JOURNAL   Saison 11

PIQUE-NIQUE A CUBA

« M’sieurs-dames, il est bientôt 22.00, il va falloir rentrer chez vous ! »

Z’avaient pas dit 21.00 ?… Bref, bon courage pour déloger vos soiffards, bien avinés à en juger par leurs braillements qui n’ont pas baissé d’un ton depuis 18.00.

Jeudi 20 mai 2021 # DECONFINEMENT EN DEMI-JAUGE  J+2

La terrasse du resto en bas de chez moi hier soir. Un quart d’exaspération dans les soupirs que j’ai poussés en fermant mes fenêtres, un quart de nostalgie en repensant au silence religieux du confinement mais au final, une bonne moitié d’indulgence teintée de réjouissance car moi aussi, je vais happy-hourer ce soir en terrasse avec Yang.

J’ai même eu de la compassion pour ces pauvres restaurateurs et bistrotiers qui ont sorti leur terrasse hier matin dans une fringance bien compréhensible et qui se sont pris des draches par intermittence toute la journée. Ça m’a faite penser à mon ancien restau, comment moi j’aurais géré le truc… Avec beaucoup de stress, à n’en pas douter. Je suis donc bien contente de n’être plus qu’une consommatrice.

 

Au boulot, c’est de nouveau la loose. Mais là, ça tombe bien, j’ai plein de trucs perso à faire. Comme de me trouver une nouvelle mutuelle ou d’essayer de faire comprendre que la radiation de mon ancien contrat santé n’est due qu’à leur incompétence, en répondant à une question cruciale quarante jours plus tard.

Et j’organise le back-up du déménagement en deux temps de Bradley. Et notre premier week-end en amoureux fin juin. Et nos premières vacances en amoureux fin juillet. Car mardi soir, la logistique bouclée, on a pu parler de nos échanges un peu vifs de la veille.

Bradley sur la défensive avec un ton factuel légèrement revêche, moi prête à lui rentrer dedans à sa première soufflette de cor de chasse dans mes oreilles, autant dire que l’on a fait tous les deux des efforts exceptionnels pour rester chacun dans nos cordes.

« Que les choses soient claires : je m’engage à t’offrir l’hospitalité le temps où tu seras SDF, une boîte postale pour ton renvoi de courrier temporaire, mes aptitudes de logisticienne pour ton déménagement et mes bras – petits mais costauds quand même – pour ce dernier et ce, quoiqu’il se passe entre nous. Je ferais de même si tu n’étais qu’un pote.

Mais si je m’engage dans ce projet de vie avec toi, j’ai bien dit ‘si’, cela ne veut pas pour autant dire que l’on doit emménager ensemble à une échéance déterminée. Aucun plan sur la comète, on voit venir, d’accord ? »

Il a acquiescé. Tenté tout de même de reprendre la main en soulignant qu’il me faisait presque une ‘fleur’ car il avait d’autres plans plus pratiques mais je suis restée stoïque et m’en suis allée en griller une à la fenêtre.

Et comme un ciel d’orage peut se déchirer d’un seul coup, il est arrivé dans mon dos et m’a enlacée en me susurrant : « Merci. Pour tout ce que tu fais pour moi. » Sans aucune transition, il est redevenu gracieux et charmant. Je n’ai pas relevé, je sais désormais que c’est sa façon à lui de signifier que l’incident est clos et qu’il n’en garde aucune rancœur.

Moi non plus, mais n’empêche, t’avise pas de me reparler comme tu l’as fait.

Puis, on s’est mis à égrener son planning ensemble, histoire de vérifier que l’on n’ait rien loupé. Et là, miracle.

–  Week-end du 12-13 juin ?

–  A l’armée. Mais je rentre le soir.

–  Week-end du 19-20 juin ?

–  J’ai les enfants, on part voir mon père.

–  Week-end du 26-27 juin ?

–  Rien.  

–  WHAT ?!!!???

Je me suis rassise, j’ai croisé les jambes et pris un air inspiré en le regardant droit dans les yeux. « Soyons clairs encore une fois : tout ça là, okay mais si l’on ne parvient pas à trouver un moment rien que pour nous, je ne vois pas l’intérêt de continuer. Alors le 26-27 juin, on décolle ! »

Un peu décontenancé par ma farouche détermination, il n’a cependant pas mis très longtemps pour accepter. Et donc, depuis hier, je chasse le week-end parfait. Entre mes envies, les siennes, la réalité de ces trop courtes 48 heures et celle de notre budget lui aussi trop court, bah je m’amuse.

Mais je vais trouver. Car ce n’est pas n’importe quel week-end, il s’agit de notre tout premier EVER ! A l’époque il y a 24 ans, on était fauchés et l’on n’est jamais partis en amoureux où que ce soit, même pour notre ‘voyage de noces’ où l’on était chaperonnés par mes parents…

Bref. Bichette Touring en action.

En parlant de voyages de noces, j’ai reçu il y a deux jours un message de Sean sur Facebook : « Coucou, je me suis remarié. Ça ne change rien à la vie passée ensemble et elle a entendu parler de toi, en positif bien sûr 😊 »

Ce à quoi j’ai répondu que j’étais très heureuse pour lui. Du coup, j’ai eu droit aux photos de mariage que j’ai regardées sans aucune pointe d’amertume. Paix et félicité.

« … Chaque grapillon de bonheur, fusse-t-il frêle, est bon à prendre. Le rire d’un enfant, le ronronnement d’un chat, les effluves vespérales de la campagne après une chaude journée d’été… Cela nourrit le cœur et l’âme et nous rend plus fort jour après jour… »

Le bonheur retrouvé d’un ex et sa petite pensée pour moi simultanément, c’est chouette. Et je prends tout ce qui est chouette en ce moment.

Et même si le temps s’annonce automnal ce dimanche, mon envie de pique-nique avec le Scoobigang ne se laissera pas déboulonner pour autant : pique-nique cuba-havana dans mon salon.

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