JOURNAL   Saison 6

JE NE SUIS PAS UN SYLLOGISME

“… An unknown chapter lies ahead. But for now, for the first time, I look into the light with new hope…”

That can’t be closer to what I am feeling today. A new era has arisen in me, still mysterious but so much welcome. Many things have yet to come together but I know one thing: nothing will never be the same anymore.

 

Dimanche 15 novembre 2020 # RECONFINEMENT J+17

J’ai retrouvé celle que j’étais en 2011, juste après mon divorce d’avec Sean. Je me suis retrouvée seule et heureuse de l’être, à faire les choses pour moi comme je l’entendais. J’avais mon boulot, certes alimentaire mais qui me permettait d’être indépendante financièrement, je sortais, je voyais mes amis, je faisais de la musique, je voyageais beaucoup…

Une vie banale mais qui m’allait bien. Je me souviens même avoir eu un moment de clarté absolue où je me suis dit « Purée, je kiffe ma life ! Je suis parfaitement en phase avec moi-même. »

Il y avait bien Walter en filigrane mais j’assumais mon célibat de fait avec joie finalement, m’octroyant quelques aventures par-ci par-là car j’aimais bien l’amazone en moi.

J’avais de plus eu la révélation de mon don et cette lumière qui ne me quittait pas… Bref, je crois que j’étais enfin heureuse et bien dans ma peau.

Je veux être celle-là à nouveau. Parce que c’est mon vrai Moi. Solide, sérieuse mais avec un grain de folie. Terre-à-terre et fantasque. Pragmatique et énigmatique. Solaire et lunaire. D’aucuns diraient que je ne suis qu’une grosse contradiction, une girouette permanente… Il y a bien un mot qui me vient à l’esprit mais j’ai dépassé la rébellion adulescente : je me fous de ce que l’on peut penser de moi, j’assume.

Cette ambivalence, ces contrastes, ces paradoxes me font toute entière. Je m’en sens riche et fière. Je ne suis pas un syllogisme. Rien ne me déduit. Tout me définit.

Vendredi, cela m’a sauté aux yeux. Ce point de vue extérieur sur mon parcours professionnel a fait se révéler une grande richesse et donc une force que je devais mettre en avant en liant ce que je croyais disparate en un tout homogène et fondé.

Je suis proactive, passionnée, intense, vive, prolixe. Je suis aussi réfléchie, pondérée et je sais faire preuve de raisonnement. Mon parcours professionnel reflète exactement ma vie et ce que je suis intrinsèquement : autodidacte, atypique, à ma juste place dans ce monde mais revendiquant le droit de marcher hors des sentiers battus.

J’aime les guitares andalouses, les violons yiddish, les Möttenten de Bach, les basses profondes et les boom-boom, les solos de batterie comme des rafales de l’Apocalypse, le gospel, les motherfucker et les fuck you qui ponctuent le heavy-metal…

J’aime le style gothique, dark, je le trouve esthétique. J’aime aussi la sérénité des murs blanchis à la chaux et le bleu électrique de la mer au large de Mykonos, j’aime l’épuré et la sobriété de certaines architectures comme j’aime le baroque, le surchargé d’histoire, j’aime la résilience des très vieilles pierres et l’éphémère des fleurs coupées…  Ma complexité. Ma richesse.

Je n’ai pas besoin de me réaliser à travers de mon boulot. Je comprends que ce soit la recherche de beaucoup de gens qui pousse ces derniers en cas d’échec à trouver un autre sens à leur vie, mais moi, ce n’est pas le cas. Je viens de comprendre ça.

Aussi, avoir un job rébarbatif ou vide de sens, ça me va, parce que je sais que je peux m’épanouir en dehors. J’aime le vin, la musique, j’aime sortir, partager, voyager au bout du monde, j’écris, je danse, je chante, je bulle et je contemple.

A vrai dire, c’est un équilibre que je sais maîtriser à la perfection, qui m’a accomplie dans le passé et qui sans nul doute m’accomplira de nouveau. Je veux me réaliser au travers d’une vie-patchwork dont j’étreins chaque élément. C’est clair pour moi aujourd’hui.

Donc, mon objectif n°1 : retrouver un boulot ici à Paris. Rien de folichon peut-être mais juste un boulot. Ça me permettra de me changer les idées, de me focaliser sur autre chose, de rencontrer des gens nouveaux, même si c’est des cons, je m’en fiche, et ultimement de retrouver ma place dans la société. Une certaine utilité.

Bon, je ne dis pas que je suis sûre de trouver un job sous quinze jours, un mois, six mois, il se peut que ma motivation et mon CV flambant neuf sur lequel je vais m’atteler très vite ne suffisent pas. Mais je me reposerai des questions à ce moment-là.

Chaque chose en son temps. Là, j’ai envie de me lever tôt et d’être à la bourre quand même, j’ai envie d’avoir un planning, d’être débordée, j’ai envie d’aller faire des happy-hours avec des collègues idiots aux vies idiotes, envie de refaire partie d’une meute, d’un clan et d’être idiote moi aussi 5 jours sur 7 de 9.00 à 18.00. Enfin, un peu plus tard, avec l’happy-hour.

Alors, pas ad vitam aeternam, peut-être… Le temps de murir mon projet.

Comme celui de me mettre au vert à la campagne. J’ai vraiment envie d’un retour à la terre, à des choses simples et sans artifice. Mais le projet que j’en avais jusqu’à lors n’était ni plus ni moins qu’une fuite, qu’un désistement, qu’un enterrement en bonne et due forme. Si cela doit se faire, je veux que ce soit quelque chose qui se formalise en moi avec envie et sans faux-semblants.

Ou les USA. Je tiens à creuser cette option. Besoin d’aller au bout du truc. Sinon, je vais encore rester sur de l’inachevé qui va me rendre amère et c’est tout ce que je ne veux pas.

Mon don, aussi. J’ai besoin de savoir ce que je peux en faire. Concrètement.

Tout ça doit mûrir en moi. Voir si l’un ou l’autre émerge en moi comme un impératif. Ou aucun. Je vais peut-être découvrir que je n’ai besoin d’aucun d’eux pour être heureuse. Mais peu importe la conclusion, le cheminement doit avoir lieu. C’est un projet en soi.

Bref, un gros chantier m’attend. J’ai un peu peur, j’avoue, mais j’y vais.

Je sais par quoi je suis passée. J’ai eu la vision très claire de la globalité de mon parcours, de tout ce qui m’a menée à ce que je suis aujourd’hui. Ou en passe de le devenir. De me sentir renaître est une sensation fantastiquement géniale et flippante à la fois mais « Nothing good comes easy »

Pas pour rien que j’ai un phénix géant tatoué dans le dos !

 

En parlant de cramage de plumes, Bradley est bien passé hier après-midi. Quelques heures pendant lesquelles on a pu discuter. Déjà lui, il s’est lancé d’entrée de jeu dans un déballage presque compulsif de tout ce qui l’occupait en ce moment à l’armée et moi je l’ai écouté sagement. Pas de tension, c’était même assez naturel.

Puis, on a parlé de choses et d’autres, de ses enfants, des projets qui prenaient forme en lui. Je lui ai reparlé de mes tarots divinatoires et de la carte Les Parents que j’ai tirée à plusieurs reprises le concernant. Importance du foyer, des fondations… Il est en train de poser quelques-uns de ses piliers fondateurs.

On lui a notamment proposé un job sur Paris qui lui permettra d’envisager tranquillement son projet de campagne tout en gardant son appart ici et la garde alternée de ses enfants le temps qu’ils soient à peu près autonomes. Il a aussi trouvé la voiture de ses rêves, un truc complètement fou mais qui lui correspond parfaitement. Ça paraît puéril mais pas tant que ça, en fait.

Enfin et surtout, il sait qui il est. Un fils de paysan qui rêve d’avoir la vie simple et tranquille de son père. Et il va tout faire pour. Le voilà qui pose ses valises. C’est bien. Je ne peux que m’en réjouir pour lui.

Et le temps d’une ‘pause’ avec une cigarette à la fenêtre, il s’est exclamé :

–  Je ne pensais pas qu’on allait parler autant !

–  Que TU allais parler autant ha ha ha ! ai-je répliqué en riant

–  Ah ? Tu attendais que je me taise pour enchaîner ?

–  Pas du tout ! Je t’ai tout dit par téléphone hier, je te signale. Pas idéal mais puisqu’il n’était pas dit qu’on se voit… Bon, maintenant, oui, si tu veux, je peux te faire un replay.

« Toi et moi, un mois et demi dans les faits. Cela paraît bien plus long mais parce que c’était dense et intense. Un mois et demi… on peut dire que c’étaient nos prémices, non? Maintenant, se recaler pour repartir, pourquoi pas. Disons que j’ai envie de voir venir, de laisser les choses se faire si elles doivent se faire. J’ai assez de sentiments pour toi pour essayer. 

Mais si tu restes sur le cauchemar de ces derniers jours, je voudrais juste remettre les choses dans le contexte. Tu es arrivé dans ma vie au moment où j’étais pulvérisée, complètement perdue après le décès de ma mère. Et bien sûr, celle qui a pris le dessus, ça a été celle qui souffrait, la dark, la torturée, la psychotique. Cela a donné ce que tu as vu et pris en pleine figure avec en point d’apogée ces derniers jours. Pardon pour le mal que j’ai pu te faire. 

A ma décharge, il y a le Stillnox que je consomme comme des tic-tacs depuis 2 mois. Je ne vais pas te lire la notice entière mais quelques effets secondaires indésirables, par pour me défausser mais pour que tu comprennes que tout n’est pas entièrement de ma faute  : hallucinations, agitation, confusion, cauchemars, dépression, comportement anormal, troubles de la conscience, délires, fixations… 

Sache que j’ai commencé à diminuer les doses et j’ai bon espoir d’arriver à décrocher. Sache aussi que j’ai décidé de changer. En tout cas, de me battre pour changer certaines choses en moi. Parce que je ne peux plus fonctionner comme ça. Je ne peux pas avoir tout sur la table et continuer de détourner le regard. Cela voudrait dire que je m’enterre sciemment. C’est l’option la plus facile pour moi. Mais j’ai choisi l’option hard-core. Pour m’aider, j’ai retrouvé celle qui était heureuse et bien dans sa vie, quelque part je sais que je suis entre de bonnes mains. Je lui fais confiance, fais-lui confiance aussi. 

Je le fais pour moi. Si c’est compatible avec toi, bah tant mieux, sinon tant pis, moi j’aurais avancé. « 

Il m’a demandé alors si je me rendais compte que son plan de vie ne m’incluait pas. Pas un scoop pour moi. Je lui ai répondu que le mien non plus. Que nos plans respectifs avaient de grandes similitudes mais que nulle part c’était écrit qu’ils devaient se croiser, encore moins se fondre en un.

Peu importe, en fait. Chacun a besoin de faire sa vie pour lui-même d’abord. Il en était déjà convaincu, je le suis aujourd’hui. Pour la première fois, on est en phase, lui et moi. C’est drôle que ce soit pour se séparer.

C’est vrai, j’ai embrassé sa vision. J’ai compris qu’il valait mieux vivre les choses plutôt que de les anticiper sinon, on passe à côté. Qu’autre chose peut naître, ou pas, mais que les questionnements sont inutiles, voire nocifs.

Il y a encore des choses que je ne sais pas à propos de lui, à propos de nous, si même il y aura un ‘nous’ mais je crois bien que je m’en fous. Lors du dernier tirage de cartes que j’ai fait à notre sujet il y a quelques jours, la carte symbolisant l’évolution de notre relation a été L’Aventure… Cela ne peut être plus parlant !

Il m’a demandé aussi comment je vivais le fait qu’il y ait très peu de chances maintenant que j’aie un enfant, comment je le vivais en tant que femme. Je ne sais pas trop. Si je suis enceinte, oui c’est sûr, je n’avorterai pas. Mais je ne ressens toujours pas ce désir d’enfant comme une priorité en moi. Donc j’imagine que je le vis bien.

Lui m’a dit qu’il n’en voulait plus. Ce serait se remettre un fil à la patte dont il préfère se passer. Surtout avec moi. Il ne me l’a pas dit texto mais c’est ce que j’ai senti. Bref, mise en pratique, hasard ou acte manqué, il s’est retiré à la fin lorsqu’on a fait l’amour. Je lui ai demandé pourquoi, selon lui, c’était une envie. J’en doute. J’ai senti alors que de repartir sur notre histoire en prenant ce genre de ‘précautions’ tout en les niant en tant que tel, n’allait pas nous porter bien loin.

Heureusement que je n’en ai plus d’attentes et que j’ai décidé de prendre les choses comme elles viennent.

Oui, on a fait l’amour. In extremis alors qu’il était sur le départ. On n’a pas ‘glissé’ comme le premier soir, lui je pense que c’était parce qu’il avait besoin de savoir s’il ressentait encore quelque chose et moi… bah parce que j’en avais foncièrement envie. Ce qui, apparemment, lui a fait plaisir à ressentir. Il s’est rendu compte que notre entente physique était indéniable et qu’on se plaisait. Cela a semblé l’interpeller et somme toute, lui suffire. A moi aussi, tiens.

 

Quelques heures donc de discussion, certes bénéfique et au final positive, mais qui a pu ressembler, maintenant que j’y repense, à une présentation Power Point, à un exposé, un argumentaire, une campagne de pub, à un prêche ?… C’est ainsi qu’il l’a certainement ressenti mais moi, ce n’était pas mon but. J’ai été on ne peut plus sincère sans aucune part d’ombre, sans chercher à le convaincre, à me convaincre de quoique ce soit.

Il a eu peur en fait que j’aille dans son sens, que je me conforme à sa façon de voir les choses, que je change pour lui en m’oubliant encore une fois. Il a soupçonné un éventuel revirement de ma part dans quinze jours, un mois, six mois quand je réaliserai que ce n’est pas moi.

« Bien sûr qu’il reste des choses que je ne sais pas ! Plein ! Tout ce que je sais aujourd’hui, et tu peux me croire ou pas, peu importe en fait, c’est que je sais qui je suis, en tout cas celle que je veux redevenir et honnêtement, si elle ne te plaît pas, bah tant pis. »

Bizarrement, cela lui a parlé. Même s’il a fallu que je lui arrache un sourire et qu’il a émis encore un doute du style « Ce n’est pas tant ce qu’on dit mais ce qu’on fait qui compte. » il a semblé presque convaincu. J’ai réellement une carrière dans le marketing, moi… Ou le prêche…

Bref. Il est parti sur un « On s’appelle » et son éternel clin d’œil et pis voilà.

 

J’ai l’impression que j’ai tourné une page. J’ai vidé le frigo, de toute façon je ne mange pas en ce moment, j’ai réordonné mon appartement… Je le sens, je suis déjà tournée vers un ailleurs. Un chapitre s’est clos. Un autre s’ouvre. Une ère nouvelle. Inconnue mais bienvenue. Et qui dit ère nouvelle, dit ménage armageddon.

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