JOURNAL   Saison 3

LE PAPILLON

 

Le banc juste en bas de chez moi sous mes fenêtres a disparu. Il a été remplacé par deux chaises urbaines et je me demande bien pourquoi. Limiter le squattage ?

Mardi 23 juin 2020 – DECONFINEMENT J+44

Avec le déconfinement presque total, l’activité dans la rue s’est amplifiée. Le bruit aussi, donc. Et avec le retour du temps estival, la terrasse du restaurant en bas est pleine à craquer, surtout le soir. C’est comme ça, il faut faire avec. Je me dis que cela fait un bruit de fond, une présence dans le silence mortifère de mes pensées du moment.

Ma crise aura duré cinq bons jours dont trois passés entièrement au lit, bardée de douleurs et vidée de toute substance de vie. Je vais mieux aujourd’hui, j’ai ressuscité et presque retrouvé mon dynamisme légendaire. J’ai surtout raccroché les wagons.

Je sens à nouveau au fond de moi l’envie d’en découdre. Et j’ai pris la décision de ne plus laisser mes douleurs m’handicaper. Que je fasse ou pas, j’ai mal alors autant faire. J’ai même renforcé mon programme de gym car avec ces dernières semaines d’inactivité, tout le bénéfice que j’avais tiré de mes longues heures de sport durant le confinement, bah est parti en fumée. J’envisage même de me remettre à la boxe. A voir le club d’à-côté s’entraîner dans le parc m’a redonné envie.

Je ne pleure presque plus. Il faut que je sois prête à affronter ce qui m’attend bientôt. Et le point sur l’état de ma mère que me fait la médecin de l’hôpital ne fait que confirmer qu’il faut se hâter. Alors, je me mets à fouiller ma paperasse pour retrouver le plan obsèques qui prévoit bien la couverture des frais mais pas les modalités des dernières volontés de Maman qui s’en remet à moi.

Mon père n’avait absolument rien prévu pour lui et à chaque fois que j’avais essayé d’aborder le sujet, il m’avait envoyée balader. Je me souviens donc de la panique quand il est parti, ma mère à l’ouest et moi devant aller choisir en urgence le cercueil et préparer les obsèques…

Je ne veux pas du même boxon pour Maman, je pense qu’on aura déjà assez à faire avec notre chagrin. Je préfère tout border avant alors j’appelle les organismes puis Toto pour qu’on s’organise. Ainsi, samedi prochain, nous irons lui et moi aux pompes funèbres pour signer le contrat et… choisir le cercueil.

Nous choisissons de prévoir la mise en bière et l’incinération dans la petite ville où elle sera inhumée dans le caveau où sont déjà mon papa et mes grands-parents. Demain, lorsque j’irai voir Maman à l’hôpital, il faudra que je donne les coordonnées des pompes funèbres au docteur.

Je fais tout ça sans verser une larme. En fait, je me retiens. Je vais faire face. Je dois. Au moins pour mon frère qui est dépassé. Je sens bien qu’il est dans le déni et qu’il préfère s’en remettre à moi, sa grande sœur. Une dernière fois. Après, je revendiquerai mon droit à la dérive.

 

18.00. Toujours pas de réponse du cabinet d’architectes. Je trouve cela un peu long mais je ne les relance pas car cela ne sert à rien. Et peut-être que c’est mieux de ne pas avoir de job en ce moment. Avec le décès de Maman qui se profile, je pense que je n’aurai certainement pas la tête à autre chose.

J’aimerais être un papillon. Voletant de fleur en fleur sans le moindre souci. Bon, il paraît qu’ils préfèrent les charognes en décomposition, comme je suis végétarienne, bah je suis une abeille.

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1 avis sur “LE PAPILLON

  1. Karim K

    Courage ! Gros bisous !
    C’est bien peu de chose, mais voilà.
    Tu vis des moments vraiment pas marrants… Et là je me tais car je me sens de plus en plus con au fur et à mesure que je parle !
    Alors je te dis tout simplement : à très bientôt.

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