JOURNAL   Saison 10

SUR LE CUL !

« Je vais te faire une proposition. Je donne mon préavis pour mon appart dès maintenant, j’emmène le gros de mes affaires dans ma maison, j’emménage avec toi ici et je te paye la moitié du loyer. Oui, on va vivre ensemble. Tu réfléchis et tu me dis ? »

Je ne l’avais pas vue venir, celle-là… Si je n’avais pas eu une bière dans le coco déjà qui m’a juste faite le regarder avec sidération, j’en serais tombée sur le cul.

 

Mardi 27 avril 2021 # SEMI-CONFINEMENT NATIONAL  J+27

J’aurais dû avoir la puce à l’oreille hier soir en sortant du boulot. Bradley venait de m’arroser de textos disant qu’il était rentré, que l’apéro était prêt et qu’il me faisait des bisous. Wow !!! Quelle mouche l’a piqué ?! me suis-je dit, un sourire sur les lèvres quand même parce que j’ai trouvé ça très mignon. Etrange, mais mignon.

Bref, je suis rentrée, il avait un air bizarre. Il semblait exténué mais pas en mode apocalypse masculine, non, on aurait dit qu’il sortait d’une journée de cogitation intense qui le laissait exsangue mais pas moins en alerte.

J’ai vaqué à mes occupations tout en discutant frivolement avec lui, de tout de rien. C’était léger, simple, naturel. Puis, il s’est posé sur la banquette, à nouveau avec cette mine singulière. J’ai cru qu’il subissait le contrecoup des cinq bières qu’il m’a avoué avoir descendues dans la journée et des deux-cent-cinquante pompes qu’il venait de faire dans le salon juste avant que j’arrive.

Mais non. Une lumière est venue envahir ses yeux et limite en me prenant les mains dans les siennes : « Il faut se rendre à l’évidence. On s’entend très bien. Sur le plan physique comme sur le reste. On est faits pour être ensemble. »

Je l’ai embrassé puis je suis repartie dans la cuisine poursuivre ma popote. C’était chouette, j’étais bien. Mais à dix-mille lieues de me douter de ce qui allait arriver. Il m’a alors rejointe dans la cuisine et paf ! il m’a faite sa déclaration tout-à-trac. Un peu ‘force de proposition’ avec le ton convaincu et convaincant du directeur commercial qu’il a été.

J’y peux rien, sur le coup, ça m’a faite penser à la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Il y avait quelque chose de lyriquement patriotique dans ses mots, l’engagement de toute une nation à construire un futur qui n’appartient qu’à elle…

J’étais surtout abasourdie. Je n’ai pu qu’acquiescer d’un hochement de tête, la bouche bée sans qu’aucun son n’en sorte. Il a enchaîné.

« Tu sais ce qui m’y a fait penser ? C’est quand hier soir, tu as proposé de me faire de la place dans ton tiroir pour mes produits de toilette. Sur le coup, je t’ai dit non car je n’avais pas envie d’avoir tout en deux voire trois exemplaires. Et puis, j’y ai réfléchi aujourd’hui et cela m’a paru clair. Comme quoi, ça fait son chemin… »

Je n’ai pas pensé à planter de petite graine en te proposant une place pour ton rasoir et ta brosse-à-dents… Il n’y avait rien de symbolique, j’ai juste pensé que cela serait plus pratique que de te trimballer avec ta trousse tout le temps.

 

C’est tout réfléchi, c’est oui. Même si je ne lui ai pas encore dit. J’accuse le coup. Mais en allant puiser dans mon for intérieur, un sentiment depuis fort longtemps oublié se met à fleurir.

Pour la première fois, je sens qu’il est là. Pour la première fois, ce que je ressens ne souffre plus de l’ombre des nuages.

 

C’est quand on arrête de chercher que l’on trouve.

C’est quand on lâche la bride que l’on avance.

C’est quand on n’y croit plus que l’on peut être convaincu.

Bref, sur le cul. Et ça rime.

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