JOURNAL   Saison 10

COUP DE GRISOU

–  Boire un verre ?

–  Why ?

–  Ça me ferait plaisir simplement. Et toi ? 

–  A moi aussi mais on sait bien toi et moi que ce n’est pas une bonne idée. De plus, ça fait 2 ans qu’on essaye, qu’est-ce qui ferait qu’on y arriverait cette fois-ci ?

–  Bah on est grands.

–  Non, toi et moi on est des gamins handicapés sentimentaux.

–  Pas faux.

Echange de textos avec Walter depuis deux jours. Reprise de contact dont j’ai été l’initiatrice à propos d’un truc au boulot. Je préfère anticiper si l’on doit se croiser lui et moi pour raisons professionnelles. Bien sûr, ça me perturbe.

 

Vendredi 30 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+30

J’en ai cependant parlé à Bradley hier soir. Puisqu’il souhaite que nous fonctionnions sur la base « The truth, the whole truth and nothing but the truth »… Il a paru agacé mais pas outre mesure, me demandant juste si moi j’avais envie de le revoir. J’ai répondu que je n’en savais rien, il a alors freiné des quatre fers comme un baudet devant un précipice en déclamant : « Je suis qui pour t’interdire de le revoir ? »

Et il a profité de la brèche pour lui aussi se confesser. Lundi, lorsqu’il avait cinq bières dans le cornet et un air bizarre, juste avant qu’il me fasse sa proposition d’emménager ensemble, il a eu en fait son ex au téléphone qui lui a dit, entre autres, qu’elle avait de nouveau quelqu’un dans sa vie et ça l’a miné.

« Donc, ton engagement auprès de moi cette semaine, ta proposition, tes déclarations, c’était par dépit ? Comme tu n’avais plus d’espoir avec elle, tu t’es dit autant tenter de faire un truc avec moi ?… »

Il n’a pas su me répondre. Moi, j’ai ressenti tout ce qu’il m’avait dit depuis lundi comme un fake. Que je ne suis et ne serai toujours qu’un plan de rabattage. Le fameux plan D.

–  Tu l’aimes toujours ?

Tu ne peux pas ne plus aimer quelqu’un dont tu as été follement amoureux en claquant des doigts. Oui, je l’aimerai toujours. Mais comme toi avec tes ex.

–  Certes pas, non. Ce que je veux dire, est-ce que tu souhaiterais te remettre avec elle si c’était possible ?

 –  La connaissant, non, ce n’est pas possible.

 –  Mais toi, que souhaiterais-tu ?

 –  Les premiers mois après notre rupture, oui, j’avoue, je l’attendais, j’y croyais encore. Mais plus maintenant. Moi aussi, j’ai quelqu’un dans ma vie aujourd’hui.

Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver que ses derniers mots sonnaient creux. Et j’ai peur qu’ils sonnent toujours creux, désormais…

Bref, conscient de m’avoir peut-être blessée, il a tenté de rattraper le coup mais je l’ai laissé devant la télé pour aller me réfugier dans le noir de ma chambre. Là, j’ai craqué. C’était trop : lui, Walter, Maman… Car dans la journée, j’ai relu mes écrits d’il y a un an lorsque Maman était juste en train de mourir et que moi j’étais une peste odieuse avec elle. Ça m’a bouleversée.

Ajouté à cela le mix d’alcool et cachetons, je ne pouvais que faire un bad-trip, à grands renforts de larmes et de cris intérieurs. J’ai appelé Yang qui m’a réconfortée du mieux qu’il a pu puis j’ai sombré dans l’inconscience.

Ce matin, cette nuit aussi d’ailleurs, Bradley était tout câlin, comme il l’est depuis lundi, à m’étreindre et roucouler des ‘mon amour’ à mon oreille. Mais je devais certainement avoir la tronche en biais en essayant de sortir des limbes de mon mini-coma éthylo-psychotique, car il m’a demandé comment j’allais et a souhaité débriefer la soirée.

« Euh là c’est le matin, j’ai du mal, c’est trop embrumé… Merci de renouveler ta demande lorsque j’aurais récupéré mon cerveau ! »

Une esquive mais sur fond de vérité. M’en reparlera-t-il ce soir ?

 

Bref, c’était trop beau pour être vrai. Trop clinquant. Pourtant, je ne suis pas une pie attirée par tout ce qui brille mais ayant découvert qu’il était mon Graal, oui, j’y ai cru. Mais clairement, je ne suis pas, moi, SON Graal.

J’aimerais lui en vouloir mais je sais ce que c’est que d’avoir quelqu’un dans la peau, à corps défendant qui plus est. J’ai juste mal. Je ne sais pas ce que ça va donner. Car je me connais dans ces cas-là, je peux avoir des réactions épidermiques radicales.

Ainsi, j’ai envie d’envoyer Bradley au diable Vauvert une bonne fois pour toutes car je ne sais pas si je pourrais lui refaire confiance un jour. Il ne m’a pas trahie, il m’a juste menti, comme il s’est menti à lui-même.

J’ai envie de rappeler Walter même si je sais d’avance que cela ne mènera nulle part, comme c’est le cas depuis 20 ans.

Alors, j’ai envie de plaquer tout et tout le monde. Envie d’une retraite dans un abri antiatomique. Et d’une ivresse sans fin.

Cela dit, je me sens assez forte maintenant pour ne plus vouloir sombrer jusqu’à l’annihilation. Je vais bien malgré tout. J’ai juste un moment de down, justifié en plus, et je sais qu’il va passer.

Et comme je crois beaucoup à l’équilibre des choses dans l’univers, cette justice divine qui fait que tout a un prix qu’il faut être prêt à payer, si moi je vais mal aujourd’hui, Yang et Mimine quant à eux semblent aller mieux. Ce qui fait que je relativise mon morflage avec altruisme.

Décidément, ce mois d’avril aura commencé en fanfare mais se termine en queue de poisson.

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