JOURNAL   Saison 7

NENETTE, JE T’AIME

« Hello, je suis désolé de me montrer si lointain et silencieux mais j’ai juste envie/besoin d’être seul… Quelques temps… »

La réponse de Bradley ce matin au texto que je lui ai envoyé hier soir, lui disant que je savais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas et qu’il faudrait peut-être qu’on en parle.

 

Lundi 7 décembre 2020 # DECONFINEMENT PRESQUE J+10

J’étais partie ce matin pour l’appeler. Mais j’ai eu un doute, j’ai donc appelé Nénette en premier. D’abord, les faits.

Bradley est reparti de chez moi il y a une semaine en fin d’après-midi. Pas d’appel le soir, normal. Il m’a appelée le lendemain vers midi mais j’ai loupé son appel, trop occupée à faire mon ménage, mon casque sur les oreilles pour danser entre deux coups de plumeau. Il me rappelle plus tard, agressif : « Ah quand même, tu décroches cette fois-ci ?!! » Bref, on a parlé de choses et d’autres, notamment de sa conversation avec son ex-femme au sujet de la garde de leurs enfants.

Conversation moins houleuse que prévue au final. Je lui demande s’il lui a annoncé ses dates de mission, il me répond que non, qu’il préfère qu’elle se fasse à l’idée d’abord avant de lui donner des dates butoir. Je me suis dit : « Déjà qu’elle te tacle pour un jour, si tu veux qu’elle accepte, faudrait peut-être lui dire en amont pour qu’elle s’organise, non ? C’est aussi, je trouve, très irrespectueux. Bon, il semblerait qu’il n’y a pas qu’avec moi qu’il soit comme ça… »

Le soir, je n’avais pas spécialement envie de lui parler. Je ne sais pas, quelque chose dans son ton avant de raccrocher, sa façon de me dire « Prends soin de toi, à plus tard. » alors je lui ai juste envoyé un texto tout mimi pour lui souhaiter bonne nuit. Pas de réponse.

Le lendemain, on ne s’est pas appelé et je lui ai juste envoyé le soir un autre texto, mimi là encore, pour lui souhaiter bonne nuit. Et pas de réponse. Donc jeudi matin, je l’ai appelé. Il n’a pas décroché. Je lui envoyé un texto lui demandant s’il allait bien. Pas de réponse. Je l’ai rappelé un peu plus tard et sur un ton un peu tranchant, il m’a répondu qu’il courait partout, qu’il était débordé, en retard pour un rendez-vous avec sa pote et qu’il me rappelait. OK…

Il m’a rappelée vendredi soir. On a là encore parlé de choses et d’autres. Des soucis avec sa future ancienne boîte pour sa rupture conventionnelle qui, pour une chicanerie procédurière, sera finalement un licenciement pour faute etc. Et moi, là, je lui ai parlé de moi. De mes récents cauchemars, du fait que je n’avais pas de réponses pour le boulot, que ça commençait à me soûler, que j’avais fait pour la première fois le Black Friday en ligne blablabla…

Une conversation, et pas un monologue de sa part, simple et anodine comme on en a déjà eues des dizaines lui et moi. Sauf qu’elle s’est terminée sur ses mots qui m’ont faite tiquer quand j’ai raccroché : « Bon, ma belle, je vais te laisser, je suis crevé, ciao ! » WTF ?!! Je suis sa pote ?!?!!!

Bref. Samedi, pas d’appels ni de textos de part et d’autres. Et dimanche, hier donc, pareil. Il était censé déposer ses enfants en début de soirée mais je savais pertinemment que je ne le verrais pas pour autant. Et au fur et à mesure de la journée, j’ai senti gonfler en moi une angoisse sourde. Malgré que je me sois copieusement flagellée à coups d’élastique, cette angoisse n’a fait qu’amplifier jusqu’à ce que je lui envoie un texto à 21.20.

 

Nénette est furibarde à ma place.

–  Mais c’est quoi ça ?!! On ne répond pas au texto ?!! Ça prend deux secondes « J’suis occupé, je te rappelle, bisou. » il a bien le temps de faire pipi, de faire caca, de boire un café alors un texto… Bref, je ne supporte pas ça ! C’est quoi, ce silence-radio, hein ?! Il ne peut pas te laisser mariner comme ça et te mettre dans la tronche que c’est toi qui est chiante à te poser trop de questions !

 –  Je suis bien d’accord… Je ne vois que deux hypothèses : soit il s’est rendu compte que nous deux, ça n’irait pas plus loin et il ne s’est pas comment me le dire, soit bah il a lu mon blog… Là, j’allais l’appeler car même si c’est clair, j’ai besoin qu’il me donne une explication.

 –  Surtout pas ! Tu vas lui redonner le pouvoir et tu vas passer pour la harceleuse qui a de sérieux problèmes alors que clairement, c’est lui qui en a un ! Tant mieux s’il a lu ton blog, comme ça il saura ! Non, moi je serais toi, je laisserai mourir le truc. S’il te rappelle, tu verras mais bon, lâche l’affaire pour l’instant, tu as mieux à faire que de l’attendre.

 –  Tu as raison.

 –  Je ne sais pas à quoi il joue mais c’est limite du sadisme. Comme s’il voulait te faire payer quelque chose, il sait qu’il a prise sur toi et quelque part, ça lui fait du bien de te faire souffrir. Même s’il le fait inconsciemment.

 –  Oui, je pense qu’il n’a toujours pas digéré sa rupture. Moi, son ex-femme, c’est lui qui nous a quittées mais avec elle, c’est lui qui s’est fait jeter pour la première fois de sa vie. Une sacrée claque pour son égo ! Du coup, moi je suis arrivée juste après, en pleine remise en question et comme il ne sait plus trop comment être dans une relation et, je dois le reconnaître, avec les problèmes que j’ai provoqués, bah il me fait morfler.

 –  Il a peur de souffrir et de s’ouvrir à une nouvelle relation. C’est pour ça qu’il s’accroche éperdument à ses projets en solo car qui dit nouvelle relation veut dire projets en commun et si ça s’arrête, il a peur de ne plus rien avoir à lui ensuite. 

–  Comme quoi, depuis le début ou presque, je t’ai dit qu’il y avait quelque chose qui clochait, un truc que je ne sentais pas. Il y a eu un moment peut-être au tout début où cela aurait pu marcher entre lui et moi, peut-être qu’on a juste loupé le coche et puis c’est tout, non ?

 –  C’est sûr que là, ce n’est pas le bon moment pour vous deux. C’est pour ça, fais ta vie, laisse passer de l’eau sous les ponts et dans quelques temps, tu verras, peut-être qu’il sera mieux et toi aussi, peut-être que vous serez prêts. Ou peut-être que tu n’auras plus envie.

 –  Je ne sais pas si je peux faire ça, de lâcher l’affaire ‘temporairement’… J’aurais plutôt tendance à vouloir tourner la page pour de bon et pour ça, j’ai besoin d’une explication de sa part. Je suis jusqu’au-boutiste, tu sais, avec mon TPB, tout blanc ou tout noir…

 –  Non, ne mets pas tout sur ton trouble, tu es comme ça, c’est tout !

 –  Si si, c’est important pour moi de réfléchir sur mes mécanismes à la lumière de ce trouble, maintenant que je l’ai accepté. Ça me permet de prendre du recul et de discerner ce sur quoi je dois travailler. J’ai entendu tout ce que tu m’as dit et c’est réellement très pertinent. Quelque part, c’est ce que j’ai envie de faire. C’est pour cela que de différencier ce qui relève de mon TPB de ce qui relève de ma volonté propre est primordial.

 –  Je comprends. Mais garde à l’esprit que ce n’est pas toi qui as un problème, c’est lui. Alors, sa rupture, d’accord mais pas que, il a aussi des problèmes comportementaux énormes, d’après ce que tu me dis. Je ne sais pas comment tu fait pour supporter ça, moi, ça n’aurait pas traîné ! Tu as une de ces patiences !

 –  Bah, plus trop aujourd’hui, quoi.

 –  Et c’est légitime ! Non mais oh, c’est quoi de se pointer systématiquement avec deux heures de retard, il croit que tu n’as que ça à faire que de poireauter ?! Tu ne peux rien prévoir, même le moindre repas devient un jeu du chat et de la souris ! Et t’occulter comme ça quand tu es à côté de lui, franchement, ce n’est pas du foutage de gueule ?!!

 –  Mais j’avais qu’à lui dire que ça me gonflait. Je pense que je n’avais pas envie de déclencher la 3ème guerre mondiale.

 –  Surtout qu’il t’aurait renvoyée dans tes buts en te faisant passer pour une mégère intransigeante ! Maintenant, je pense que tu devrais lui dire, gentiment si tu peux.

 –  Lui dire quoi ? Que c’est un sale con ?

 –  Euh non hahaha quoique… Non, lui dire que tu trouves irrespectueux ses retards systématiques et le fait qu’il te zappe quand tu es à côté de lui.

 –  Je lui ai déjà dit.

 –  En fait, Monsieur ne veut aucune contrainte, aucun ordre. Il veut une liberté totale. Mais liberté ne veut pas dire muflerie. Construire une relation, c’est d’abord le respect. De soi mais aussi de l’autre. Et là, clairement, il n’en a pas pour toi. Comme tu peux lui dire que ce n’est pas agréable de sentir qu’il ne s’intéresse pas à toi alors que toi, tu es à son écoute avec une patience d’ange. Donc si cela ne marche que dans un sens, bah dis-lui que ça ne te va pas.

 –  Plus j’y pense, plus je me dis qu’il est comme ça, en fait. Que ce n’est pas de mon fait. Regarde, avec ses enfants et l’armée, je sais qu’il a mauvaise conscience, que son ex-femme se fait un devoir d’alimenter en bourrant le mou aux enfants « Papa préfère aller à l’armée plutôt que de s’occuper de vous ! » mais il part du principe que l’armée lui fait du bien en ce moment et que s’il est bien, tout le monde autour de lui le sera aussi, ses enfants en premier…

 –  C’est d’un naïf et d’un égocentrisme ! Les pauvres gamins !

 –  C’est bien ce que je pense aussi. Ce que je veux dire, c’est que son trip égocentrique à ne faire et ne vouloir que des choses qui lui font du bien en repoussant toute obligation, toute entrave va bien au-delà de moi. Donc, même s’il ‘va mieux’ dans quelques temps comme tu dis, je ne suis pas sûre qu’il ait la volonté de changer quoi que ce soit chez lui, en tout cas, vis-à-vis de moi…

 –  Oui, bon, c’est pour ça, laisse pisser. Tu verras bien.

 

Là-dessus, je reçois le texto de Bradley disant qu’il a besoin d’être seul, je le lis à Nénette.

–  Ah bah quand même ! Bon alors, qu’est-ce que tu ressens ?

 –  Je ne sais pas trop. Je lui réponds ou pas ?

 –  T’as envie ?

 –  Tu lui répondrais quoi, toi ?

 –  « OK.»

 –  C’est ce que je pensais. Je reste néanmoins sur ma faim car j’ai toujours besoin d’une explication. Je sais que mon TPB, ouais encore lui, me pousse à en faire une fixette et j’ai peur de ne pas pouvoir débrayer…

 –  Il te manque, là ?

 –  Je serais bien incapable de te répondre…

 –  Ne le relance pas, il n’a peut-être pas d’explications lui-même. Ça risque de tourner en eau de boudin et je pense que tu n’en as pas besoin.

 –  Bon allez, tu as raison. Je vais lâcher prise, je vais travailler ce sur quoi je peux travailler et je vais penser à autre chose. Et je verrai bien.

 –  N’oublie pas surtout : ne te dévalue plus, fais-toi du bien et refuse tout ce qui te fait du mal. Bradley est devenu toxique pour toi donc stop. Retrouve-toi.

 –  C’est ce que j’avais commencé à faire quand il est parti en mission. C’est son revirement tout amouraché d’alors et qui plus est celui d’aujourd’hui à 360° qui me perturbe autant.

 –  On le serait à moins. Tu vois bien que ce n’est pas toi qui as un problème.

 –  C’est vrai… Tu sais quoi ? Bah je me sens soulagée. Déjà, de te parler, d’entendre et de verbaliser tout ce que j’avais sur le cœur, ça m’a fait un bien immense ! Merci un milliard de fois !!!

 

QU’EST-CE QUE JE T’AIME, MA NENETTE !!!

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