JOURNAL   Saison 12

UN EDEN AU MILIEU DES ROSES

“On a aussi des cochons d’Inde qui s’appellent Pastèque et Sushi. Y en avait un autre mais il s’est échappé… Tu veux le voir ? Il s’appelle Brocoli.”

Marianne 8 ans, en me prenant la main samedi soir sur la pelouse jouxtant la guinguette en bord de Loire où je dinais avec Toto et toute sa smala. Les moments qui ont suivi resteront à jamais en moi comme la quintessence même du bonheur absolu. D’une perfection divine.

Je suis fière d’avoir su reconnaître le Paradis, extatique de m’y être promenée et imbue de m’en faire le témoin.

Lundi 12 juillet 2021 # DECONFINEMENT LIBERTAD !  J+23

Samedi soir donc, dans ce crépuscule d’une douceur inespérée – considérant les prévisions d’orage apocalyptiques dont on nous a farcis les oreilles depuis la veille – je suis sortie de sous le dais couvrant la guinguette pour aller fumer une cigarette un peu plus loin.

Mon attention s’est vite focalisée sur une poignée d’enfants tourbillonnants et de chiens débonnaires qui s’ébattaient sur la pelouse, encadrée d’un côté par un haut mur de pierres recouvert de vigne vierge et de l’autre, par un pigeonnier dans lequel trois tourterelles dormaient paisiblement, la tête sous l’aile.

Un sourire est alors monté à mes lèvres. Le tableau que j’ai vu se peindre littéralement sous mes yeux a ravi mon coeur et mon âme au plus profond. Les guirlandes de lumière de la guinguette, la musique en fond, le brouhaha des gens qui dînaient dans la bonne humeur, les rires des mômes, l’odeur de la terre après la pluie, le parfum du chèvrefeuille, du jasmin, des roses qui m’enrobait par vagues…

Je me suis laissée emporter sans aucune hésitation. Je devais rayonner quelque chose car non seulement les enfants sont venus à moi spontanément mais aussi les chiens avec leur baballe toute gluante que je me suis donc mise à renvoyer en riant. A l’un surtout qui, hors de souffle et la langue touchant terre, continuait inlassablement de me la rapporter, voire de la pousser du museau jusque sur mes pieds pour ne pas me laisser le choix…

Ainsi, vite rejointe par son petit frère de 5 ans Eothan qui lui m’a roulé sur les pieds avec son vélo à roulettes en déclamant être Batman, par une poupée timide de 6 ans qui a murmuré son prénom Annabelle à mon oreille et par un petit joufflu taquin de 7 ans Stanislas qui s’est esclaffé lorsque moi j’ai dit mon prénom, Marianne m’a entraînée au travers d’une roseraie divinement odoriférante jusqu’à un superbe potager en contrebas. Au milieu, un prunellier dans lequel, semblait-il, Brocoli avait élu domicile.

Un cochon d’Inde volant, une première, me suis-je dit. Mais imprégnée dans le scénario, je me suis jointe de bon gré à la petite chorale initiée par Eothan, debout sur la pointe des pieds, les mains en cornet à s’époumoner “BROCOLIIIIII… BROCOLIIIII… OU ES-TU ?!” pour finir dans un éclat de rire, la bouche grande ouverte. Avec sa culotte courte, ses oreilles décollées et son air gouailleur, j’ai vite eu pensé à la Guerre des Boutons

Puis, Marianne est venue m’apporter une fleur qu’elle venait de cueillir en me disant avec un grand sourire “C’est pour toi!”… Cela se voyait qu’elle mourrait d’envie de me faire un câlin mais le Covid l’ayant dressée depuis longtemps, elle n’a pas osé. J’avoue que moi aussi, je serais bien passée en mode big hugs… C’est fou, il est plus recommandé de se faire faire des léchouilles par un cabot baveur que des bisous par des pitchounes !

Mais bon, quel bonheur que toute cette profusion de candeur ! Cela m’est alors apparu très clairement. A ce moment précis, sous mes yeux, dans mes mains, dans mon coeur, l’essentiel de la vie était là : des fleurs, des enfants heureux qui rient à pleins poumons, une baballe mâchouillée.

Et dans la nuit au téléphone, le coming-out de Bradley, tout roucoulant après près d’une semaine sans news : “Tu veux que je t’avoue un truc ? Bah tu me manques. Physiquement, spirituellement, sentimentalement… Voilà, c’est dit. Je t’embrasse, ma chérie, je t’aime!”

Si je n’avais pas déjà été couchée sur le clic-clac du salon de Toto, j’en serais tombée à la renverse. Mais j’ai pris sans ergoter, sans arrière-pensées. Avec ce que je m’étais mise dans le cornet deux heures auparavant, je n’avais plus de pensées tout court. Et d’une certaine façon, moi aussi j’ai roucoulé.

Me suis endormie béate de cette soirée magique.

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