« Hello,
Merci d’avoir pris le temps d’échanger avec nous, et toutes mes excuses pour le délai de réponse!
Nous venons de faire une offre à un candidat, qui avait une grande expérience en environnement non structuré. Le poste d’Office Manager n’est donc plus à pourvoir.
Un grand merci pour l’intérêt que tu nous as porté, et peut-être à bientôt! »
Je ne serai donc pas ‘concierge’. J’avais pourtant bien insisté sur le fait que les ‘environnements non-structurés’ étaient justement ma spécialité, mais bon. Au moins, ils m’ont répondu. C’est le jeu, ma pôv’ Lucette.
Vendredi 25 septembre 2020
Je suis déçue. Mais surtout perplexe. Car cette fois-ci, j’étais motivée « tiger style » alors je me demande bien ce qu’il faut de plus. Je suppose que la période vraiment pourave pour les demandeurs d’emploi me décharge pour moitié au moins de mes responsabilités dans cet échec.
Bref. La boîte de Mimine a mis en stand-by ses recrutements, je peux clairement faire une croix sur les offres à l’étranger, quoique j’en ai reçu une cette semaine pour les Emirats Arabes mais je l’ai mise à la poubelle car ce n’est absolument pas mon truc, et bien sûr, pas de retour sur les autres postes pour lesquels j’ai postulé, à part parfois de laconiques « Merci, mais non, merci ».
Donc, retour à pieds joints dans mon marécage.
Les plaques tectoniques ont bien bougé mais c’était pour revenir à leur point de départ. Un faux tremblement de terre, beaucoup de barouf pour rien, quoi. Je ne peux même pas dire que cela m’a fait avancer dans ma tête car je suis autant perdue qu’il y a deux semaines.
J’imagine que mon actuelle détresse émotionnelle n’aide pas à y voir clair. C’est dur, je morfle vraiment. Je prends le contrecoup, le retour de flamme en pleine face. La journée, ça va car je m’occupe l’esprit. Mais quand je vais me coucher, la douleur vient me cueillir et une tornade de larmes s’empare de moi, un déluge qu’aucune de mes tentatives de raisonnement ne peut endiguer.
Je fais aussi d’horribles cauchemars dans lesquels je ne ressens que la violence, la douleur, le tourment, un concentré puant et visqueux de la lie de mon humanité, comme si mon don d’empathie du mal se retournait contre moi. Je me réveille en sueur, pétrie d’une angoisse abyssale. Les images ne s’effacent pas, j’allume la lumière, je vais boire un verre d’eau, je reprends un énième somnifère, je fume une cigarette, je remets la télé, je me rendors et rebelote deux heures après. Et ce, nuit après nuit depuis deux semaines.
Alors, pas de monstres, ni de visions d’horreur comme dans l’Enfer de Dante ni même de course contre la montre dans un labyrinthe sans fin mais je vois Maman sous tous ses aspects négatifs, je vois mon père aussi lorsqu’il était grabataire et délirait tel un dément, des fantômes du passé ressurgissent, des gens auxquels je n’ai pas repensé depuis une éternité qui viennent en procession lourds de reproches, chacun comme je l’ai connu sans l’exubérance que parfois les rêves confèrent, avec au contraire une redoutable précision et une authenticité désarmante.
Toute la vase remonte à la surface, des choses que je pensais avoir enterrées pour de bon, les scories de mon existence qui m’ont si longtemps handicapée d’un coup de rasoir au talon d’Achille et qui apparemment n’en ont pas terminé avec moi. Des choses que je n’ai jamais mises à jour, par honte, par peur, par souffrance, des choses indicibles qui hurlent pourtant au fond de moi pour sortir.
Ce n’est pas la première fois, mais j’avais réglé ça à l’époque à coup de barbituriques qui n’ont fait qu’enterrer plus profondément ce que je ne voulais pas affronter. Fallait bien que cela revienne un jour. Mais pourquoi est-ce le départ de ma mère qui déclenche au fond de moi cette lame de fond apocalyptique ? Etait-elle mon garde-fou ? Ma camisole ? Ou est-ce son message sous forme d’anathème pour que je puisse me libérer ? En aurais-je la force un jour ou serais-je à jamais une âme en peine ?…
10.00. Message de la CAF : j’ai droit désormais à la prime de solidarité. J’ai rien demandé, pourtant. Ainsi, avec le RSA, l’APL, la prime d’activité, le machin pour les plus de 26 ans et maintenant la prime de solidarité, me voilà biberonnée aux aides sociales. Pour une fois, je me dis qu’il fait bon d’être en France.
Le top, selon Nénette, serait que je trouve un petit job au black pour je profite de la life tranquillement. C’est sûr, je peux survivre comme ça financièrement pendant longtemps. Mais est-ce une vie pour moi ? Puis-je rester dans cet état larvaire assisté ad vitam aeternam ? Je n’en suis pas sûre.
Je ne sais plus rien, en fait. Pas même qui je suis aujourd’hui. Je me dis que j’ai peut-être besoin d’un regard neuf sur moi, pour que je puisse me recalibrer, me resituer, me redéfinir… Oui, une rencontre. Pas forcément romantique, ce n’est pas le propos. Quelqu’un qui soit et un miroir, et un team-building à lui tout seul, capable de motiver toutes les ressources tapies au fond de moi.
Oui, peut-être. Même si je lui souhaite bon courage.
13.00. En ces temps suspendus où le monde vit au rythme des annonces de l’OMS en attendant anxieusement de savoir s’il va se refermer à nouveau sur lui-même, un petit attentat terroriste n’était vraiment pas de trop… Oh ma petite Maman, tu es partie juste à temps, si je puis dire. Car aurais-tu supporté un nouveau confinement et ce nouvel acte odieux du même acabit que ceux qui t’ont révulsée il y a cinq ans ?
Le monde est malade, et pas que du covid.