX PAS !!!

D’ailleurs, l’envie de détaler comme un lapin me reprend de plus belle. Serais-je allergique à lui ? J’essaye de me convaincre du contraire, je temporise, je tergiverse intérieurement. Je cherche surtout un moyen de lui dire ce que je ressens avec diplomatie et tempérance.

Bien sûr, je ne vais pas lui dire le dixième de ce que j’écris ici car ce serait trop blessant, pas constructif, donc inutile. Mais je dois couper court à cette situation incommodante au possible, pour moi mais aussi pour lui. Je dois être honnête. Ne pas faire traîner le truc et ne pas lui faire espérer quoique ce soit.

Alors, je prends une grande inspiration et je me lance. Mes mots sont sans emphase, synthétiques, factuels, saupoudrés cependant d’un tact que je ne me savais pas capable de posséder. Il marque un silence qui me semble une éternité. Je lève les yeux, une ombre passe sur son visage…

–  Durant toutes ces nuits à se parler, tu as bien senti que cela devenait irrémédiable pour moi, pourquoi tu ne m’as pas freiné ?

–  Je n’avais à ce moment-là aucun motif pour, ni aucun pour t’accélérer d’ailleurs !

Il me prend alors dans ses bras, il passe longuement sa main dans mes cheveux, il me caresse le visage, il cherche mon regard… Il essaye sans doute d’établir une connexion mais je n’y peux rien, je suis raide comme la justice, enfermée dans mon carcan après avoir éteint tous mes récepteurs.

–  Je n’ai plus qu’à rentrer chez moi, c’est ça ? Dis-le !

–  Pourquoi le dire ?

–  Que veux-tu faire, alors ?

–  Si je pouvais, je courrais…

–  Ne t’inquiète pas, je ne vais pas te retenir.

–  Je suis désolée. Vraiment. Mais c’est vrai, c’est à moi de partir.

Et je pars à grandes enjambées sans me retourner. Je cours presque dans les ruelles pour mettre de la distance au plus vite. Lorsque je me sens enfin ‘en sécurité’ quasiment deux kilomètres plus loin, j’appelle Joan pour qu’elle vienne me chercher.

La pauvre, les allers-retours que je lui ai fait faire aujourd’hui ! Mais elle le prend bien, plutôt inquiète et un peu peinée pour moi. Dans sa voiture, je me lâche enfin. Je crois bien que j’en crie. Que j’en pleure. Je n’ai absolument rien compris à ce qui vient de se passer. Je suis sous le choc. Je crois aussi que j’en tremble.

« HOW IS IT POSSIBLE TO HAVE A CONNECTION AS STRONG AND OBVIOUS AS THE ONE WE’VE HAD THOSE PAST DAYS AND TO LOOSE IT WITHIN A SECOND??!!!”

Je m’attendais éventuellement à ne pas être séduite immédiatement et donc à nécessiter un peu de temps, mais jamais je n’aurais pensé à un tel rejet de ma part dès la première seconde !

Je n’espérais rien de cette rencontre, moi la partisane du ‘je vis dans le now’ mais peut-être qu’en fait, j’en espérais tout ? Que cela concrétise et ancre notre fabuleuse cohésion d’âmes ? Cela a-t-il créé une pression telle qu’elle ne pouvait qu’exploser ?

Non, pas comme ça. Pas aussi subitement, aussi épidermiquement.

Non, la seule explication, c’est que mon don, plus affûté que jamais, en me braquant à main armée pour que cela ne souffre d’aucune contestation rhétorique sans fin, m’a préservée d’un désastre dans lequel j’aurais peut-être encore plongé, envoûtée que j’étais par les sirènes chimériques des âmes-sœurs qui se retrouvent au-delà des temps…

Et je confirme : mon don s’exerce bien sans contact, maintenant. Comme les cartes bancaires. Il faudrait peut-être que je paramètre un plafond d’encaissement…

Bref. De retour au Normandy Beach, Miles lâche son chalumeau et sa statue de rondelles de métal pour me lancer un petit regard goguenard. « Go on, laugh it up all you want ! » que je lui fais en m’allumant nerveusement une cigarette. Il se met alors à partir dans un rire tonitruant, quelque peu surjoué, certes, comme le pitre qu’il sait être souvent mais ça finit par me gagner et nous voilà tous les trois tordus de fou-rire dans la cour. Que ça fait du bien !

Et de rire comme ça de moi-même me permet la perspective. Je fais le tour de mes sentiments de l’instant. Ainsi, malgré la tristesse, la déception, l’incompréhension, les ‘Bien fait pour toi’ et ‘Prends-en la leçon, bécasse écervelée !’ un sentiment prévaut : la fierté.

Je suis fière de moi. J’ai été honnête avec Jeremiah mais surtout avec moi-même. J’ai été fidèle à moi-même, complètement et sincèrement.

Je pense aussi que cela m’aura apporté plus d’assurance en moi, je sais ce que je veux et ce que je ne veux pas mais surtout, j’arrive désormais à l’exprimer haut et fort. Tiens, ça me fait penser à la lettre que j’ai écrite comme prévu dimanche à Bradley, lettre dans laquelle je n’ai pas mâché mes mots…

Et je ne peux m’empêcher de faire la comparaison. Jeremiah, une alchimie des âmes, Bradley, une magie des corps… A choisir ? Et si je veux les deux ? Bien candide je suis à espérer rencontrer un jour un tel hybride mais qui ne tente rien n’a rien. Bon, en attendant, je crois que je vais retoucher ma lettre à Bradley…

On discute encore comme ça, Miles, Joan et moi, quelques instants puis jetant un œil à la pendule qui indique bientôt 18.00, je demande : « Is it a decent hour to start boozing up ? »

Affirmatif, Bécassine. Fais péter la bière.

 

Mercredi 31 mars 2021 # SEMI-CONFINEMENT PARISIEN J+12

C’est le téléphone qui m’a réveillée hier matin. La sonnerie, tout du moins. Mais le temps que je mette la main sur mon portable que j’avais laissé la veille dans une poche de ma veste, bah ça avait raccroché. C’était Nénette. Qui certainement voulait que je lui raconte. J’étais sur le point de la rappeler mais je me suis dit que je ne savais pas trop quoi lui dire ni par où commencer.

J’avais de plus un mal de crâne carabiné et une fuite de mémoire telle que lorsque j’ai ouvert un œil en sursaut, j’ai mis un certain temps avant de réaliser où j’étais, c’est-à-dire en croix toute habillée sur le lit dans ma petite chambre-cottage chérie du Normandy Beach.

Synonyme de soirée très arrosée la veille. Confirmée par Miles et Joan, dans le même état que moi. Mais apparemment, on a bien ri et passé un excellent moment à passer à la moulinette, étriller, faire et défaire les relations entre hommes et femmes jusque tard dans la nuit, abreuvés de tout ce qui pouvait se boire ce soir-là.

Bref. Le temps de décuver un peu, de me refaire une tête et j’ai décidé de rentrer à Paris où je suis arrivée dans l’après-midi. Parce que je n’avais plus de raison de rester et que cela me laisserait plus de temps pour préparer mon premier jour d’école demain.

Avant de prendre la route, j’ai reçu un texto de Yang « ALOOOOOOOOOOOORS ?!? » auquel j’ai répondu « Tu veux pas passer ce soir après le taf ? Trop long, trop compliqué par tél. » donc hier soir, j’ai pu commencer à restituer ce que je venais de vivre. Il faut dire que sur la route, j’avais eu le temps de cogiter.

Et Yang m’a fait du Yang pur et dur, une seule phrase pour résumer quatre pages A4 : « Il a pas assuré une cacahuète, le Jeremiah ! »

Tu l’as dit, bouffi ! Même si ce n’est pas entièrement de sa faute, tout de même. Et au fur et à mesure que j’en parle à voix haute, les choses commencent à se mettre en place dans ma tête. Notamment les indices que j’aurais dû relever tout au long de nos échanges par téléphone ces dix derniers jours, peut-être qu’ainsi on ne se serait pas rencontrés et chacun perdu moins de temps. Et d’espoir.

Même si au final, je ne regrette pas cette expérience riche d’enseignements.

Oui, lors de nos longues heures au téléphone, certaines choses auraient dû me faire tiquer mais va savoir, je ne m’en suis pas formalisée. Je me suis dit qu’on est comme on est, avec nos failles, nos défauts, nos douleurs, nos petites ou grandes névroses… Je suis assez magnanime pour accepter l’autre comme il est et assez symétrique pour demander qu’en retour il m’accepte moi comme je suis. Ce qui semblait être le cas.

Ainsi, sa façon de s’exprimer, avec des expressions de djeunes à tout bout de champ, faisant de lui un adulescent que j’ai pu trouver rafraîchissant à un moment donné, c’est vrai mais maintenant que j’y repense, il apparaît clairement qu’il n’a pas accepté son âge et est resté bloqué vers ses 20 ans sans s’en rendre compte.

Ensuite, ses relations venimeuses et tourmentées avec sa famille, l’évocation douloureuse à la limite du supportable de son fils de 11 ans qu’il ne voit plus… Je soupçonne même une consommation déraisonnable de drogues en tout genre, ce qui ne passe carrément pas avec moi. Sans compter une foule de détails insignifiants et pourtant éloquents.

Tout ça mis bout à bout aurait décidément dû me mettre la puce à l’oreille.

Le pompon étant… ses deux chats. Avec lesquels il entretient une liaison passionnelle quasi-humaine. S’inquiétant de les laisser tout seuls pendant les deux jours que l’on était censé passer ensemble, je n’ai pu m’empêcher de lui demander :

–  Mais tu t’inquiètes pour quoi, au juste ?

–  Bah j’ai peur qu’ils se battent, déjà. Et puis, comme il va faire beau et que je ne serai pas là pour leur ouvrir le balcon, j’ai peur qu’ils m’en veuillent en rentrant. J’ai peur aussi qu’ils n’aient pas assez à manger.

–  Les animaux sont largement moins cons que les hommes, ils savent parfaitement se gérer et même s’ils se foutent une peignée, tes deux bébés, ça n’ira pas jusqu’à la mort. Ils sont également moins rancuniers, surtout pour un balcon resté fermé ! Enfin, tu leur mets un saladier de croquettes et un de flotte, on parle de deux jours, pas de deux semaines…

 

Au fond de moi, y avait bien cette petite voix sarcastique mais que je n’ai pas, hélas, laissée parler tout haut : « Quand bien même ce serait l’apocalypse quand tu rentrerais : et alors ? Si tu préfères tes chats à moi qui viens de Paris pour te rencontrer, on va avoir un problème, Houston… »

Il s’est alors fait une raison bon gré mal gré pour repiquer illico dans des considérations d’une nébulosité qui là encore aurait dû m’alerter : « Bon, je vais réaménager l’appart pour qu’ils aient plus de place et je vais demander à ma mère de passer les nourrir mardi après-midi. Faut donc que je l’appelle mardi matin car tout va dépendre de lundi soir, si ça se trouve, je serais rentré si cela ne se passe pas bien entre nous, donc je ne peux pas lui dire à l’avance… Et pareil pour mercredi, ça va dépendre de mardi soir… Et je m’emballe mais peut-être que j’aurais tout préparé pour rien car je rentrerai lundi après-midi ?… »

Tu ne croyais pas si bien dire. Au moins comme ça, tes chats t’auront eu tout à eux.

Et enfin, la cerise sur le pompon a été dimanche après-midi. Il avait une manif en matinée, moi j’avais ma balade sur la plage qui a avorté pour cause de marée haute, m’obligeant à me retrancher dans la cour au soleil pour écrire ma lettre à Bradley, et on s’est donc appelés vers 15.00.

Pour voir son degré de folie, sa soif d’inattendu, j’ai tenté un truc.

–  Si je te dis 17.30 sur ma plage de Saint-Côme de Fresné ?…

–  Aujourd’hui ?

–  A ton avis ?

–  Euh… bah non.

Yang a explosé :

–  Oh le con !!! Fallait dire oui tout de suite ! Le rendez-vous de ta vie, t’es amoureux déjà comme pas possible, elle te demande de la rejoindre un jour plus tôt et tu dis non ?!! Moi, j’aurais raccroché en disant ‘J’arrive !’ et sauté, même en slip et pas coiffé, dans ma bagnole !

–  Attends, tu ne connais pas la raison qu’il m’a donnée ! Pire que son refus ! Bah parce que ses affaires n’étaient pas prêtes et qu’il n’avait pas encore préparé l’appart pour ses chats ! Il ne voulait pas tout faire dans le stress et la précipitation car selon lui, il voulait arriver au top, détendu et souriant, sans avoir à se soucier d’autre chose que de moi…

–  Tout ça pour arriver à la bourre le lendemain !

 

Bref. Et hier soir aussi, il m’a envoyé un mail que j’ai lu ce matin.

« Alors c’est comme ça que ça se termine ? Par le silence et le rien ? De Tout à Rien en quelques heures, minutes, secondes et on fait comme si il n’y avait pas eu d’avant, comme si cela ne signifiait rien… Je ne sais même pas si c’est une question ou un constat… »

J’hésite encore à lui répondre. Le moindre contact avec lui me semble insupportable, comme s’il était radioactif. Je vais le faire quand même, mais c’est dur. C’est ça les ‘borderline’, c’est tout ou rien, je t’avais prévenu.

 

Voici ce que j’ai écrit dans ce blog sur le sujet il y a un an.

… Oui, j’ai peut-être besoin aujourd’hui de me laisser faire, de lâcher prise, de retenter de faire confiance à un autre être humain en ouvrant la porte de ma coquille blindée…

Quel serait l’homme idéal pour moi ? J’avoue ne pas trop savoir. Peut-être quelqu’un de plus âgé pour une fois… Quelqu’un qui puisse prendre soin de moi. Surtout, quelqu’un dont je ne serais pas le substitut de sa mère !

Quelqu’un de bienveillant. De patient et de constant. Altruiste et magnanime. Loyal et courageux. Un saint, quoi. Et ce quelqu’un pourrait-il aussi être brillant, charismatique, drôle et amoureux du Montana ? Je rêve.

En général, c’est quand on dresse un cahier des charges que l’on se retrouve avec tout le contraire. Et si je raisonnais à l’envers ? Si je discernais ce que je ne veux pas ?

Alors, je ne veux pas d’un homme-enfant pas sevré. Je ne veux pas d’un homme torturé et torturant. Je ne veux pas d’un homme qui attend tout de moi et ne donne rien en retour.

Bon, ça ne m’avance pas plus. Tout ça, c’est beau sur le papier mais c’est très rare que cela devienne réalité. Alors, je tente le pragmatisme.

Un homme à qui il reste des forces pour mener d’autres combats que les siens. Un homme qui sache composer avec ma monkerie. Un homme qui prenne les décisions pour moi sans toutefois me priver de mon indépendance. Un homme qui accepte qu’on vive chacun chez soi dans un premier temps et qui parvienne ensuite à contourner mon extrême territorialité en proposant un toit commun sur terrain neutre. Idéalement, à la campagne ou au bord de mer.

Un homme qui arrive sur son destrier et qui me cloue le bec en me kidnappant.

Ah merde ! C’est le prince charmant ! Aurais-je au fond de moi des réminiscences de midinette ? Ai-je le besoin inavoué d’être sauvée ? Mais sauvée de quoi ? De moi-même ? De ma condition délétère ?

Est-ce parce que j’en ai marre des décisions foireuses que j’ai prises dans ma vie que j’ai besoin de m’en remettre à quelqu’un d’autre ? Ne plus vouloir être actrice de ma vie, botter en touche, m’asseoir sur la banquette arrière plutôt que derrière le volant, démissionner, quoi : suis-je capable de l’accepter ?

Les épreuves auraient-elles eu raison de ma nature profonde ?… 

Même si le fond n’a pas trop changé, un an après, celle que je suis devenue a d’autres attentes.

Je veux un pirate. Mais philosophe. Je veux un fou. Avec les pieds sur terre. Je veux de la testostérone. Avec un zest d’estrogènes. Je veux du sexuel. Je veux du cérébral. Je veux le grand frisson. Je veux l’aventure. Avec un soupçon de douceur. Je veux le mystère et la surprise. Je veux l’admirer pour ce qu’il est. Je veux qu’il me tienne la dragée haute et me challenge. Je veux le regarder dans les yeux et me sentir HOME.

Mais par-dessus tout, après Kevin et Bradley les deux égocentriques qui se défaussent sur moi de l’abandon par leur mère, après Clint l’homme-enfant et Jeremiah l’adulescent, je veux un homme bien dans ses baskets de quadra-quinqua.

 

Bon, va falloir que je modifie mon profil Meetic, moi… Je l’avais mis en pause ces derniers temps à cause de Jeremiah mais aussi parce que j’étais ‘trop’ demandée par ces messieurs en ligne (!). Attendez de voir mon profil updaté, vous allez en claquer une durite, je vous le dis HAHAHA !!!

Je ne comptais pas m’y remettre de suite, un peu échaudée, dirons-nous. Mais hier soir, sous l’impulsion joyeuse de Yang qui me demandait si avant Jeremiah il y avait eu un ou plusieurs autres mecs avec lesquels j’avais un tant soit peu accroché, j’ai réactivé mon compte Meetic.

Car oui, c’est le cas : Murray. Un Britannique anti-Brexit qui vit à Paris, auteur pour la télévision. On a beaucoup échangé lui et moi, sur ce qu’il écrit, sur ce que j’écris. Il me fait une cour très discrète que j’apprécie particulièrement et il me fait réellement rire ! Un poète facétieux à l’humour très british, donc, avec lequel j’aimerais beaucoup renouer.

Mais cette fois, j’ai compris la leçon : si on reprend contact et que ça se passe bien, je n’attendrai pas pour le rencontrer en live. Cela dit, vu le très probable durcissement du confinement qui va être annoncé dans une heure, ça risque de ne pas être aisé. On verra.

 

Quant à la fameuse lettre pour Bradley ? Yang m’a demandé hier soir quelles étaient mes intentions avec cette lettre, comme Nénette l’a fait pour Walter le 17 février dernier. La BFF team en action !

Je crois sincèrement que mon intention majeure est de pouvoir enfin lui dire ce que je ne suis pas arrivée à lui dire jusqu’à lors, pleinement et librement, sans risquer de partir en sucette. Est-ce que j’attends une prise de conscience de sa part ? Un réveil, un électrochoc ?

Pas vraiment, en fait. Justement, je ne veux plus supputer de lui. C’est à lui de se mettre à ma place. S’il le veut et qu’il le peut. Quelque part, j’ai l’impression que ma toute fraîche mésaventure m’a donné la détermination qui me faisait défaut, celle d’être moi indépendamment de tout.

Dear Bradley,

Pourquoi cette lettre ? Les fois où j’ai tenté d’exprimer ce que je voulais dire, je n’y suis pas parvenue. Tu es la seule personne au monde qui me retourne la tête comme ça. Je ressors en général de nos ‘conversations’ frustrée et confuse, en colère contre moi-même de ne pas arriver à te dire ce que je veux te dire.

D’où cette lettre.

C’est d’ailleurs la confusion et le dépit que j’ai ressentis après avoir raccroché avec toi juste avant que tu ne partes en mission, qui motivent les mots que je te livre aujourd’hui.

Je ne voulais pas te les dire par téléphone lorsque tu étais en mission car je souhaiterais vraiment que l’on échange toi et moi à ce propos. On ne se doit rien, si ce n’est ça peut-être.

Tu n’envisages pas l’avenir avec moi et pourtant, je représente à tes yeux un horizon avec un champ des possibles infini. Moi, comme je te l’ai dit, je suis dans une impasse avec un mur devant moi. Tu peux comprendre que cela finisse par me faire tourner les talons.

Même si pour toi notre relation peut et va évoluer, je pense qu’il nous manque à tous les deux une chose essentielle qui est l’envie. J’ai pu la ressentir à un moment donné mais confrontée à l’absence de la tienne, la mienne a fini par s’étioler.

Pas une seule fois tu m’as proposé d’aller ensemble voir la maison aux pommes, je suis ton plan D pour loger sur Paris, tu n’as parlé de moi à personne autour de toi et dire ‘nous’ t’est quasiment impossible. En tout cas, c’est trop rare pour que cela soit significatif.

Sans parler d’engagement pieds et poings liés avec les contingences que cela impliquerait, ce qui, pour moi et qui plus est pour toi, est parfaitement inconcevable car bien trop prématuré, je ne sais pas, pour exister dans la vie de quelqu’un, il faut y mettre quelques jalons, non ?

On en revient à l’éventualité. Même si tu l’as contesté, moi je le maintiens : je suis une incidence éventuelle pour toi. Ce n’est pas un reproche mais un constat.

Tu dis que tu as toujours su que tu allais finir seul, délaissé, comme un vieil ours solitaire au fond des bois. Ce n’est pas une fatalité mais un effet de traction. C’est comme si tu faisais tout, inconsciemment peut-être, pour que cela arrive.

Tu te surprotèges, je peux comprendre, mais te rends-tu compte que tu laisses à la porte l’opportunité de vivre quelque chose qui pourrait peut-être te rendre heureux ? A moins que ce qui te rendrait heureux soit justement cette solitude extrême que tu recherches autant que tu redoutes…

 

Se voir une semaine sur deux, profiter des bons moments ensemble sans se projeter, toi qui pars en mission, puis toi à terme dans ta maison à la campagne et moi qui t’y rejoins les week-ends tout en pensant qu’un jour peut-être je pourrais t’y rejoindre complètement, tout ça me convenait quand j’y pensais et cela aurait continué de me convenir si seulement j’avais ressenti que tu me faisais une place, même toute petite, dans ta vie.

Bref. Peut-être que l’on a loupé le coche, toi et moi. Par deux fois, donc. On est d’accord, quand c’est là, c’est là et quand cela ne l’est pas, bah on ne peut pas le pondre. Faute à personne, c’est comme ça.

Toujours est-il que tu es devenu un fantôme dans ma vie. Et s’il y a bien une chose à propos de laquelle tu as été catégorique, c’est ça : tu ne serais jamais le fantôme qu’a pu être Walter dans ma vie, à comprendre qu’il ne fallait pas que je t’attende indéfiniment comme je l’ai attendu, lui, en vain.

Tu avais raison. Donc voilà, je ne t’attends plus.

 

Et pour être parfaitement honnête avec toi, un peu avant que tu ne partes en mission, je me suis inscrite sur Meetic. J’étais dépitée, je ne savais plus où j’en étais, si je pouvais plaire encore, comment me situer, si j’étais ‘aimable’, désirable…

Eh bien devine ? C’est le cas. ET ÇA FAIT UN BIEN FOU ! Echanger, découvrir, partager, babiller au téléphone, se faire belle pour un date, avoir le trac, exister pour quelqu’un, tout ça, c’est fantastique !

Ainsi, j’ai rencontré deux hommes avec lesquels il ne s’est rien passé, parce qu’ils ne me plaisaient pas tout simplement. Quand bien même il se serait passé quelque chose, ce n’est pas le plus important.

Je ne regrette rien, au contraire. Ces expériences m’ont apportée beaucoup, bien au-delà de ce que j’aurais pu en penser de prime abord. Donc je vais réitérer.

Car grâce à cela, aujourd’hui je peux dire que je sais qui je suis et ce que je veux.

 

Je ne suis pas amère, ni en colère. Loin de là. J’ai même suffisamment de sentiments pour toi pour regretter quelque part que notre histoire ne mène nulle part.

C’est juste que je n’en peux plus d’avoir ce mur devant moi et qu’il est temps que je marche sur un chemin qui m’emmène quelque part. Où, je ne sais pas, mais c’est de ça dont j’ai envie aujourd’hui.

J’entame rayonnante cette vie toute neuve. J’aurais aimé que tu en fasses partie. Life is life !

Allez, c’est la grand-messe. J’en profite pour aller préparer mes affaires pour demain. The D-DAY !!!