JOURNAL   Saison 9

UNE NUIT DE CONFIDENCES

« Mon petit canard, tu as raison, quelle nuit ! Je sais, ça prête à confusion mais je n’ai pas de termes plus appropriés ! En tout cas, je suis contente que notre amitié ait pris un tour nouveau, comme quoi, Samuel-James et Andy ne sont peut-être pas si fictifs que ça… Et donc maintenant, je peux être ta BFF hahaha, n’hésite pas, Yang, des bizzzz !!! »

Réveil tardif et douloureux ce matin, après une longue nuit copieusement arrosée. Et avec la sensation d’avoir comme un nouvel ami.

 

Jeudi 11 mars 2021 # BIENTÔT LE PRINTEMPS ??? J-11

Yang m’a appelée hier pour me demander s’il pouvait passer me voir après le boulot, ce que je me suis empressée d’accepter, impatiente que j’étais qu’il me raconte sa première semaine dans sa nouvelle boîte, celle à 800 mètres de chez moi. Impatiente tout court de catch-up avec mon buddy.

Alors ça, pour se donner des nouvelles, on s’en est données ! Des pies jacasses et soiffardes jusqu’à 5.00 du mat. Notamment parce qu’à un moment, j’ai lancé : « Allez, cut the crap et balance, dis tout à Tata Yang ! »

Et il s’est ouvert comme la Mer Rouge sous la main de Moïse. Du coup, moi aussi. On en est venus à parler de trucs dont je ne parle habituellement qu’avec Nénette, c’était un peu étrange je dois dire. Je m’attendais à ce que cela soit le cas pour lui aussi et que cela finisse par le mettre suffisamment mal à l’aise pour couper court à cet épisode de Sex & The City version hard-core.

Mais non. Il était, au contraire, extatique de pouvoir se livrer comme ça. Et c’est vrai, ça fait du bien de se confier sans crainte d’être jugé.

– Tu dis que de ne rien envisager avec moi t’ouvre un horizon avec un champ des possibles illimité. Moi, je dis que notre histoire en pointillés m’a menée dans une impasse avec un mur devant moi. C’est normal que je recule, non ?

Tu dis que tu as toujours su que tu allais finir ta vie délaissé de tous mais ce n’est pas une fatalité, c’est ton choix si tu ne fais rien pour construire une relation. Et une relation, ça se construit à deux. Tu es obligé d’intégrer les désirs, les attentes, le ressenti de l’autre. Tu dis je suis comme ça, je ne changerai pas, à prendre ou à laisser, quoi. Bah, guess what…

Tu te protèges de la souffrance que tu as connue depuis ton enfance. Tu veux te sentir désiré, voulu, incontournable et le rejet t’est insupportable. Tu dis d’ailleurs que c’est moi qui t’ai rejeté il y a 20 ans mais je te rappelle que c’est toi qui es parti ! Et tu me reproches de ne pas t’avoir rattrapé ?! J’ai souffert le martyre au point d’en faire un break psychotique, comment peux-tu me reprocher de ne pas t’avoir couru après ?!

Ton ex t’a quitté en te disant que tu étais un mec génial, le meilleur qui soit mais que ses sentiments n’étaient plus assez forts pour envisager l’avenir avec toi. Moi, c’est le contraire : tu es l’opposé du mec idéal, a pain in the ass force 12, et pourtant j’ai des sentiments pour toi, ça te dit quoi ?

Tu ne voulais plus faire de plans sentimentaux et ne plus t’engager, tu disais que c’était la meilleure solution pour que cela dure. Mais ta relation était avec ton ex comme elle l’est avec moi, ce que j’appelle en pointillés, tu vois bien que cela ne fonctionne pas non plus.

Et pour en revenir à une conversation que l’on a eue il y a quelques mois, si je ne suis pas pour toi un tant soit peu une priorité, si tu ne parviens pas à faire en sorte que l’on partage quelques instants privilégiés dans ton agenda de ministre surbooké, je me dis que cela ne sert pas à grand-chose, que nous deux n’est qu’une chimère et que je préfère être seule au final.

–  Tu as dit tout ça à Bradley ?!!

–  A peu près, oui…

–  Et donc ?

–  Bah là on ne va pas se voir pendant un mois, on fera le point à son retour. Mais bon, j’ai l’impression que le point est déjà fait.

 –  Et tu te sens comment ?

 –  Bah pas si mal que ça, en fait.

 –  Ha ha ha ! Nous, les Yang, quand on se rebelle, on n’y va pas de main-morte !

 

Ensuite, on s’est fait une séance de tarots divinatoires, incroyable pour cet ultra-cartésien de Yang qui m’a toujours renvoyée dans mes barres à ce sujet. J’en suis d’ailleurs restée comme deux ronds de flan devant son intérêt non-feint et ses exclamations de stupeur lorsque je retournais les cartes. J’en ai profité, je lui en ai fait manger de la divination, par hectolitres et cela ne lui a pas défrisé la moustache pour un sou !

Je l’ai vu alors sous un jour nouveau. C’est toujours mon Yang, mon frangin, mon alter-ego mais un personnage inconnu s’est comme glissé en lui hier soir, lui conférant alors une toute nouvelle dimension à mes yeux. J’ai réalisé que je pouvais être désormais sa confidente, autant qu’il pouvait être le mien.

Ça peut paraître tomber sous le sens lorsqu’on est des alter-ego mais ce n’était pas le cas jusqu’à lors, on ne confiait pas l’un à l’autre, ou alors superficiellement. Hier soir, la connivence que l’on a atteinte a permis de se connecter tous les deux sur un tout autre niveau qui, même s’il était naturel que cela découle un jour de notre amitié, est autant excitant que perturbant.

D’où ma référence aux deux personnages principaux de mon roman sur lequel on a par ailleurs beaucoup travaillé hier soir aussi. Oui, Samuel-James et Andy, frère et sœur jumeaux qui ont une connexion entre eux quasi surnaturelle. Car bien sûr, c’est Yang que j’ai chargé de se glisser dans la peau de Samuel-James…

« … Andy est traductrice en free-lance et peut travailler de n’importe où dans le monde en gérant son temps comme elle l’entend. Mais lui, son temps libre relève très souvent de l’anecdote. Il parvient tout de même à en dégager lorsque sa sœur vient le voir, mais certainement pas assez. Du coup, il a mauvaise conscience. Et il est vrai qu’un petit voyage lui ferait le plus grand bien.

– Dida, ça te dit qu’on aille enfin sur l’Île des Etats ?

Il voit alors le regard de sa sœur s’illuminer. Il n’en faut pas plus pour le rendre heureux. D’une joie profonde et sincère. Cela le ramène presque dix ans en arrière lorsqu’il a dû la quitter pour entrer au MIT. Il se rappelle très bien de ce qu’il a ressenti, de ce qu’ils ont tous les deux ressenti. Le déchirement de se séparer pour la première fois de leur vie les a littéralement fait suffoquer.

Une blessure viscérale si vive qu’Andy s’est alors enfuie au bout du monde, laissant Samuel-James, désemparé, se jeter dans un abîme de culpabilité. De longs mois durant, elle est restée muette, puis elle a donné quelques nouvelles succinctes, disant en substance qu’elle avait besoin d’une solitude extrême, loin de tout repère pour cautériser la plaie.

Tous les deux ont mis un certain temps avant de se réapprendre, de récréer leur bulle. Avant, leur entente était inéluctable, indestructible, incorruptible. Des complices sur un simple regard. Ils avaient également leur propre langage, une combinaison complexe d’onomatopées et de chiffres qu’ils ajoutaient à la fin de certains mots, des mots choisis selon un algorithme connu d’eux seuls, et ils poussaient parfois le vice jusqu’à épeler des phrases entières à l’envers dans un mélange de français et d’anglais… »

 

17.15. Suis toujours en pyj. Ma gueule de bois est partie, mon goût pour l’apprêtement aussi. Je vais faire un roulé-boulé sur la banquette, une bonne tisane détox et je vais bien trouver une série à la noix devant laquelle je vais pouvoir perdre ce qui me reste de neurones.

Ce week-end, je vais voir Toto en coup de vent. Je sais pas, depuis l’histoire de la caravane avec moi dedans sur son terrain, j’ai l’impression que lui et ma belle-sœur rechignent à me recevoir. Va falloir que je tire cela au clair avec eux. La caravane, c’était plutôt une joke, même si ça m’a fait plaisir de voir qu’on ne me laisserait pas dans la merde demain si ça devait arriver. Bref.

Et pis tout le frusquin VAE-SAP-formation, bah je m’y mets dare-dare dès lundi.

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