JOURNAL   Saison 12

Poiré & Champignons

« Vous êtes sûre qu’on vous a administré le vaccin Covid ? Parce que pour moi, l’aiguille était minuscule et je n’ai rien senti ! » que me sort Shannon ce matin lorsque je lui raconte ma primo-vaccination hier à la Médecine du travail du Louvre.

Bah chépa, moi c’était une aiguille pour cheval et j’ai purée eu mal sa race. Pourtant, je ne suis pas douillette. L’impression qu’on m’a forée le biceps gauche.

 

 Jeudi 24 juin 2021 # DECONFINEMENT LIBERTAD !  J+5

Juste avant de me piquer, la docteure Mme De R. De B. (à se demander ce qu’elle fout à la Médecine du travail avec un patronyme pareil) me file au moins trois attestations de consentement et une feuille A4 d’effets secondaires éventuels avec comme seule recommandation : « Veuillez consulter votre médecin traitant ou appeler le 15 si les effets ne se dissipent pas en quelques jours. »

VACCINS COVID-19 Moderna et Pfizer – QUE FAIRE EN CAS D’EFFETS INDESIRABLES ?

 

Vous ressentez ou vous avez eu :

–          Une douleur/démangeaison au point d’injection

–          De la fatigue

–          Des maux de tête

–          Des douleurs articulaires/musculaires

–          Des frissons

–          De la fièvre

–          Des nausées, des vomissements

–          Une douleur aux extrémités (mains, pieds) (hahaha what else ?!)

–          L’apparition de ganglions

–          Des insomnies

–          Des malaises

–          Une paralysie faciale

J’lui dis ou j’lui dis pas ? Qu’à part les ganglions et la paralysie faciale, c’est mon lot quotidien ? Aussi, quand elle me rappelle pour prendre des nouvelles, je lui dis que tout va bien. Sinon, elle va m’envoyer le SAMU.

Non, honnêtement, ça va. Un léger tournis dans l’heure qui a suivi mais rien dont je n’ai l’habitude, alcoolisée ou pas. Et comme c’était au Louvre donc pas loin des bureaux de Walter, j’ai envoyé un texto à ce dernier vendredi pour une sorte de date.

Mais à 17.10 hier au métro Louvre-Rivoli, bah y avait personne. Un lapin. Sans aucun message avant ni après. Ça m’arrange d’une certaine façon. Ça me conforte et ça m’attriste également. De constater que les choses ne changeront jamais entre lui et moi mais que malgré tout, il peut me rester un embryon d’espoir à torpiller une énième fois.

Bref, du coup, en sortant du métro vers chez moi, j’ai sifflé Yang qui est descendu dare-dare pour aller happy-hourer au Bistro de la Ferme, histoire d’avoir une bonne raison pour mon tournis. Comme lui ce n’est pas la fête en ce moment avec Mimine et idem pour moi avec Bradley depuis quelques jours, ça nous donnait à tous les deux une légitimité à se noyer dans notre pinte de blonde.

Yep, Bradley est on ne peut plus odieux depuis lundi. Au point que je remette en question notre week-end – le fameux ! – qui doit être une sorte de pèlerinage de… notre voyage de noces d’il y a 23 ans ! Pas aussi glamour que Venise mais symboliquement important vu que c’est lui qui l’a suggéré. Et réservé. Et réglé. Un soir quand il avait 3 grammes à la terrasse en-dessous.

Mais symbolique ou pas, si c’est pour qu’il soit aussi odieux qu’il l’est ici, je ne vois pas l’intérêt.

D’ailleurs, ce matin dans la voiture, ça n’a pas loupé. Je le sais désormais, il est imbuvable la plupart de la journée mais spécialement le matin. Mais pour une fois, bah moi aussi. Effet secondaire du vaccin Covid non-listé, la susceptibilité ?…

Bref, arrête de me parler comme à une sous-merde décérébrée, je ne suis pas une poupée qui doit fermer sa gueule devant son maître, je ne suis plus ta femme et à peine ta petite amie, je n’ai donc pas à supporter tes insultes plus longtemps. Oui, c’est de ma faute, c’est moi qui ne comprends rien, qui suis bouchée à l’émeri et qui te cherche des poux dans la tête. Allez, stop.

Là-dessus, j’ai bondi hors de la voiture à l’arrêt dans les bouchons et j’ai continué clopin-clopant jusqu’à mon boulot. Furax. Pourtant, je suis patiente. Me suis attendue à ce qu’il me relance par sms mais rien. J’ai alors envisagé que je rentrerais ce soir et qu’il aurait pris la poudre d’escampette.

Mais à 17.28 : « Je viens te chercher ou tu fais encore la tête ? »  Je me suis surprise à lui répondre que j’apprécierais qu’il vienne me chercher. J’ai vraiment zéro rancune, quelle mièvre je fais. J’avoue. Cela aura servi de test pour savoir si cela me ferait quelque chose si nous deux ça s’arrêtait et force est de constater que oui.

Cependant, sachant que les limites de ma patience viennent d’être frôlées de près, je ne peux qu’être sur mes gardes et m’attendre à tout. Donc, bien drapée dans un manteau de méfiance, je suis montée en voiture sans un mot autre que des banalités sur ma journée de boulot. A lui de revenir sur le sujet.

D’un ton doux et chaud, il m’a alors invitée à prendre un verre à son Q.G. aka la terrasse d’en-dessous. Là, bien installés sur notre tonneau Lillet, on s’est mis à parler. Lui, surtout. Une vraie douche écossaise, ce Bradley : un jour ours mutique, le lendemain pipelette façon bonimenteur. Je lui ai même dit d’arrêter de faire son show de Dir Com, que sa méthode Winner n’avait que peu d’effets sur moi.

Mais je le reconnais, il sait y faire. Parce que je le veux bien, aussi. Ainsi, il s’est excusé à sa façon, on s’est expliqué et les choses ont pu être assainies. J’avais raison, cela dit, d’être réservée à l’idée de devenir son ‘employée’ donc mon petit job d’appoint, ce n’est pas plus mal qu’il tombe à l’eau. Jamais je ne m’asservirai pour quelques euros et une tonne d’emmerdes par mois.

Bon, au final, on a passé une bonne soirée. « On se fout sur la tronche mais on s’aime, c’est ce qui compte, non ? » La messe est dite, alea jacta est.

D’aucuns diraient qu’il ne connaît pas sa chance celui-là d’être avec une femme plus patiente qu’un ange et aussi peu encline à la vengeance. Du coup, on part bien en week-end demain. Notre premier week-end ! Une sorte de test-drive, que je lui ai dit, pour voir comment l’on est en configuration ‘amoureux’ pendant deux jours loin de Paris.

Je ne sais pas pourquoi mais j’ai un pressentiment étrange…

 

Lundi 28 juin 2021 # DECONFINEMENT LIBERTAD !  J+9

« Ton week-end peut-il être aussi non-romantique que le mien ? »

Texto désespéré à Yang samedi midi. Apparemment, oui. Chouette.

Pourtant, le cadre était là… Hôtel 4 étoiles, un manoir au milieu de la forêt d’une beauté à couper le souffle, une chambre sublime et 48 heures devant nous pour roucouler tout notre soûl. Mais je me suis vite rendue compte que le week-end en amoureux où l’on laisse le quotidien au placard téléphone éteint, n’était qu’un concept purement abstrait donc fumeux pour Bradley : celui-ci est exactement le même et se comporte de la même façon qu’il soit à Paris ou à Honolulu.

Ah si, son concept à lui d’un week-end détente (ce qui n’augure rien de bon pour les vacances) :

–  On se lève quand on se lève et on se recouche après le petit-déjeuner. Sans être obligé de courir partout. Je n’aime pas qu’on m’impose un rythme, je veux faire ce qui me plaît, c’est-à-dire rien.

–  Et je suis censée faire quoi moi, pendant que tu bulles ?

–  Ce que tu veux.

–  C’est ton concept d’un week-end à deux ? Chacun dans son coin ?

–  Euh…

–  Parce que ça coûte moins cher de rester à buller à Paris que dans un 4 étoiles, quoi.

Fin prête pour une (demi) journée à découvrir le coin, sans speed, en musardant, je me suis trouvée bien dépitée à 11.00 en constatant qu’il s’était rendormi tout au fond du lit king-size. J’ai pourtant été conciliante en prenant en compte ses propos de la veille et le fait de ne pas le brusquer au saut du lit.

Je l’ai donc réveillé doucement pour aller déjeuner à 9.45 alors que moi j’étais réveillé depuis une bonne heure. Il s’est exécuté en maugréant, se pointant dans la salle de petit-déj les lunettes de soleil vissées sur le nez sans le moindre sourire, à qui que ce soit d’ailleurs, à la limite de la rustrerie. Il a même fait un mini-scandale à la serveuse parce qu’il n’y avait pas d’œufs brouillés au buffet… Bref, une fois remonté dans la chambre, il a filé sous la couette en bougonnant.

La moutarde m’ait alors montée au nez, je l’ai secoué sans ménagement. Pensant même, en cas d’ultime échec, à prendre mes cliques et mes claques pour rentrer sur Paris où j’aurais l’air moins con, abandonnée comme un caniche sur une aire d’autoroute.

Mais miracle : il s’est levé sans trop regimber, il s’est fait une toilette de chat et l’on a pu quitter l’hôtel sur le coup de midi. Je lui ai quand même glissé que si moi je me pliais à lui la plupart du temps, serait-il capable lui de se plier à moi de temps à autres ?… Une réponse en queue de sucette que je n’ai pas relevée car j’avais espoir de sauver le reste du week-end.

Grand bien m’en a pris.

La suite s’est déroulée comme un charme. Une jolie visite d’un domaine cidricole, une balade alentours entre deux averses et clou du week-end : un dîner gastronomique au restaurant étoilé de l’hôtel. Un moment féérique. Avec toutes mes allergies alimentaires qui me privent de la plupart de la grande gastronomie française, je n’avais plus espoir de vivre un jour un tel voyage culinaire.

Du très grand art. Divin. Magique. Pour moi comme pour Bradley. Pour une fois, nous étions à l’unisson.

Nous sommes repartis hier midi sur un petit nuage. Cela n’a hélas pas duré. Sitôt rentré, Bradley s’est mis à éplucher ses mails de l’armée, à invectiver ses sous-fifres, à me commenter toutes les news catastrophiques que l’on avait manquées, à m’envoyer balader lorsque je lui ai demandé de l’aide pour aller vider les cadavres de bouteilles qui s’entassent, sans manquer bien sûr de :

–  Je t’ai dit que je n’avais pas faim, pourquoi tu m’as fait une assiette ?! Tu n’en fais qu’à ta tête, il faut que cela marche comme toi tu l’entends !

–  C’est la poêle qui se fout du chaudron ! Tu la mangeras plus tard, ce n’est pas grave, si ?

–  Oui mais tu vas faire la tête parce que tu as mangé toute seule, parce que je ne t’ai pas prêté attention…

–  WOW !!! Stop, pour qui tu me prends ?! Une bimbo ?! Mange ou ne mange pas, je m’en fous !

–  Tu dis ça mais tu n’en penses pas moins…

–  T*** G*** !!!

On fait mieux comme fin de week-end. Et ce matin, le voilà tout stress en vue de son départ le week-end prochain pour son stage de trois semaines à l’armée. Tout ça parce que je souhaite récupérer ma voiture après un mois et demi de prêt gracieux, que son Dodge n’est toujours pas réparé, que personne ne peut lui prêter une voiture et qu’il n’a pas les moyens – après ce week-end dispendieux qu’il a lui-même réservé – de louer une caisse sur trois semaines.

Devant son numéro de Caliméro, je lui suggère, si tant est qu’il ne termine pas trop tard son truc à l’armée samedi, de l’emmener le soir même, nuit à l’hôtel là-bas et je rentre en début d’aprem le dimanche donc. Mais à ses frais, quand même, non mais. Bref, 700 bornes aller-retour pour qu’il arrête de s’apitoyer sur son sort et de me soutirer de l’aide sans jamais me la demander directement.

Que nenni. Il me répond « Bah ça ne résoud pas le problème du retour le 24 juillet… » je lui ai donc fait le coup du « Je dois te laisser, j’ai des appels ! » et hop j’ai raccroché. Et j’ai ajouté cela à la liste de ses dernières infâmies à mon encontre.

Bon. Philosophe, je me dis qu’il ne reste plus que quelques jours avant ce break salvateur. Je choisis donc de rester sur la good vibe de cet endroit merveilleux où malgré la compagnie rugueuse de ce goujat de punk de Bradley, j’ai renoué avec la quintessence du bonheur au naturel.

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