JOURNAL   Saison 5

L’ERE DU CHEPA

« Pourquoi il n’y avait pas de musique à la cérémonie ? »

J’ai pensé que le silence était la meilleure option.

 

Lundi 28 septembre 2020

La vérité, c’est que j’aurais dû composer avec mon frère et son inextinguible envie des ultra-pathos « Roses Blanches » et je ne voulais pas imposer mon choix qui aurait été à coup sûr très mal compris : “Killing In The Name” de Rage Against The Machine…

Tout le bruit et la violence en moi à ce moment-là.

Je me souviens qu’en bonne dissidente, Maman aimait Thiéfaine le sulfureux, Lady Gaga pour son excentricité et Offspring pour leurs rifs aux tonalités orientales. C’était une des choses que j’aimais chez elle, sa modernité d’esprit. J’étais fière d’avoir une mère rock n’ roll. Mais bon, « La Fille du Coupeur de Joints », ça le fait moyen pour des obsèques.

J’aurais pu transiger car elle aimait aussi Sydney Bechet, Yves Montand, Brassens, Moustaki, Julio Iglesias, plus écoutables dans les circonstances, la « Lambada » car cela lui rappelait mon père et nos vacances chéries en Normandie mais pas sûr que le crématorium ait eu ça en magasin…

Bref, trop de choix tue le choix, d’où le silence.

 

Samedi, je suis retournée au cimetière et j’ai posé les premiers chrysanthèmes sur la tombe de Maman. C’était dur. Mais pas une larme. Je sais comment faire désormais pour tout contenir sans débordement. Pareil le soir à table chez Toto qui recevait sa belle-famille autour de la première raclette de l’année. Au fil de la conversation, ils se sont tous livrés à cœur ouvert de façon complètement inattendue, ma belle-sœur que je pensais de marbre, en tête. On a parlé de sa mère, de la mienne, les larmes ont coulé… Sauf moi. J’y ai assez droit la nuit donc je suis en rupture de stock la journée.

–  Comment tu fais pour tenir à pas dormir comme ça ?

–  Chépa.

–  Et si tu ne trouves toujours pas de boulot, que vas-tu faire ?

– Chépa.

–  Tu vas quitter Paris ?

–  Chépa.

Voilà. Je suis entrée de plain-pied dans l’ère du chépa. A propos de tout. En roue libre. En désœuvrement total. Heureusement que j’ai le projet du Normandy Beach, il n’y a que ça qui m’anime en ce moment. D’ailleurs, j’y retourne vendredi. J’aurais bien aimé encore une fois marcher sur la plage pour brainstormer avec les mouettes mais ils annoncent une météo d’antéchrist, alors…

C’est vrai qu’il fait froid. Je ne sais pas s’ils ont remis la chaudière en route, tiens, je vais faire un mail au concierge. Et je vais me rouler en boule sur la banquette avec mon plaid et ma bouillote car le grand ménage à la Monk hier a laissé sa carte de visite, j’ai mal absolument partout.

Je pensais que c’était une bonne idée de repartir au propre. Je regrette.

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