JOURNAL   Saison 6

L’ELASTIQUE

« Coucou chérie, j’ai quartier libre ce soir, je peux venir passer la nuit dans tes bras ? »

J’éclate de rire. Il a de la chance, j’ai retrouvé visage humain après ces quelques jours de crise fibromyalgique aigüe. Encore un peu mollassonne mais globalement mieux.

 

Samedi 21 novembre 2020 # RECONFINEMENT J+23

J’ai un gros élastique autour du poignet. C’est la technique dite associative. L’idée, c’est d’associer toute pensée négative ou pulsion de colère à la douleur physique et permet d’identifier ce qui cloche pour désamorcer sans attendre. Ainsi, dès que je me mets à ruminer, à angoisser, à avoir envie de foutre des beignes, je tire sur l’élastique et aïe !

Bah je dois dire que cela fonctionne pas mal. Ça et la paroxétine qui commence à faire le job, je me sens plus stable, plus ancrée. Et hier soir a été le test grandeur nature. Je vais donc m’auto-congratuler parce que je suis fière de moi : j’ai été d’une zénitude exemplaire ! Et fait surprenant, c’est que je ne me suis pas forcée et je n’ai absolument pas fait semblant.

Simplicité, sérénité totale, joie non-dissimulée… Un moment incroyable.

Alors, était-ce aussi parce que Bradley était léger et guilleret que j’ai épousé son humeur ? Allez hop, un coup d’élastique aïe aïe !!! Non, je dis ça parce que jeudi soir, quand il m’a appelée, je lui ai parlé de mon TPB. Je n’en avais pas l’intention mais encore une fois, je n’ai pas pu faire autrement que d’attirer l’attention sur moi. En raccrochant, je me suis dit qu’il n’avait peut-être pas saisi l’ampleur du merdier.

–  Tu te rends compte que je suis en train de te dire que je souffre d’une maladie mentale ?

–  Mais tu vas t’en sortir.

–  Je vais me battre, oui, pour apprendre à le gérer mais cela me suivra à vie.

–  Le principal, c’est que tu te sentes bien.

–  Je pense que tu ne saisis pas.

Bref. Je me suis dit alors « Et allez, encore un boulet dans ma besace, et un mastoc ! Il comprend rien et il va vraiment finir par trouver ça trop lourd pour lui… » et j’ai commencé à mouronner. J’en suis venue à conclure que dans mon état actuel, je devais peut-être éviter tout élément perturbateur, lui en tête. Qu’il était devenu toxique pour moi. Qu’il fallait que je me sèvre quelques temps pour retrouver un semblant de sanité.

« Dis-toi que tu ne seras pas seule. » Je n’ai pu que répondre par un hoquet sarcastique. Le lendemain matin, j’ai mis mon élastique.

Je ne comprends pas trop le cheminement de Bradley, encore moins le mien mais, et c’est très étrange, je m’en moque. Il y a peut-être de l’espoir pour moi, finalement.

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