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LA MATRICE

L’OUTIL DE BASE : LA MATRICE

Nous allons vous présenter un modèle, un point de vue, que beaucoup de personnes ont trouvé utile pour faire des choses importantes pour elles-mêmes en présence d’obstacles. On l’appelle une matrice.

         Selon ce point de vue, quand on regarde un être vivant, on peut observer qu’il est soit en train de s’approcher de quelque chose, soit en train de s’en éloigner. Par exemple, si on prend un lapin dans un champ, on peut observer que soit il est en train de s’approcher du champ de carottes du voisin, soit de s’éloigner du chien du voisin.

         Pour nous, les êtres humains, nous cherchons soit à nous approcher ou à nous éloigner de choses de l’expérience des 5 sens (donc des choses extérieures à nous), soit à nous éloigner de choses auxquelles nous ne voulons pas penser ou que nous ne voulons pas ressentir, ou bien nous approcher de choses qui sont importantes pour nous dans la vie.

 

COMMENT REMPLIR LA MATRICE

Remplir la partie en bas à droite de la matrice

Nous notons en bas à droite de la matrice ce qui est important pour nous : la vie que nous voulons vraiment vivre, la direction dans laquelle nous souhaitons aller…

 

Mardi 29 décembre 2020 # DECONFINEMENT/COUVRE-FEU/Y EN MARRE J+15 Ça sent le reconfinement…

Deuxième chapitre de mon Cahier pratique de thérapie à domicile pour le trouble borderline et la première pensée qui me soit venue est « Ah merde. »

Je me suis retrouvée dans l’incapacité totale de trouver la moindre ébauche de pensée. Le blanc intégral. J’ai refermé mon cahier avec le sentiment que je venais de déterrer quelque chose de majeur : je ne sais pas aujourd’hui quelle direction donner à ma vie…

Loin de me plonger dans les affres du désarroi, cela au contraire me pousse à réfléchir en profondeur. Ça coïncide en plus avec la fin d’année que je redoute depuis si longtemps, avec son cortège de bilans en tout genre et de projections comme des mantras remplis à ras bord de  résolutions qui s’avèrent toujours n’être que des chimères destinées à laver notre conscience.

J’ai donc décliné les deux invitations au réveillon de la St Sylvestre, celle de Toto ainsi que celle de Yang et Mimine chez des amis à eux. C‘est bien ce que je pressentais, je n’ai pas du tout l’humeur festive en ce moment et je crois que j’ai vraiment besoin d’être seule. Bon, je ne vais pas me refaire chips-coca-déprime comme à Noël mais je vais bien trouver un truc.

 

Me voilà donc en stand-by dans ma thérapie. A bien y regarder, je ne suis pas sûre de me retrouver complètement dans la description du TPB, c’est peut-être pour ça que je bloque, je ne sais pas. Mais je dois avouer que de me découvrir à blanc devant une telle question a été révélateur du joyeux bordel qu’est ma vie en ce moment. Je sais qu’il est primordial que j’y réponde à un moment donné. Je pense d’ailleurs que tout le monde devrait y répondre un jour, TPB or not TPB.

Je repense aussi au rêve que j’ai fait il y a une semaine, surtout à cette étrange ‘visite’ et au message délivré « Il est temps. » … Oui, tout pointe vers une remise en question si ce n’est LA remise en question de ma vie entière. La vérité est que cela m’épuise par avance. Bref.

En stand-by également dans l’écriture de mon roman. Je bloque sur la psychologie de mes héros, notamment sur leur background et ce qui fait qu’ils sont ce qu’ils sont. Je souhaite vraiment explorer le fictionnel à fond mais pour cela, j’ai besoin de me détacher de ce que je pourrais moi dire ou faire à leur place et je m’aperçois que l’exercice est plus difficile que je ne l’aurais pensé. Je tiens aussi à une certaine cohérence entre leur vécu et leur devenu donc je dois extrapoler à tout va. Pas si aisé, au final.

Non, la seule chose qui avance, et ce de façon complètement inattendue, c’est l’histoire entre Bradley et moi. Lui, surtout. Quant à moi, je surfe sur cette vague avec un naturel désarmant…

Il est bien venu le 25 et l’on a passé 48 heures ensemble. Comme l’idéal que j’avais exprimé il y a quelques semaines. Et je dois dire que c’était vraiment idéal. Parfait. Idyllique. Lui était détendu, joyeux même, attentionné et attentif et moi j’étais sereine et sans détours, moi-même, quoi.

On a à nouveau beaucoup parlé, lui et moi, échangé sans tabou et sans aucune prise de bec. Moi, je ne me suis pas gênée pour lui dire ce que je pensais, simplement et sans mystères fumeux et il a semblé m’en être reconnaissant. Bref, une communication fluide et prolifique.

Notre complicité charnelle aussi a atteint des sommets. Notre complicité tout court. Très honnêtement, je n’aurais jamais pu imaginer une telle entente entre nous deux. Surtout en repensant à il y a ne serait-ce que quelques semaines auparavant.

Ainsi, j’étais bien à vivre cet exquis instant T sans chercher midi à quatorze heures lorsqu’il a pris un tournant absolument inattendu. Franchement, je ne l’ai pas vu arriver une seule seconde et à vrai dire, je n’ai pas tilté sur le moment. C’est lorsqu’il est reparti dimanche que tout a infusé.

On parlait, enfin, lui parlait encore et toujours de son projet de maison autonome au fond des bois du trou du cul du monde.

–  Tu vois, on passe le plus clair de notre temps à bosser pour avoir une paie dont on ne fait rien à part payer des factures car on n’a plus de temps pour soi, pour faire ce qui compte réellement, c’est-à-dire vivre sa vie. C’est marcher sur la tête et ce n’est pas ce dont j’ai envie.

–  Tu prêches une convertie, j’ai eu ce wake-up call il y a plus de 10 ans déjà.

–  Comme moi ! Aujourd’hui, je me sens prêt. Ce n’est pas forcément de vivre en reclus comme un trappeur dans le Yukon que je souhaite mais de pouvoir vivre pour moi en toute autonomie. Avec des panneaux solaires, des récupérateurs d’eau de pluie, une permaculture, des poules, des lapins… Je travaillerais pour ma subsistance, je n’ai besoin de rien d’autre.

Il a marqué un temps d’arrêt et venant de nulle part, il m’a sorti :

–  Tu te vois à ton bureau le matin écrire dans ton blog ou sur ton prochain livre et l’après-midi dans le potager ou à t’occuper des poules ?

–  Euh… You’re talking to me ?!

–  Moi, je te vois bien en bottes et en treillis à traire la vache pour faire ton fromage ou ramasser les haricots pour les vendre sur le marché…

–  Ça oui, c’est ma vie rêvée ultimement ! Vivre de ma plume à la campagne ! Mais il me faudrait une serre en plus, pour des fleurs et des plantes médicinales car l’herboristerie m’a toujours fascinée… Comme ça, je pourrais faire mes onguents, mes potions de sorcière ha ha ha !

–  Oui, une serre, pourquoi pas. Et une cuisine d’été. Et un cheval pour labourer…

–  Et un faucon pour chasser ?

–  Bah nan, on aura déjà des lapins…

A ce moment-là, je n’ai toujours pas percuté et c’est moi qui ai continué dans la projection comme si de rien n’était :

–  Il faudrait tout de même une autre source de revenus, peut-être faire des cosmétiques naturels, à voir, car j’aurais besoin ponctuellement de me remettre à voyager. Je suis d’une nature fortement contemplative et les voyages m’ont toujours apporté une joie immense, ça me manque.

–  Bah comme ça, on ne sera pas trop l’un sur l’autre, moi parti pour l’armée et toi avec tes voyages… Et pis l’un s’occupera de la ferme quand l’autre ne sera pas là ! C’est parfait !

Il a alors pris ma main pour entrelacer ses doigts dans les miens avec dans le regard une lumière que je n’avais jamais vue auparavant. Mais je ne m’y suis pas attardée, à vrai dire, je ne voulais pas y croire et cela m’a embarrassée plus qu’autre chose.

Mais la projection était plaisante. Comme lorsqu’on rêve de gagner au loto, on s’imagine faire ceci, faire cela, tout en sachant que ce n’est qu’une fiction. J’ai donc poursuivi. Je lui ai dit que je préférais les vielles pierres à rénover plutôt qu’une maison autonome toute neuve à poser dans un terrain, lui soufflant au passage que la rénovation et l’architecture d’intérieur étaient mon dada.

Il a semblé convaincu et l’on s’est mis à regarder des annonces de ventes immobilières… ensemble.

Lui, me demandant ce que je pensais de telle maison, voire envisageant au vu des photos tels ou tels travaux, moi scannant le potentiel des volumes et les partis-pris à faire, tous les deux s’extasiant devant les poutres et les vieilles pierres apparentes… Un vrai petit couple de parisiens en mal de campagne !

 

C’est la première fois qu’il m’inclut dans son projet. Qu’il se projette avec moi. C’est énorme. A nouveau, je ne sais pas d’où cela lui vient, plutôt quelle mouche l’a piqué, c’est si soudain et si inattendu de sa part que cela en est déroutant.

Je ne vais pas dire que je ne l’envisage pas car c’est vrai, j’y pense. Mais j’y pense comme à mon propre projet auquel je songe depuis bien longtemps déjà. Je dois reconnaître que son projet et le mien sont très similaires. Peut-être peut-on les greffer l’un à l’autre ? Mais cela sous-entend une vie à deux, une vie de couple et ceci est un tout autre sujet à mon sens.

C’est pour cela que je me méfie. Si cela devait se faire, j’aurais besoin de mettre les choses au clair dès le début en lui versant un loyer peut-être, afin qu’il reste seul propriétaire de son projet si nous devions ne plus nous entendre par la suite.

Mais pour l’instant, je préfère me laisser porter par le courant sans port d’attache en vue. Rien n’est fait de son côté, tout peut changer d’ici là, lui comme moi, bref, carpe diem en ce qui me concerne.

Cela dit, les choses ont avancé entre lui et son ex-femme au sujet de leurs enfants car elle va demander leur garde exclusive, ce qui devrait lui permettre à lui d’envisager cette nouvelle vie plus vite que prévu.

Là, il est parti deux jours chez son père avec ses enfants et il fera le réveillon avec ses potes. Après, bah je ne sais pas. Non pas que je m’en moque mais j’aime bien comme c’est actuellement entre lui et moi. Cette incertitude finalement me satisfait.

J’ai beaucoup de sentiments pour lui et peut-être des nouveaux. Lui aussi apparemment. Que demander de plus ?

 

Allez, demain j’ai un rdv téléphonique avec une conseillère Pôle Emploi pour faire un point sur ma recherche d’emploi. Ça va être vite vu. J’ai bien l’impression que c’est une quête qui restera infructueuse quoique je fasse. Il va donc falloir que je réfléchisse à un plan B dans pas longtemps.

Pff que de remises en question ! C’est épuisant.

CHIPS & COCA

« Cela te dérange si on se fait notre petit réveillon le 25 ? »

Bradley il y a deux jours, lors d’une visite à l’improviste qui s’est prolongée finalement jusqu’à hier après-midi. On a passé vraiment un excellent moment tous les deux, presque complices et en toute décontraction. On est même allés faire le marché ensemble !

 

Jeudi 24 décembre 2020 # DECONFINEMENT/COUVRE-FEU/Y EN MARRE J+10

Cela me dérange ? Point du tout. Au contraire, je dirais. Les fêtes de fin d’année pour moi sont depuis bien longtemps synonyme de loose intégrale, voire j’ai hâte que ça passe. L’an dernier, on m’a volé mon trolley à Carrefour Market, l’année d’avant j’avais la tête dans les toilettes à écoper le reflux des canalisations de l’immeuble, l’année encore d’avant, j’avais une gastro si terrible que j’ai failli y rester, bref, que des joyeusetés.

Et je pourrais remonter comme ça depuis… bah depuis que Papa est tombé malade et qu’il n’y avait plus de foyer familial réconfortant où venir me ressourcer. Cette année, cela va être une première, je vais être toute seule chez moi pour le réveillon mais j’avoue que cela me va bien.

Je vais donc me faire une soirée ‘Noël, ça pue’ avec un seau de chips et un autre de Coca devant Lord of The Rings. Et certainement rebelote pour celui du nouvel an. Toto m’a bien invitée, ça me ferait plaisir c’est vrai mais je n’en ai pas envie. Je trouve aussi cela tellement ridicule de ne pas pouvoir embrasser ses proches un jour comme ça.

LA VISITE

Lundi 21 décembre 2020 # DECONFINEMENT/COUVRE-FEU/Y EN MARRE J+7

C’était trop beau pour durer. Me voilà à nouveau chamboulée dans tous mes atomes et cela ne me quitte pas depuis ce matin. A cause de cette nuit.

Je pensais pourtant en avoir terminé avec les cauchemars horrifiques et douloureux, les rêves significatifs et les visions mystérieuses tout comme je pensais que mon don s’était mis en RTT ces derniers temps à cause des médocs. Mais force est de constater que je me fourrais le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Et pour la première fois de toute ma vie, il s’est passé quelque chose de si étrangement inexplicable que j’en tremble encore tandis que j’écris ces mots. Et pourtant, je suis bien barrée à la base.

Ainsi, j’ai fait un premier rêve où Maman n’arrêtait pas de tomber et de se blesser avec plaies ouvertes dégoulinantes de sang et moi qui tentais désespérément de la faire tenir tranquille pour la soigner mais comme elle se débattait comme une forcenée, je n’avais d’autre choix que de la lâcher pour qu’elle retombe une fois debout…

Je me vois en larmes, désemparée, avec un mal de chien au fond du ventre à en crever. Bon, OK, ce cauchemar peut s’expliquer par ma visite au cimetière il y a deux jours. J’ai intériorisé ma peine qui ressort dans mon sommeil. Une soupape de sécurité, quoi.

Mais ce que je ne parviens pas à expliquer, c’est le rêve qui va suivre. J’étais endormie dans une sorte de boudoir vintage dont les murs ainsi que le plafond étaient recouverts d’acajou. De part et d’autre, de larges portes fenêtres aux rideaux blancs donnaient sur la rue. Et il y avait beaucoup de passants dont je pouvais voir défiler les ombres au travers des rideaux. Au fond de mon lit, je ne me sentais pas en sécurité, vulnérable à l’extrême, cernée par toutes ces ombres…

Et l’une d’elles s’est arrêtée. J’ai vissé mon regard sur la clenche dorée qui s’est abaissée doucement. La peur s’est alors emparée de moi. J’avais envie de hurler et de bondir hors du lit mais j’étais figée, incapable de faire le moindre mouvement. Est ainsi entré un homme d’un certain âge aux cheveux grisonnants, d’une autre époque aussi avec son costume redingote et son haut-de-forme. Il s’est approché de moi et j’ai pu voir son visage… parfaitement inconnu. Il a ôté son chapeau et ses gants blancs, il s’est penché vers moi, complètement pétrifiée, il a posé sa main sur mon plexus solaire et en souriant, il m’a dit d’une voix très douce « Il est temps. C’est l’heure. »

Je me suis réveillée en hurlant « QUI ETES-VOUS ?!?! » et j’ai senti une présence juste à côté de moi. J’ai tendu la main dans le noir et le visage de cet homme m’est apparu nimbé d’un halo lumineux. Autant dire que cette fois-ci, j’ai sauté du lit pour aller me réfugier dans le salon en allumant toutes les lumières. Il était 4.06.

Je ne connais pas cet homme, il ne me dit absolument rien. Il ne ressemble même pas à une quelconque célébrité que j’aurais pu entrevoir dans le programme télé de chez Toto. Non, je ne comprends pas. Et ces mots qui résonnent encore en moi, cette présence que j’ai sentie… C’est hallucinant, je sais que c’est important mais je ne sais pas pourquoi !

Il va de soi que j’ai mis un temps infini à me rendormir. Sur la banquette du salon. Et comme si cela n’était pas suffisant, j’ai refait deux rêves très intenses dont un d’un érotisme comme j’en ai peu fait dans ma vie… Waoooh !!! Et dans mon second rêve, Kevin brisait par maladresse ma table en verre et j’en pleurais de désespoir. C’est bizarre, je n’ai jamais eu de table en verre.

 

Voilà. Je trimballe l’intégralité de ma nuit avec moi depuis 7.00 ce matin. Surtout cette étrange visite. Obsédant. Je ne sais qu’en penser.

CHAMPAGNE & MONOPOLY

Moi je dis que de se prendre une muffée au champagne en jouant au Monopoly, bah c’est glamour !

 

Dimanche 20 décembre 2020 # DECONFINEMENT/COUVRE-FEU/Y EN MARRE J+6

Je rentre de chez Toto. Qui m’attendait hier midi avec une fondue au camembert et un saladier de frites. 5.000 calories d’un coup. Moi qui n’avale qu’un shaker de protéines par jour depuis deux semaines parce que j’ai pas faim, bah ça m’a fait bizarre.

Un peu bibendum donc lorsque je suis allée au cimetière dire bonjour à Maman. Sans Toto qui a encore du mal. J’ai nettoyé la tombe et déposé une belle hellébore couleur ivoire. Et je n’ai pas pleuré. Elle me manque, je pense à elle chaque jour mais cela ne me prend plus aux tripes comme avant.

Plus rien ne me prend aux tripes en ce moment, d’ailleurs. Les médocs, sûrement. C’est à tel point que j’ai conduit comme une mémé pour venir, je me suis presque faite honte toute seule ! Ou alors, c’est parce que ça fait deux mois que je n’ai pas roulé ?… Bref, exit la chauffarde et joyeux Noël aux lapins des bords de route.

Et hier soir donc chez Toto, Monopoly que l’on a copieusement arrosé au champagne. Au Pouilly Fumé, aussi. Et à la liqueur de mandarine. J’ai passé une excellente soirée. Que c’est bon de retrouver des gens, de parler, de rire ! Je me rends compte que le contact humain me manque, c’est en cela que je sais que je suis prête à reprendre une vie sociale par choix et pas par obligation. Je me rends compte que c’est agréable de sortir de chez soi plus d’une demi-heure une fois par semaine pour aller faire les courses… Contente de constater que mon grottisme naturel s’effrite un peu. Allez, exit l’ourse et vivement que je retrouve un boulot !

Ce matin, on est allés sur le marché du patelin d’à-côté. Rien que de parler avec les commerçants, ça m’a fait un immense plaisir. Et de faire les boutiques, oh la la ça faisait une éternité ! qu’est-ce que j’ai aimé ! Ça me change des salades défraîchies de mon Franprix et des bouillottes-pingouin de ma pharmacie. Bref, je me suis fait mon cadeau de Noël :

J’aime la futilité.

 

Un qui ne l’est pas, futile, c’est Bradley. Je lui ai dit d’ailleurs vendredi lorsqu’il est passé chez moi. Tout chez lui doit avoir une pertinence et la précision d’un scalpel, chacun de ses mots, de ses gestes, de ses pensées… Il l’a reconnu. Moi aussi je peux taper dans le mille ha ha ha!

Oui, il est venu me voir vendredi midi. On a alors passé deux paires d’heures, ma foi, très agréables. On a papoté beaucoup, très simplement, dans un réel échange cette fois. Même si j’ai dû le faire se taire lorsqu’il a commencé à repartir dans un de ses monologues qui me passent au-dessus des oreilles. Je ne m’embarrasse plus maintenant, je vais à l’essentiel avec lui et là, je n’avais clairement aucune envie qu’il « rain on my parade » ou « kill my good mood »

On a abordé aussi des sujets relativement sensibles, tous ceux que j’évitais soigneusement auparavant. J’étais complètement relax et là non plus, pas le moins du monde gênée aux entournures. J’ai mis les pieds dans le plat plusieurs fois d’ailleurs et fait notable : il ne m’a pas rabrouée une seule fois…

On a fait l’amour. Il a avoué que ça, ça lui avait ‘quand même’ manqué… Je n’ai pas relevé. J’étais bien, on était bien, et pas envie de repartir en arrière. Mais là où ça s’est tendu légèrement, c’est lorsque je lui ai demandé si, comme nous l’avions envisagé il y a quelques temps, on passait Noël ensemble. Comme il s’attendait à être tout seul, il a accepté une permanence à l’armée le 24 toute la journée et il avait plus ou moins prévu une soirée plateau-télé chez lui en solo car pas la tête aux festivités… Mais bon, il pourrait faire l’effort…

J’y ai réfléchi ensuite et je me suis dit que j’étais trop con : je n’ai pas du tout envie que ce soit un effort pour lui et encore moins qu’il me le montre pendant toute une soirée censée être festive. Alors, je lui ai écrit :

« Pour te dire que le 24, pas de pression, je comprends que tu l’avais prévu seul, à vrai dire, moi aussi. Je pensais simplement que c’était une bonne idée de passer un moment privilégié toi et moi mais si c’est pour que tu sois grumpy et moi mal à l’aise, ça ne sert à rien. 

Cela dit, ce sera avec grand plaisir si tu veux le maintenir, juste dis-le moi mardi soir au plus tard pour que je fasse les courses mercredi matin.

Quant au 31, tu m’as ‘prévenue’ que tu le passais avec tes amis, comme si j’allais te demander de le passer avec moi… Comme je pensais que tu allais chez ton père, je m’attendais à ne pas avoir de news de toi avant 2021 donc relax!!!  

Alors, on y va souplement, je sais à quel point les ‘contraintes’ te sont insupportables et je ne veux pas en être une de plus. Moi, je suis sereine, j’aime les moments que l’on passe ensemble, si tant est que ce soit des moments de qualité, et je n’attends rien d’autre. 

Et tu viens quand tu veux, okay? Call me, take care. »

Et hier soir, sortie sur la terrasse chez Toto pour fumer une cigarette, du vent plein mes voiles, je n’ai cette fois pas envoyé de textos à Walter mais à Bradley qui m’a appelée. On a eu alors une discussion futilement normale, légère et décomplexée. Surtout moi, avec mes 2 grammes dans chaque oreille… Et cet après-midi quelques échanges par textos, eux aussi d’une roucoulante banalité.

Tout ça vaut d’être souligné car il n’y a jamais eu cette fluidité de communication entre nous, cette aisance dans nos échanges. Avant, tout était empesé, dense, empli de non-dits et de silences mystérieux… Cette nouvelle page semble bel et bien se concrétiser. En tout cas, moi ça me va.

Faudra quand même que je lui demande ce qui l’a fait changer d’avis mardi dernier. Venir pour rompre et repartir comme en quarante ou presque, j’aimerais bien savoir pourquoi. Bon, la prochaine fois.

 

Oui, je me sens bien. En phase avec moi-même. Libérée. Décomplexée. La carte de la métamorphose que j’ai tirée pour moi la dernière fois ne pouvait être plus vraie.

FINI, LES PLANS SUR LA COMETE FOIREUX

« J’ai l’impression que l’on s’est vues deux fois déjà, non ? Il y a peut-être matière à réflexion, qu’en pensez-vous ? »

J’en pense qu’il n’y a pas de hasard, qu’il y a des rencontres que l’on doit faire dans la vie.

 

Mercredi 16 décembre 2020 # DECONFINEMENT/COUVRE-FEU/Y EN MARRE J+2

Hier matin, j’avais donc rendez-vous avec la conseillère du Pôle Insertion du Département pour faire un point entre autres sur ma recherche d’emploi. Deuxième entrevue donc et non pas la troisième comme elle semblait le penser.

Et l’on a digressé à fond les ballons. C’est parti du fait que je lui ai dit que malgré mon inactivité actuelle, je ne restais pas oisive pour autant et que notamment, j’avais entrepris d’écrire mon premier roman.

L’écriture. C’est ce qui a transparu nettement dans le premier chapitre de la thérapie à domicile pour les TPB que j’ai entamée depuis une semaine, chapitre qui nous amène à discerner les priorités de notre vie, les pierres angulaires, les incontournables.

Maintenant que j’y repense, je devais avoir 20 ans, un ami d’un ami qui se revendiquait médium n’avait vu que ça chez moi : l’écriture. Et du plus loin que je me souvienne, j’écris depuis que j’ai su manier l’orthographe et la grammaire. Avec une citation à l’académie de Dijon pour ma dissertation notée 20/20 lors de mon brevet des collèges et ma place de 2ème en national de la fameuse dictée de Pivot (niveau junior, faut pas pousser quand même). Et une parution à 16 ans d’une de mes nouvelles chez Flammarion Junior qui m’avait rendue fière comme un coquelet.

Des contes et légendes, des nouvelles fantastiques, des textes, des essais en tout genre, des poèmes, des chansons aussi… Je griffonnais sans cesse, partout, tout le temps, parfois sur des sets de table au restaurant, j’étais capable de marcher des heures dans la campagne ou en bord de mer afin de trouver le spot idéal pour m’installer avec mon calepin et mon crayon tout mâchouillé, ne rentrant qu’à la nuit tombée lorsque je ne voyais plus ce que j’écrivais.

J’ai eu aussi des périodes à vide où rien ne me venait et des périodes de latence où les mots se stockaient en moi sans pouvoir sortir de ma plume, des mots qui un jour jaillissaient comme un geyser, me jetant dans une frénésie d’écriture incontrôlable des jours et des nuits durant. Quand enfin le flot se tarissait, je m’arrêtais, exsangue, des valises sous les yeux et des crampes monstrueuses à la main et pourtant, j’avais un sentiment de complétion absolue.

Bref. Donc oui, je commence à écrire mon premier roman. Comme je suis en train de reconstruire ma vie, j’ai besoin de construire en parallèle quelque chose qui pourrait être le fer de lance de ma renaissance, l’étai et le garde-fou. Je me dis aussi que mes troubles dissociatifs et ma tendance schizophrénique liés à mon TPB peuvent servir à quelque chose car quitte à avoir plusieurs personnalités, autant y aller gaiement et en mettre une ou deux dans un roman de fiction…

D’une pierre deux coups : l’écriture et la thérapie.

Ainsi, j’écris une sorte de thriller fantastique à cheval entre la France et les Etats-Unis où je peux mettre en scène mon don et l’extrapoler à volonté sans crainte de me faire tancer par Yang… Yang qui sera d’ailleurs un des personnages-clés – même si relativement fictif – et que j’ai donc mis joyeusement à contribution, tant pour sa verve que pour sa caution scientifique.

Sa collaboration m’a enchantée. Tout autant que lorsqu’il m’a dit qu’il était bien embauché à 800 mètres de chez moi. On s’est vus faire des happy-hour de dingos où l’on écrirait à quatre mains tout en se racontant nos histoires de potaches que l’on affectionne tant. Et quand moi j’aurai retrouvé un job, on pourra en plus se raconter les potins de bureau et je n’aurai plus aucun scrupule à boire des coups à 18.00 avec un presque-collègue, pas idiot celui-ci.

Bref, tout ça m’emplit de joie. Que du positif.

Et pour en revenir à la fameuse conseillère que je vais appeler Mildred car je sais qu’elle et moi nous allons être amenées à nous revoir en privé, il s’est effectivement passé quelque chose dans son bureau. On est parties de l’écriture puis, je ne sais pas trop comment ni pourquoi, je lui ai parlé de mon don. C’était comme si j’avais senti une porte s’entrouvrir en elle.

C’est une médium. Une vraie. Mais qui refuse son don. Car elle tient par-dessus tout à être ‘normale’ et ne pas passer pour une illuminée. Elle fait des rêves et je pense qu’elle a le don de prémonition. Elle a de plus dans son entourage des gens qui ont eux aussi de puissants dons d’empathie, voire des médiums comme elle. Et sa cousine est psychanalyste. Alors, je me suis risquée à lui dire : « Votre cousine soigne les esprits, peut-être que vous, vous soignez les âmes ?… »

Et dans son regard lorsqu’elle m’a dit être persuadée de m’avoir vue deux fois déjà et qu’il fallait que j’y réfléchisse, j’ai su qu’elle avait fait un rêve et que notre rencontre ‘spirituelle’ n’était pas une coïncidence. Je ne la connais pas, c’est sûr, et pourtant, il y a quelque chose de familier chez elle, quelque chose que je ne vois pas mais que je ressens… Moi qui pensais que mon don était un peu en berne ces derniers temps, anesthésié par les médocs ! Bref, je vais investiguer mais je pense que le chemin que j’ai entrevu lorsqu’elle a ouvert sa porte intérieure va me mener vers un horizon que jamais je n’aurais pu soupçonner en arrivant dans son bureau. A suivre, donc.

Et pendant que l’on parlait elle et moi, j’ai entendu le bip de mon téléphone au fond de mon sac, me prévenant d’un texto que j’ai donc lu en sortant : « Bonjour, comment ça va ? As-tu quelque chose de prévu aujourd’hui ? »

Bradley. Après une semaine sans aucune nouvelle ! Mais bon, oui j’étais dispo. Il est donc passé un peu plus tard, arrivant chez moi en toute simplicité, sans emphase ni effusion. Il est tombé direct sur mes bouquins de thérapie du TPB et a enchaîné là-dessus, me posant des questions et me demandant comment j’allais.

Mais comme il a repiqué très vite sur son sujet favori, c’est-à-dire sa petite personne, je l’ai interrompu en lui disant que je souhaitais d’abord lui préciser exactement ce qu’était le TPB car j’avais l’impression qu’il n’avait pas saisi la gravité du truc et que c’était important à mes yeux. Quand j’ai eu fini de lui lire l’exposé, il m’a demandé : « Tu peux m’envoyer le lien de cet article ? Car il y a beaucoup de choses qui font écho en moi… »

Ah merde ! Si lui aussi est TPB, on n’est pas sortis de l’auberge ! Bref, je lui ai dit que j’avais commencé ma thérapie, que les médocs m’aidaient et que la méthode de l’élastique était très efficace. Il a semblé le voir pour la première fois alors que je l’avais déjà quand il était là il y a quinze jours. Comme quoi, aucune attention à moi.

Puis, il m’a fait un débrief sur ses fameuses emmerdes en cascade de ces deux dernières semaines, celles pour lesquelles il avait besoin soit-disant d’être seul afin de les gérer du mieux possible. Dans les grandes lignes, certaines choses ont avancé, d’autres non, ses dates de mission ont changé, c’est la guerre ouverte avec son ex-femme etc. Il a trouvé aussi la maison de ses rêves, une cabane au fond des bois au confort plus que rudimentaire et pis voilà.

Je l’ai écouté sagement. Mais au fond de moi, bah je m’en foutais.

–  Pourquoi es-tu venu aujourd’hui ?

 –  Tu t’es doutée que mon silence ces derniers temps était volontaire ? Je veux dire que oui, j’avais plein de trucs à gérer mais j’ai fait exprès de ne pas te donner de nouvelles. Quand bien même tu m’aurais appelé, je n’aurais pas répondu.

 –  Oui, je sais.

 –  Donc, je suis venu pour te parler, voir comment toi tu as vécu ça et ce que tu en penses.

Mais avant même que je ne puisse formuler un semblant de réponse, il a enchaîné :

–  En fait, je voulais voir si tu me manquais. Et la réponse est… non. Je veux dire que je n’ai pas ressenti ni l’envie ni le besoin de te parler ou de te voir. J’étais bien seul avec moi-même. J’ai beaucoup réfléchi aussi, tu te rends compte que dans aucun de mes projets, je n’inclus qui que ce soit, que je ne t’inclus pas ? Je me dis qu’en fait, je n’ai pas de place pour une relation sentimentale, je ne sais même pas si je suis encore capable d’aimer ! Et pour la première fois de ma vie, je me plais et je m’accepte comme je suis. Ce n’est peut-être pas ce que tu aurais souhaité entendre de ma part et je suis désolé si je te fais du mal mais je me devais d’être honnête.

 –  Tu veux entendre ce que j’ai à dire ou pas ?

 –  Ça dépend…

 –  Faudrait savoir !

 –  Bah ça dépend, tu vas peut-être me dire ce que j’ai envie d’entendre et essayer de retourner la situation car tu te sens abandonnée mais sache que ça ne changera pas ce que je pense.

 –  WOWW hold your horses !! Je t’ai expliqué que je travaillais justement à discerner ce qui relevait de mon TPB de ce qui était de ma volonté propre et clairement la manipulation et le changement d’humeur, bah c’est le TPB, ce n’est pas moi. De plus, que mon blog m’en soit témoin ! ce que j’ai à te dire, je l’ai déjà écrit et ça fait belle lurette donc…

 –  OK je t’écoute.

J’ai tout déballé. Allez hop, comme pour les soldes. Il n’a pas tiqué le moindre du monde, voire même je l’ai senti soulagé. Je lui ai même dit ce que serait mon idéal de relation avec lui, soit 48 heures love love mais pas plus, parce qu’après ça me soûlait. Je lui ai dit que moi aussi j’étais bien seule, que je n’avais besoin de personne et que si j’avais décidé de changer, ce n’était pas pour lui mais pour moi et moi seule.

–  Tu vois, aujourd’hui je suis là, demain, j’en sais rien mais je m’en fiche, je continue mon bonhomme de chemin et je verrai bien où ça ira. T’es là, c’est bien, t’es pas là, c’est bien aussi. Si un jour, toi et moi embrassons un projet en commun, c’est bien, sinon, bah chacun trace la route, c’est comme ça.

 –  Mais on n’est pas amoureux.

 –  « Etre amoureux, c‘est se rendre compte que quelqu’un nous manque. Platon » Tu es parti du principe que comme on ne se manquait pas, on n’était pas amoureux ? Bah nan, et ? Ça te dérange ? On a des sentiments l’un pour l’autre, c’est indéniable. Ce que c’est, perso je m’en fous. Ce n’est pas suffisant ?

–  Tu as raison. Mais ce que je veux dire, c’est que je suis bien quand je suis avec toi mais je suis bien aussi quand tu n’es pas là. Ce n’est pas normal, tu ne crois pas ?

 –  Qu’est-ce que la normalité, si ce ne sont des schémas enseignés depuis l’enfance où l’on norme et labellise les sentiments ? Non, moi, je vois plutôt ça comme un équilibre.

 –  Pourquoi pas, c’est vrai, je n’avais pas vu ça comme ça…

 –  C’est pareil pour moi et cela me va bien. C’est bizarre, j’ai l’impression qu’on a inversé les rôles : avant, c’était toi qui prônais la nonchalance et moi qui n’avais de cesse de trouver un sens à notre histoire et aujourd’hui, c’est toi qui te pose des questions existentielles et moi qui veux faire roue libre. Personne ne connaît l’avenir, pas même moi avec mes supers pouvoirs, donc autant vivre les choses comme elles viennent. Moi aussi, j’aime passer du temps avec toi et ça me suffit. Si pour toi, c’est anormal et stérile, je comprends et restons-en là. Que souhaites-tu, toi ?

 –  Non, je suis d’accord… C’est vrai, tu es intelligente, cultivée, ouverte, belle, drôle, artiste, originale et de l’aperçu que j’ai pu en avoir, j’aime le regard que tu portes sur le monde. Je me sens bien lorsque je suis avec toi, je peux être qui je suis sans détours, je peux dire ce que je veux, je suis vraiment moi. J’aime quand on parle tous les deux, quand on échange sur tout et sur rien, quand on se bourre la gueule, quand on partage un repas, quand on végète devant la télé, j’adore quand on fait l’amour… Tu es sans nul doute la femme idéale pour moi… C’est juste moi qui me demande si c’est normal que je n’ai pas besoin de toi…

 –  C’est si important pour toi, d’être normal ?

 –  Non, justement, je revendique d’être hors-normes. Waouh ! On est vraiment deux marginaux, toi et moi… Allez, je suis d’accord, on continue comme avant.

 –  Comme avant quoi ?

 –  Bah on continue de se voir et on prend les choses comme elles arrivent. Mais encore une chose : sache que je ne serai jamais un fantôme dans ta vie comme l’a été Walter, tu ne m’attendras pas éperdument, okay ?

 –  Easy cow-boy !!! Je t’ai dit, je n’attends plus rien de toi. Je ne suis plus dans l’attente tout court, de quoique ce soit dans ma vie, point-barre.

 –  Tant mieux. Allez, je dois filer. C’est bien que l’on ait eu cette conversation.

Il était sur le point de partir, ses enfants l’attendant à la maison, lorsque j’ai placé ma main sur sa nuque (la fameuse prise de constantes). Je l’ai embrassé. Chastement. Il a semblé décontenancé quelques secondes puis là, c’est lui qui m’a embrassée. Fougueusement.

« Now you can go. » lui ai-je dit en riant et en lui montrant la porte. Sur le seuil, il m’a regardée longuement avec un sourire en coin qui semblait dire « J’étais venu pour rompre avec toi mais tu m’as retourné la tête. J’hésite à trouver cela frustrant ou délicieux. » mais avant même qu’il n’ouvre la bouche, je lui ai lancé : « Shut the fuck up, kiss me once again and off you go ! »

En fait, je n’avais pas envie de l’entendre me dire « On s’appelle » ou « A très vite »…

 

Moi, ce que je trouve étrange, c’est la placidité dont j’ai fait montre tout du long. Limite de l’indifférence. J’ai bien eu envie de lui rabattre son caquet une fois ou deux devant son insupportable nombrilisme et les mots ‘gougnafier imbuvable’ qui sont bien montés à mes lèvres mais finalement, peu importe. Même après qu’il soit parti et aujourd’hui encore, aucune rumination, aucun coup d’élastique, je me sens d’une quiétude à toute épreuve et d’une certaine façon, bien dans mes baskets.

Bradley n’a plus d’emprise sur moi. Le nouveau chapitre qui semble se dessiner entre nous peut très bien ne faire que deux lignes que je m’en moque. Cette incertitude me va bien. Fini les plans sur la comète foireux et les coupages de cheveux en quinze mille douze. Comme dans toute ma vie aujourd’hui.

Allez zou, j’ai d’autres trucs à écrire et le chapitre 2 de ma thérapie à entamer.

L’EXPLICATION

« Covid-19 : le Conseil de défense du jour peut-il remettre en cause l’allègement du confinement du 15 décembre ? »

Mais ça va être la grosse marrade, ce soir ! Bon, pour moi, ça va pas changer grand-chose sauf que je me dis que je ne suis pas prête de retrouver un boulot de sitôt… Et pis, j’aurais quand même bien aimé aller voir Toto et passer au cimetière. Bref.

 

Mercredi 9 décembre 2020 # DECONFINEMENT PRESQUE J+10

J’ai eu mon explication. Pas sur mon injonction, non, Bradley m’a appelée hier en début d’après-midi. Pour s’excuser de son texto spartiate et froid et pour me donner la raison de son éloignement. Ainsi, sa vie n’est qu’une grosse boule d’emmerdes depuis une semaine. Et il n’avait pas la tête à autre chose.

En vrac : la guerre de tranchées dans laquelle finalement lui et son ex-femme sont entrés de plain-pied au sujet de la garde des enfants avec avocats et tout le toutim, son protocole de départ de son ancienne société qui devient sujet à gros litige, là aussi avec des avocats hargneux qui se crêpent le chignon, la perspective d’être six mois sans ressources le temps de toucher le chômage donc il se porte volontaire pour toutes les missions à l’armée, ce qui ne fait que complexifier la situation de la garde de ses enfants, surtout s’il en demande l’exclusivité, la voiture qu’il voulait acheter bah ça va être plus compliqué que prévu, bref, il n’avance pas, c’est la merde intégrale.

Je l’ai écouté à nouveau patiemment, lui posant simplement quelques questions pratiques sur tout ça et j’ai tenté une synthèse.

–  En fait, c’est depuis que tu as priorisé l’armée que tout part en sucette, non ? Tu peux faire le choix d’arrêter si c’est trop compliqué, ce n’est pas un déshonneur.

 –  Non, je n’arrêterai pas. Je vais me démerder.  

Puis, il m’a demandé comment j’allais, moi. Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire, ce qui a semblé l’agacer. « Comparé à toi, oui, moi je vais bien ! » lui ai-je lancé. Je comprends son état d’esprit, je le plains vraiment, de telles emmerdes toutes en même temps, je sais que c’est l’enfer à gérer – et je suis calée, niveau enfer, moi – et c’est légitime de sa part de vouloir s’y consacrer.

Mais cela tourne encore une fois autour de lui, de sa vie. Je n’en suis que le témoin passif, pas un iota partie prenante, même si d’après ce que j’ai compris, notre ‘relation’ n’est pas remise en cause. Je pourrais m’en sentir soulagée… En fait, je ne sais pas si ça m’emmerde ou pas. J’aurais peut-être préféré effectivement que l’on se remette en question, lui et moi.

Ou qu’il lise mon blog. Et qu’il me tombe sur le poil à bras raccourcis à la lecture de mes mots pas spécialement tendres à son égard. Au moins, cela aurait démontré un semblant d’intérêt pour moi. Mais bon.

La semaine dernière, j’ai refait un tirage de cartes sur lui et moi, cartes qui ont eu l’avantage cette fois de parler d’elles-mêmes. Alors, je n’ai rien compris sur le coup, je me suis même dit que j’avais définitivement perdu mon don. Mais suite à l’explication d’hier, bah tout fait sens.

Moi > La Métamorphose

Bradley > Le Travail

L’évolution de notre histoire > La Maison

Ainsi, de nouveaux mots se forment en moi que j’ai bien l’intention de lui livrer la prochaine fois : « Si tu veux mon aide, demande-la moi. Sinon, gère tout ça de ton côté, prends le temps qu’il te faut et rappelle-moi lorsque tu seras plus serein et on verra. »

La vérité, c’est que depuis lundi, j’ai tourné la page. Cela a même été d’une facilité désarmante. Un soulagement. J’étais contente qu’il m’appelle hier pour me donner cette explication qui, effectivement, restait comme un caillou dans ma chaussure. Mais je n’attends plus rien d’autre venant de lui.

Je suis de nouveau paisible.

J’ai même un nouveau projet qui prend corps en moi : envie d’écrire une fiction, un truc qui me fasse oublier la monotonie de ma petite vie de confinée depuis maintenant 9 mois. Il est temps que j’accouche.

NENETTE, JE T’AIME

« Hello, je suis désolé de me montrer si lointain et silencieux mais j’ai juste envie/besoin d’être seul… Quelques temps… »

La réponse de Bradley ce matin au texto que je lui ai envoyé hier soir, lui disant que je savais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas et qu’il faudrait peut-être qu’on en parle.

 

Lundi 7 décembre 2020 # DECONFINEMENT PRESQUE J+10

J’étais partie ce matin pour l’appeler. Mais j’ai eu un doute, j’ai donc appelé Nénette en premier. D’abord, les faits.

Bradley est reparti de chez moi il y a une semaine en fin d’après-midi. Pas d’appel le soir, normal. Il m’a appelée le lendemain vers midi mais j’ai loupé son appel, trop occupée à faire mon ménage, mon casque sur les oreilles pour danser entre deux coups de plumeau. Il me rappelle plus tard, agressif : « Ah quand même, tu décroches cette fois-ci ?!! » Bref, on a parlé de choses et d’autres, notamment de sa conversation avec son ex-femme au sujet de la garde de leurs enfants.

Conversation moins houleuse que prévue au final. Je lui demande s’il lui a annoncé ses dates de mission, il me répond que non, qu’il préfère qu’elle se fasse à l’idée d’abord avant de lui donner des dates butoir. Je me suis dit : « Déjà qu’elle te tacle pour un jour, si tu veux qu’elle accepte, faudrait peut-être lui dire en amont pour qu’elle s’organise, non ? C’est aussi, je trouve, très irrespectueux. Bon, il semblerait qu’il n’y a pas qu’avec moi qu’il soit comme ça… »

Le soir, je n’avais pas spécialement envie de lui parler. Je ne sais pas, quelque chose dans son ton avant de raccrocher, sa façon de me dire « Prends soin de toi, à plus tard. » alors je lui ai juste envoyé un texto tout mimi pour lui souhaiter bonne nuit. Pas de réponse.

Le lendemain, on ne s’est pas appelé et je lui ai juste envoyé le soir un autre texto, mimi là encore, pour lui souhaiter bonne nuit. Et pas de réponse. Donc jeudi matin, je l’ai appelé. Il n’a pas décroché. Je lui envoyé un texto lui demandant s’il allait bien. Pas de réponse. Je l’ai rappelé un peu plus tard et sur un ton un peu tranchant, il m’a répondu qu’il courait partout, qu’il était débordé, en retard pour un rendez-vous avec sa pote et qu’il me rappelait. OK…

Il m’a rappelée vendredi soir. On a là encore parlé de choses et d’autres. Des soucis avec sa future ancienne boîte pour sa rupture conventionnelle qui, pour une chicanerie procédurière, sera finalement un licenciement pour faute etc. Et moi, là, je lui ai parlé de moi. De mes récents cauchemars, du fait que je n’avais pas de réponses pour le boulot, que ça commençait à me soûler, que j’avais fait pour la première fois le Black Friday en ligne blablabla…

Une conversation, et pas un monologue de sa part, simple et anodine comme on en a déjà eues des dizaines lui et moi. Sauf qu’elle s’est terminée sur ses mots qui m’ont faite tiquer quand j’ai raccroché : « Bon, ma belle, je vais te laisser, je suis crevé, ciao ! » WTF ?!! Je suis sa pote ?!?!!!

Bref. Samedi, pas d’appels ni de textos de part et d’autres. Et dimanche, hier donc, pareil. Il était censé déposer ses enfants en début de soirée mais je savais pertinemment que je ne le verrais pas pour autant. Et au fur et à mesure de la journée, j’ai senti gonfler en moi une angoisse sourde. Malgré que je me sois copieusement flagellée à coups d’élastique, cette angoisse n’a fait qu’amplifier jusqu’à ce que je lui envoie un texto à 21.20.

 

Nénette est furibarde à ma place.

–  Mais c’est quoi ça ?!! On ne répond pas au texto ?!! Ça prend deux secondes « J’suis occupé, je te rappelle, bisou. » il a bien le temps de faire pipi, de faire caca, de boire un café alors un texto… Bref, je ne supporte pas ça ! C’est quoi, ce silence-radio, hein ?! Il ne peut pas te laisser mariner comme ça et te mettre dans la tronche que c’est toi qui est chiante à te poser trop de questions !

 –  Je suis bien d’accord… Je ne vois que deux hypothèses : soit il s’est rendu compte que nous deux, ça n’irait pas plus loin et il ne s’est pas comment me le dire, soit bah il a lu mon blog… Là, j’allais l’appeler car même si c’est clair, j’ai besoin qu’il me donne une explication.

 –  Surtout pas ! Tu vas lui redonner le pouvoir et tu vas passer pour la harceleuse qui a de sérieux problèmes alors que clairement, c’est lui qui en a un ! Tant mieux s’il a lu ton blog, comme ça il saura ! Non, moi je serais toi, je laisserai mourir le truc. S’il te rappelle, tu verras mais bon, lâche l’affaire pour l’instant, tu as mieux à faire que de l’attendre.

 –  Tu as raison.

 –  Je ne sais pas à quoi il joue mais c’est limite du sadisme. Comme s’il voulait te faire payer quelque chose, il sait qu’il a prise sur toi et quelque part, ça lui fait du bien de te faire souffrir. Même s’il le fait inconsciemment.

 –  Oui, je pense qu’il n’a toujours pas digéré sa rupture. Moi, son ex-femme, c’est lui qui nous a quittées mais avec elle, c’est lui qui s’est fait jeter pour la première fois de sa vie. Une sacrée claque pour son égo ! Du coup, moi je suis arrivée juste après, en pleine remise en question et comme il ne sait plus trop comment être dans une relation et, je dois le reconnaître, avec les problèmes que j’ai provoqués, bah il me fait morfler.

 –  Il a peur de souffrir et de s’ouvrir à une nouvelle relation. C’est pour ça qu’il s’accroche éperdument à ses projets en solo car qui dit nouvelle relation veut dire projets en commun et si ça s’arrête, il a peur de ne plus rien avoir à lui ensuite. 

–  Comme quoi, depuis le début ou presque, je t’ai dit qu’il y avait quelque chose qui clochait, un truc que je ne sentais pas. Il y a eu un moment peut-être au tout début où cela aurait pu marcher entre lui et moi, peut-être qu’on a juste loupé le coche et puis c’est tout, non ?

 –  C’est sûr que là, ce n’est pas le bon moment pour vous deux. C’est pour ça, fais ta vie, laisse passer de l’eau sous les ponts et dans quelques temps, tu verras, peut-être qu’il sera mieux et toi aussi, peut-être que vous serez prêts. Ou peut-être que tu n’auras plus envie.

 –  Je ne sais pas si je peux faire ça, de lâcher l’affaire ‘temporairement’… J’aurais plutôt tendance à vouloir tourner la page pour de bon et pour ça, j’ai besoin d’une explication de sa part. Je suis jusqu’au-boutiste, tu sais, avec mon TPB, tout blanc ou tout noir…

 –  Non, ne mets pas tout sur ton trouble, tu es comme ça, c’est tout !

 –  Si si, c’est important pour moi de réfléchir sur mes mécanismes à la lumière de ce trouble, maintenant que je l’ai accepté. Ça me permet de prendre du recul et de discerner ce sur quoi je dois travailler. J’ai entendu tout ce que tu m’as dit et c’est réellement très pertinent. Quelque part, c’est ce que j’ai envie de faire. C’est pour cela que de différencier ce qui relève de mon TPB de ce qui relève de ma volonté propre est primordial.

 –  Je comprends. Mais garde à l’esprit que ce n’est pas toi qui as un problème, c’est lui. Alors, sa rupture, d’accord mais pas que, il a aussi des problèmes comportementaux énormes, d’après ce que tu me dis. Je ne sais pas comment tu fait pour supporter ça, moi, ça n’aurait pas traîné ! Tu as une de ces patiences !

 –  Bah, plus trop aujourd’hui, quoi.

 –  Et c’est légitime ! Non mais oh, c’est quoi de se pointer systématiquement avec deux heures de retard, il croit que tu n’as que ça à faire que de poireauter ?! Tu ne peux rien prévoir, même le moindre repas devient un jeu du chat et de la souris ! Et t’occulter comme ça quand tu es à côté de lui, franchement, ce n’est pas du foutage de gueule ?!!

 –  Mais j’avais qu’à lui dire que ça me gonflait. Je pense que je n’avais pas envie de déclencher la 3ème guerre mondiale.

 –  Surtout qu’il t’aurait renvoyée dans tes buts en te faisant passer pour une mégère intransigeante ! Maintenant, je pense que tu devrais lui dire, gentiment si tu peux.

 –  Lui dire quoi ? Que c’est un sale con ?

 –  Euh non hahaha quoique… Non, lui dire que tu trouves irrespectueux ses retards systématiques et le fait qu’il te zappe quand tu es à côté de lui.

 –  Je lui ai déjà dit.

 –  En fait, Monsieur ne veut aucune contrainte, aucun ordre. Il veut une liberté totale. Mais liberté ne veut pas dire muflerie. Construire une relation, c’est d’abord le respect. De soi mais aussi de l’autre. Et là, clairement, il n’en a pas pour toi. Comme tu peux lui dire que ce n’est pas agréable de sentir qu’il ne s’intéresse pas à toi alors que toi, tu es à son écoute avec une patience d’ange. Donc si cela ne marche que dans un sens, bah dis-lui que ça ne te va pas.

 –  Plus j’y pense, plus je me dis qu’il est comme ça, en fait. Que ce n’est pas de mon fait. Regarde, avec ses enfants et l’armée, je sais qu’il a mauvaise conscience, que son ex-femme se fait un devoir d’alimenter en bourrant le mou aux enfants « Papa préfère aller à l’armée plutôt que de s’occuper de vous ! » mais il part du principe que l’armée lui fait du bien en ce moment et que s’il est bien, tout le monde autour de lui le sera aussi, ses enfants en premier…

 –  C’est d’un naïf et d’un égocentrisme ! Les pauvres gamins !

 –  C’est bien ce que je pense aussi. Ce que je veux dire, c’est que son trip égocentrique à ne faire et ne vouloir que des choses qui lui font du bien en repoussant toute obligation, toute entrave va bien au-delà de moi. Donc, même s’il ‘va mieux’ dans quelques temps comme tu dis, je ne suis pas sûre qu’il ait la volonté de changer quoi que ce soit chez lui, en tout cas, vis-à-vis de moi…

 –  Oui, bon, c’est pour ça, laisse pisser. Tu verras bien.

 

Là-dessus, je reçois le texto de Bradley disant qu’il a besoin d’être seul, je le lis à Nénette.

–  Ah bah quand même ! Bon alors, qu’est-ce que tu ressens ?

 –  Je ne sais pas trop. Je lui réponds ou pas ?

 –  T’as envie ?

 –  Tu lui répondrais quoi, toi ?

 –  « OK.»

 –  C’est ce que je pensais. Je reste néanmoins sur ma faim car j’ai toujours besoin d’une explication. Je sais que mon TPB, ouais encore lui, me pousse à en faire une fixette et j’ai peur de ne pas pouvoir débrayer…

 –  Il te manque, là ?

 –  Je serais bien incapable de te répondre…

 –  Ne le relance pas, il n’a peut-être pas d’explications lui-même. Ça risque de tourner en eau de boudin et je pense que tu n’en as pas besoin.

 –  Bon allez, tu as raison. Je vais lâcher prise, je vais travailler ce sur quoi je peux travailler et je vais penser à autre chose. Et je verrai bien.

 –  N’oublie pas surtout : ne te dévalue plus, fais-toi du bien et refuse tout ce qui te fait du mal. Bradley est devenu toxique pour toi donc stop. Retrouve-toi.

 –  C’est ce que j’avais commencé à faire quand il est parti en mission. C’est son revirement tout amouraché d’alors et qui plus est celui d’aujourd’hui à 360° qui me perturbe autant.

 –  On le serait à moins. Tu vois bien que ce n’est pas toi qui as un problème.

 –  C’est vrai… Tu sais quoi ? Bah je me sens soulagée. Déjà, de te parler, d’entendre et de verbaliser tout ce que j’avais sur le cœur, ça m’a fait un bien immense ! Merci un milliard de fois !!!

 

QU’EST-CE QUE JE T’AIME, MA NENETTE !!!

L’IDEAL SERAIT DE…

« MAMAN !!! Reviens, sors de ce carrefour, tu vas te faire tuer ! MAMAN !!! »

Une tonne de larmes et une centaine de coups d’élastique plus tard, je réfléchis sur ce rêve douloureux que je viens de faire deux nuits d’affilée. Je revois Maman au milieu de ces voitures qui klaxonnent à qui mieux mieux, je la vois perdue, à tourner en rond le regard fixe entre démence et terreur silencieuse, piégée au fond d’elle-même, incapable de revenir à la surface…

Je cours vers elle, je la ramène comme je peux sur le trottoir, je tente de lui faire entendre raison, je lui dis à quel point j’étais inquiète mais devant son regard halluciné, je me sens totalement impuissante et cela me fait mal au plus profond de mes tripes.

Là, je me dis qu’en fait, les rôles sont inversés : c’est moi la folle au milieu du carrefour et c’est Maman qui s’inquiète pour moi.

 

Jeudi 3 décembre 2020 # DECONFINEMENT PRESQUE J+6

Deux semaines maintenant que je me suis remise à envoyer mon CV à tire-larigot sans aucun retour. J’ai l’impression que cela va prendre plus de temps que prévu. Mais j’ai hâte, purée ! de retrouver une vie sociale et un semblant d’utilité, hâte de m’ouvrir, de découvrir autre chose, de rencontrer des gens nouveaux et de penser à autre chose qu’à ma misérabilité…

Bref, un peu dans l’ornière et ça commence à me peser. J’ai repris mon train-train de confinée toute seule avec moi-même qui, il faut bien le dire, consiste principalement à buller. Une alternance jour-nuit qui se répète à l’identique dans une routine de désœuvrement qui, si elle est douce et sans heurts, n’est pas forcément bénéfique pour moi en ce moment.

J’ai repris toutefois la danse et la gym, après une semaine de douleurs incommensurables réparties de mon occipital jusqu’à mon sacrum. Je gobe les antidouleurs comme des jelly beans, maintenant. Ça me fait du bien de me faire mal. Ce que j’aime surtout, c’est l’après-séance lorsque les endorphines m’envahissent…

Du coup, j’ai aussi beaucoup de temps pour penser. Quelques embardées de rumination tout de même, vite désamorcées à coups d’élastique et aplanies par la paroxétine, mais oui, je réfléchis intensément depuis quelques jours. Et j’arrive même à être objective.

Je repense notamment à la semaine dernière. J’en ai une impression douce-amère, mi-sourire, mi-ride du lion. Je repense à Bradley et sa vocation retrouvée pour laquelle il se dédie aujourd’hui à 100%. Il a d’ailleurs passé le plus clair de son temps chez moi sur son ordi ou au téléphone à gérer des trucs pour l’armée, tellement absorbé que si j’étais sortie, il n’aurait rien remarqué.

Bref, je me suis dit qu’en fait c’était comme s’il télé-travaillait et que je ne devais pas lui en tenir rigueur. Mais quand même, je trouve cela impoli au possible lorsqu’à table, alors qu’on est censés passer un moment de détente, qu’il consulte son portable toutes les 30 secondes sans plus me calculer.

Il m’a expliqué aussi qu’à partir de l’année prochaine, ce ne sera plus à la carte et que les missions ne pourront plus être refusées pour indisponibilité personnelle. Et là, il m’a déroulé son ‘planning’ du premier semestre 2021. 3 semaines en janvier, 2 semaines en février, 4 mois de mars à juin, 3 semaines en juillet et vacances en août avec ses enfants.

Mon premier réflexe (intérieur) a été de me dire que tout ça était trop abstrait pour moi car je ne me projetais pas si loin dans le temps. Ensuite, je me suis dit qu’on n’allait pas se voir des masses lui et moi, avec des absences aussi nombreuses et ses enfants à caler entre les deux. Et enfin, je me suis demandée si j’avais envie de cette vie.

Cette vie où l’on devrait vivre ensemble à moyen-court terme, disons où il faudrait que j’emménage chez lui si je veux avoir une chance de le voir entre deux missions, pour m’occuper de ses enfants aussi lorsqu’il serait absent, bref une vie de femme de militaire au foyer. Ce serait caler ma vie sur la sienne et si j’en crois ses propres dires, c’est justement ce qu’il ne veut pas.

Il ne veut pas mais c’est bien ce qui se passe. Ma vie dernièrement s’est calée par rapport à lui et j’ai encore tendance à y penser pour la suite. Tendance seulement, parce que je n’ai rien d’autre en ce moment dans ma vie. C’est pour cela qu’il me tarde de reprendre une petite vie à moi, rien qu’à moi et de voir ensuite si j’ai envie que nos deux vies s’entremêlent.

Bref. Même son ex-femme est soûlée. Elle a piqué une crise : « Tu comprends, on est divorcés, je ne peux plus caler ma vie sur la tienne car cela commence à poser des problèmes dans mon couple. On peut s’arranger pour la garde des enfants mais il faut que cela reste exceptionnel. Tu n’as qu’à dire à l’armée que tu n’es pas dispo quand c’est ta semaine de garde. »

Je pense qu’elle a raison sur le fond. Même si je trouve pitoyable d’instrumentaliser ses propres enfants dans un conflit utérin issu d’une rupture mal digérée. Car si j’ai bien compris, c’est Bradley qui l’a quittée et depuis, elle essaye de toutes ses forces de reprendre un peu le pouvoir sur lui, en lui donnant mauvaise conscience et en étant peu complaisante voire inflexible car elle n’a de cesse de se référer à leur convention de divorce comme à la Bible.

Il y a quelques années déjà, m’a raconté Bradley, elle avait refusé de garder les enfants pendant les 6 semaines de mission de Bradley, obligeant ce dernier à les confier une semaine sur deux à un couple d’amis… Je peux comprendre que cela l’emmerde d’être tributaire du planning de son ex-mari mais ce sont ses propres enfants, pas des chiens dont on se débarrasse au refuge quand c’est la semaine de garde de l’autre. On n’est pas maman une semaine sur deux.

Aurais-je été comme ça moi aussi il y a 20 ans lorsqu’il m’a quittée si j’avais eu des enfants avec lui ? Je ne sais pas. Je me suis trouvée tellement mauvaise et mesquine à ce moment-là que peut-être que oui.

Je me dis aussi que le problème vient peut-être de lui et de lui seul. Qu’il est capable de nous rendre folles d’amour puis folles tout court. Qu’effectivement, tout tourne autour de lui, selon s’il est bien, s’il est mal, il nous adore puis il nous jette, il revendique tout de nous mais ça l’étouffe et il finit par prendre la tangente en nous laissant exsangues, rongées par l’incompréhension et la rancœur.

Aujourd’hui, il a certes changé mais pas tant que ça. En tout cas, pas sur ce plan-là. Et ayant déjà eu le tour, si je peux éviter de devenir chèvre une deuxième fois, ça m’arrangerait. Parce que je n’ai pas besoin de lui pour ça en ce moment !

 

Bref, la nouvelle poussée d’urticaire de son ex-femme l’a obligé à se poser de solides questions. Demander la garde exclusive ? Car il est clair que son ex-femme ne souhaite pas, elle, la garde exclusive, je trouve cela tellement singulier mais bon. Donc, une nounou ou une jeune fille au pair pour les semaines où il serait en mission… Et moi, je lui sors du tac-au-tac « Mais je les garde quand tu veux, tes loulous ! » il n’a pas relevé heureusement mais qu’est-ce que je suis con quand je m’y mets !

A mon avis, le JAF dira que Monsieur étant au chômage, sortant de dépression et avec des absences nombreuses pour impératifs militaires, la garde sera plutôt en faveur de Madame… L’embrouille.

–  Je suis réellement désolée pour toi que tout ça se complexifie, c’est moche… Avec moi en plus, ça va vraiment devenir un casse-tête insoluble.

–  C’est-à-dire ?

–  Bah tu vas devoir jongler entre tes enfants, l’armée et moi… Je suis un paramètre qui complique encore plus la situation, quoi.

–  N’importe quoi. Pour moi, ça, ce n’est pas compliqué : un coup de voiture et on est chez l’un ou chez l’autre.

–  Mais il va falloir que tu me présentes tes enfants et je…

–  Bah oui ! Je ne vais pas te les cacher éternellement.

–  Ah bon.

Ça m’a cloué le bec. Comme souvent, d’ailleurs. Bref, on en revient à l’hypothèse de cette vie en commun organisée selon SON agenda. Même à plus long terme, lorsqu’il aura trouvé sa maison en rase campagne tout en gardant son appart sur Paris pour sa semaine de garde des enfants, son havre de paix sera-t-il aussi le mien ? Ou s’il a la garde exclusive et qu’il décide de partir pour de bon à la campagne, l’y suivrai-je ?

Ce sont ses projets à lui, pas les miens. En tout cas, pas maintenant. Sans compter qu’il ne m’inclut jamais dans ses projets, pas même un embryon de supposition. Ça me fait penser à ce qui lui est arrivé avec son ex. Il a suivi ses projets à elle, pensant que c’était les siens aussi et quand ils se sont séparés, il s’est aperçu qu’il n’avait rien dans sa vie. D’où l’importance vitale à ses yeux d’avoir maintenant un projet bien à lui dont il ne démordra pas quoiqu’il arrive.

Je comprends. Je comprends d’autant plus que moi non plus, je ne veux pas me fourvoyer sur un chemin qui n’est pas le mien.

Bref. Une relation elle aussi en alternance une semaine sur deux me convient bien. Ici à Paris. Et je peux faire avec quelques semaines, voire quelques mois d’absence. Cela m’ira d’autant mieux lorsque j’aurai un boulot et d’autres chats à fouetter dans l’intervalle.

Vendredi dernier, il a été appelé en urgence pour aller remplacer un gars censé être de permanence 24 heures au régiment. Il a eu l’air surpris que je le prenne aussi bien. Bah d’une, j’avais pas le choix et de deux, être seule 24 heures, comment dire ? bah je gère, quoi. Il n’a eu de cesse de me remercier pour ma compréhension et ma patience, c’était mignon, je reconnais mais pour moi, il n’y avait pas lieu à tant d’effusions.

Il est là, chouette, il n’est pas là, bah chouette aussi. Pour l’instant, je ne vais pas chercher plus loin. En fait, la semaine dernière a été ces quelques jours que j’avais souhaité passer avec lui sans nous poser de questions, juste avant qu’il ne parte en mission qui a avorté finalement. L’idée, c’était juste de profiter puis de mettre à profit son absence pour réfléchir à un hypothétique nous deux, pérenne ou pas.

Bon, maintenant que la situation a changé, je me suis adaptée en me laissant porter au fil des choses. Et l’insouciance a naturellement cédé la place à la réflexion. Sans mouronnage, posément.

Il y a bien un truc qui me chiffonne, quand même. J’ai l’impression qu’il ne s’intéresse absolument pas à moi, que rien venant de moi ne le touche ou ne l’interroge. Ainsi, il ne me pose aucune question, il ne demande aucune nouvelle de mes amis, on n’a pas parlé de mon TPB, de mon évolution, ni de comment je vivais ces quelques jours avec lui. Il s’est sûrement dit, comme à son habitude, que je lui en parlerai quand j’en aurai envie.

Bon, ça m’a arrangée parce que justement, je n’ai rien eu à dire de particulier. J’ai même délibérément choisi de ne rien aborder de sensible me concernant. Voire de ne rien aborder du tout. Un modèle de bulot mutique comme on n’en fait plus.

Jusqu’à samedi soir, quand tout est parti en cacahuète. Pour moi, en tout cas. J’en avais marre de ses monologues alors, au cours de l’apéro, j’ai lancé le jeu ‘J’ai jamais’. Le but étant d’apprendre à se connaître. On se place l’un en face de l’autre les mains levées et on déclare chacun son tour ‘Je n’ai jamais fait telle chose’, si l’autre l’a déjà fait, il doit baisser un doigt et le premier boit un coup. Le perdant est celui qui a baissé tous ses doigts en premier.

Il a bien rechigné un peu en me disant qu’il n’était pas d’humeur à jouer mais devant mon air déterminé, il a obtempéré et finalement, s’est pris au jeu. Mais là, j’ai découvert l’amplitude de son agressivité et de ses tendances paranoïaques…

Fini d’être choupinet et roucoulant, il a repris d’un seul coup le visage dur et la voix de stentor autoritaire aux mots tranchants qu’il avait eus lorsqu’il m’était tombé sur le poil parce que je ne l’avais pas entendu entrer chez moi… Il n’a eu alors de cesse de me tacler, de me balancer des piques à la limite de la méchanceté gratuite, tant et si bien qu’à un moment, j’ai dû lui dire en lui prenant le visage dans mes mains : « Though I am not your friend, I am not your enemy either. So stop being such an ass ! »

Je me suis réveillée dimanche matin avec un mal de crâne à éclairer tout le quartier et un quasi black-out de la soirée. Apparemment très arrosée. Bah oui, j’ai gagné à ‘J’ai jamais’. Bradley s’est fait un plaisir de me raconter par le détail. Oui donc, une soirée très arrosée et très amazonesque semble-t-il, un souvenir impérissable pour lui…

–  As-tu besoin d’alcool pour te lâcher ?

–  Je ne sais pas. Peut-être.

–  En tout cas, c’était incroyable…

Je ne me suis pas sentie de discuter d’un évènement dont je ne me rappelais pas et à vrai dire, qui me mettait un peu mal à l’aise. J’ai donc éludé vite fait bien fait. Puis, les brumes dissipées, j’ai alors eu une étrange sensation. Un très vague souvenir d’avoir pleuré en entendant une chanson, l’impression diffuse mais persistante d’avoir fait un bad trip…

Et qui dit bad trip alcoolisé chez moi dit Walter. Je me suis donc précipitée sur mon portable pour effectivement y découvrir un texto que je lui ai envoyé à minuit : « I am so sorry. » Bon, cela aurait pu être pire. Mais quand même.

Comment Bradley a-t-il fait pour ne rien voir de mon bad trip ? OK, je me suis réfugiée seule à un moment dans mon lit mais il me semble que j’ai commencé à pleurer dans le salon avec lui dans les parages… Le connaissant, il m’en aurait parlé donc j’en ai conclu qu’il n’a rien calculé. Tant mieux.

Quant à Walter… Clairement, je ne peux pas effacer 20 ans d’habitudes aussi facilement que je l’aurais voulu. Je ne compte plus les fois où je lui ai envoyé un texto alors que j’étais ivre, la plupart du temps pour lui livrer des mots que j’étais incapable de lui dire à jeun… Comme quoi, c’est peut-être vrai que j’ai besoin d’alcool pour me lâcher. Comme si je ne voulais pas assumer mes propos. C’est naze, je sais.

Bref. Oui, je pense à Walter. Pas outre mesure cependant, il faut dire que je suis bien occupée dans ma tête ces derniers temps ! Mais bon, par-ci par-là… D’ailleurs, lors de la dernière soirée chez Nénette, j’ai eu à un moment donné une pulsion nostalgique, une pensée qui m’a transpercée de part en part : « Je vis encore à côté de ma vie, c’est Walter qui devrait être avec moi ici ce soir » J’imagine que ce ne sont que des réminiscences. A nouveau, pas facile d’effacer 20 ans de fonctionnement.

Et pour en revenir à Bradley, après sa roucoulade du matin, il n’est certes pas redevenu l’odieux connard du début de soirée de la veille mais il s’est fait plus distant, plus fuyant, plus froid. Alors, est-ce à cause de moi et de notamment mon énième black-out ? S’est-il rendu compte lui aussi que l’on n’avait finalement pas grand-chose à partager ? Prend-il mon silence radio pour de l’indifférence ?

Je ne sais pas, je ne lui ai pas demandé. Et il est reparti lundi aussi froid qu’il était chaleureux en arrivant une semaine plus tôt. Et je dois avouer, moi j’étais aussi heureuse de le voir repartir que de le voir arriver une semaine plus tôt. Bizarre, non ?

 

Tout ce qu’il était à l’époque, tyrannique, égocentrique, lunatique, et tout ce qu’il est devenu, sur la défensive en permanence, paranoïaque, sectaire et dénué de compassion, impossible à vivre au quotidien, limite sale con, tout ça commence à peser bien lourd par rapport à ce que j’aime chez lui…

Car j’aime son côté passionné, son pouvoir enivrant, sa résilience, j’aime quand il se laisse aller à la futilité et à l’insouciance et surtout, j’aime l’incroyable alchimie de nos deux corps, comme s’ils parlaient un langage bien à eux mais bon, ça ne fait pas tout.

Quelque chose se construit-il entre nous ? C’est on ne peut plus incertain. Et je ne peux m’empêcher de me dire que cela risque d’être difficile si l’on ne se retrouve sur rien d’autre que notre entente physique qui, si elle est délicieuse, ne donne quand même pas matière à construction à long terme.

Bradley peut-il n’être qu’un sex-friend ? Je ne sais pas. Si cela m’irait, si cela lui irait. L’idéal pour moi serait qu’on se voit pas plus de deux jours d’affilée mais en ne se consacrant qu’à nous-même, sans portable, sans trop d’alcool et sans trop penser. Mais bon.

Donc, je vais prendre les choses comme elles viennent. Car je ne sais pas si j’arriverai à faire avec ce qui me déplaît chez lui, je ne sais pas si lui arrivera à faire avec le bulot mutique que je suis en ce moment, je ne sais pas si nos sentiments vont finir par donner quelque chose et je ne sais pas si cela en vaut la peine.

Allez hop, une tisane Nuit Calme et je vais me crasher devant ma série.

THANKSGIVING

« I am thankful for being alive and still standing up after all I’ve been through. I am thankful to have people around me that care for me as much as I care for them, I am thankful to feel loved.”

L’Américaine dans l’âme que je suis ne pouvait pas faire l’impasse sur Thanksgiving. Une fois, j’ai été couronnée ‘Dinde de l’année’ par Zane venue à Paris presque spécialement pour partager ce grand moment de convivialité. Pas peu fière d’avoir passé ma journée aux fourneaux pour un résultat assez époustouflant, si j’en crois les retours…

 

Samedi 28 novembre 2020 # DECONFINEMENT PRESQUE J+1

Une semaine qui s’annonçait à priori très calme pour moi. J’avais jeté l’ancre dans une petite crique et ballotée doucement par le ressac, j’avais juste envie de buller en contemplant les cormorans. Je commençais à m’habituer à mon extrême solitude quand mardi midi Andrew est passé me faire un petit coucou après un rendez-vous professionnel dans le quartier.

Autant dire que j’étais ravie de voir mon Yang. Un grand moment de complicité et d’échange. On a parlé notamment de mon TPB, de Bradley, de ma vie en ce moment et je me suis même laissée aller à des confidences, du genre ‘T’ar ta gueule à la récré si tu le répètes à quiconque’… Bref, ça m’a fait un bien fou. Et de savoir qu’il va peut-être être embauché à 800 mètres de chez moi, bah je suis bien contente.

Et dans l’après-midi du même jour, un appel de Bradley : « Bah en fait, je ne pars plus, c’est décalé à janvier. J’attendais d’avoir la confirmation pour t’appeler. Veux-tu que je te rejoigne ? »

J’ai dit oui. Une impulsion, pas réfléchi une seconde, juste suivi la vibe, même si j’ai bien pressenti le bordel que cela allait engendrer, moi qui comptais sur cette latence pour faire le point sur ma vie. Mais bon, pas affolée pour autant. Etrange. En fait, je me suis dit « On verra. »

Et depuis, bah il est là. Adorable. Frétillant. Limite amoureux avec ses ‘chérie’ par-ci ‘chérie’ par-là et sa spontanéité après que je lui dise qu’il n’avait pas de comptes à me rendre : « Bah on avance ensemble ou pas ? »

Moi, je suis sereine. D’une légèreté assez déconcertante, je dois dire. Un peu empruntée tout de même à faire matcher mon quotidien avec le sien, je tourne d’ailleurs assez souvent comme un poulet sans tête dans l’appartement mais globalement, ça se passe bien, on passe même de très bons moments.

On a par exemple fait la cuisine ensemble dans la joie et la bonne humeur pour le fameux dîner de Thanksgiving jeudi. Une première pour lui ! Je l’ai donc intronisé à la gastronomie outre-Atlantique avec un seul mot d’ordre : faire péter le bouton du jean en fin de repas. Ce qui a été le cas. Même s’il n’y a pas eu de dinde de 8 kilos, hein…

Il y a aussi de grands silences entre nous. Rien de pesant, juste des temps où ni l’un ni l’autre n’ouvre la bouche. Pour lui, je pense que ce sont de simples pauses dans le flot de paroles dont il m’arrose copieusement. Pour moi… bah en fait, j’ai rien à dire. Et c’est là que je me dis que l’on n’a décidément pas grand-chose à échanger. Je l’écoute patiemment me parler de ses trucs à l’armée, de ses bouquins, de ses projets, ce n’est pas que cela ne m’intéresse pas mais je suis souvent à dix-mille lieues sur ma planète….

Est-ce parce qu’il m’a souvent rembarrée lorsque j’ai parlé de mes trucs à moi que maintenant je me tais ? Peut-être, oui. Mais je me rends compte surtout que l’on est vraiment aux antipodes l’un de l’autre. Cela ne me chamboule pas plus que ça, c’est une simple observation.

Pas de méprise, quand j’ai dit oui mardi, c’est parce que j’avais vraiment envie de le voir et je suis très heureuse qu’il soit là. Je me laisse porter, j’observe en dilettante, sans réflexion intensive derrière. Je ne mouronne pas, d’ailleurs, pas un seul coup d’élastique depuis ha ha ha !

C’est sûr maintenant, la paroxétine fait le job. Je prends aussi des cachets phyto contre le stress, une infusion Nuit Calme le soir et toujours de la mélatonine avant de me coucher. Plus zen que moi, tu meurs. Plus d’angoisses abyssales, plus de montées d’adrénaline, plus de fixations mortifères. En plus, je ne dors pas si mal que ça et je ne fais plus de cauchemars.

Ça pourrait être le paradis. Je le vois plutôt comme une petite crique tranquille sur laquelle je suis venue m’échouer. Mais l’envers du décor, c’est que je me suis tellement anesthésiée que je ne sens plus rien. Un vrai marbre. Et bien sûr, plus de vibration, plus de ressenti, nada.

Bon, c’est ce que je voulais, la paix. Mais je ne pensais pas que cela m’insensibiliserait à ce point et au-delà de ça, que cela affecterait mon don…. D’où mon interrogation : mon don ne serait-il que la résultante d’une transe psychotique ? En gros, pour être medium-empathe, faut-il que je sois aussi borderline schizophrénique ?

Ou peut-être que je n’ai pas de don du tout. Que je ne suis qu’une camée névrotique et mythomane qui croit à ses propres hallucinations… Bref. Me voilà devenue un bout de bois placide.

L’ELASTIQUE

« Coucou chérie, j’ai quartier libre ce soir, je peux venir passer la nuit dans tes bras ? »

J’éclate de rire. Il a de la chance, j’ai retrouvé visage humain après ces quelques jours de crise fibromyalgique aigüe. Encore un peu mollassonne mais globalement mieux.

 

Samedi 21 novembre 2020 # RECONFINEMENT J+23

J’ai un gros élastique autour du poignet. C’est la technique dite associative. L’idée, c’est d’associer toute pensée négative ou pulsion de colère à la douleur physique et permet d’identifier ce qui cloche pour désamorcer sans attendre. Ainsi, dès que je me mets à ruminer, à angoisser, à avoir envie de foutre des beignes, je tire sur l’élastique et aïe !

Bah je dois dire que cela fonctionne pas mal. Ça et la paroxétine qui commence à faire le job, je me sens plus stable, plus ancrée. Et hier soir a été le test grandeur nature. Je vais donc m’auto-congratuler parce que je suis fière de moi : j’ai été d’une zénitude exemplaire ! Et fait surprenant, c’est que je ne me suis pas forcée et je n’ai absolument pas fait semblant.

Simplicité, sérénité totale, joie non-dissimulée… Un moment incroyable.

Alors, était-ce aussi parce que Bradley était léger et guilleret que j’ai épousé son humeur ? Allez hop, un coup d’élastique aïe aïe !!! Non, je dis ça parce que jeudi soir, quand il m’a appelée, je lui ai parlé de mon TPB. Je n’en avais pas l’intention mais encore une fois, je n’ai pas pu faire autrement que d’attirer l’attention sur moi. En raccrochant, je me suis dit qu’il n’avait peut-être pas saisi l’ampleur du merdier.

–  Tu te rends compte que je suis en train de te dire que je souffre d’une maladie mentale ?

–  Mais tu vas t’en sortir.

–  Je vais me battre, oui, pour apprendre à le gérer mais cela me suivra à vie.

–  Le principal, c’est que tu te sentes bien.

–  Je pense que tu ne saisis pas.

Bref. Je me suis dit alors « Et allez, encore un boulet dans ma besace, et un mastoc ! Il comprend rien et il va vraiment finir par trouver ça trop lourd pour lui… » et j’ai commencé à mouronner. J’en suis venue à conclure que dans mon état actuel, je devais peut-être éviter tout élément perturbateur, lui en tête. Qu’il était devenu toxique pour moi. Qu’il fallait que je me sèvre quelques temps pour retrouver un semblant de sanité.

« Dis-toi que tu ne seras pas seule. » Je n’ai pu que répondre par un hoquet sarcastique. Le lendemain matin, j’ai mis mon élastique.

Je ne comprends pas trop le cheminement de Bradley, encore moins le mien mais, et c’est très étrange, je m’en moque. Il y a peut-être de l’espoir pour moi, finalement.