12.20. « Hello, j’ai rdv tél avec la mère de mes enfants à 13.30 pour caler leur garde en vue de mon prochain départ. Je te tiens au courant après. »
Moi, je suis en plein rendez-vous avec une conseillère de l’Espace Insertion, la branche Emploi de la CAF qui m’a convoquée. Et je me dis qu’il ne viendra pas à 14.00 comme il me l’a dit hier.
Vendredi 13 novembre 2020 # RECONFINEMENT J+15
Un rendez-vous bien pertinent. J’y suis allée en pensant que ce n’était juste qu’une formalité administrative pour valider la poursuite du versement de mon RSA mais de faire le point sur ma situation au moment où j’ai décidé de me remettre en selle, bah ça tombait à point nommé.
Faut que je remanie mon CV qui n’est pas assez synthétique et accrocheur. Cette conseillère me dit que si, il y a toujours du taf malgré la crise, surtout pour mes compétences mais que mon CV est crucial pour ces logiciels de publication d’offres d’emploi qui fonctionnent par mots-clés.
Je vais donc m’y atteler dès lundi.
14.20. J’ai appelé Bradley, en espérant qu’il ait fini son appel avec son ex-femme. Apparemment, non. Bref, je me dis que ça prend beaucoup de temps pour caler ça mais bon. Et surtout, encore une fois, je me retrouve à attendre qu’il me rappelle.
Je n’ai plus vraiment de doute : il n’a pas envie de venir. Et cela me renvoie 20 ans en arrière, lorsque l’on s’est séparé lui et moi. Plus précisément, quand il est parti. Je ressens exactement la même chose. Lui fuyant au possible et moi frustrée, dans l’incompréhension la plus complète.
En colère aussi. Relative, cela dit. Je ne veux absolument pas retrouver cet état d’amertume et de rancœur qui m’a traumatisée à l’époque. Je me rends compte qu’il était déjà comme ça il y a 20 ans et malgré ce qu’il en dit aujourd’hui et le pardon qu’il m’a demandé, il est resté le même.
Je m’aperçois aussi qu’à l’époque, j’avais déjà ressenti le besoin de l’aider en étant un substitut de cette figure maternelle qui lui manquait tant. Mais bon, j’étais sa femme, pas sa mère. Et face à cet échec inévitable, je me suis dit que certaines personnes ne pouvaient être aidées. Que j’allais me perdre dans un combat perdu d’avance et que cela ne devait pas être mon job.
Aujourd’hui, je fais le même constat. J’ai merdé, certes, cela a certainement précipité les choses sur cette voie-là mais à bien y réfléchir, je pense que c’est lui le problème. Bref. Hier, moi j’ai décidé de changer. Et je vais le faire. Pour moi.
Je trouve simplement dommage que cela se termine en queue de sucette. Avec des non-dits qui pour le coup resteront dans l’ombre pour toujours.
15.10. Allez, perdu pour perdu… « Je crois que je ne t’ai jamais rien demandé jusqu’à lors. C’est dommage que tu n’aies pas cette dernière franchise vis-à-vis de moi. Tu me dois juste ça. »
15.44. Entrer dans les détails me fatigue. Je vais donc retranscrire l’infusion seule de cet appel de Bradley. Je crois qu’il est clair que nous sommes parvenus à un niveau d’incompréhension mutuelle tel qu’il est peut-être vain d’espérer qu’il y ait une suite à notre histoire. Cela dit, comme j’ai envie de croire que les choses ne sont pas écrites dans le marbre, je vais me permettre un peu d’insouciance à ce sujet, roue libre, quoi.
Dans les faits, Bradley récupère ses enfants ce soir mais il essaye de passer me voir demain après-midi. Et ce soir tard, c’est moi qui l’appelle. Et si possible, on essaiera de ne pas en faire un énième coupage de cheveux en quinze-mille-douze.
Je n’ai qu’une alliée : moi-même. Celle que j’ai retrouvée après des années enfermée dans ma prison mentale. Elle m’attendait juste à la sortie. Elle est belle, elle est forte, elle est riche.