Bullage intégral hier. Même pas écouté le discours du président mais apparemment la France est libérée délivrée, c’est la fête. Pas pour tout le monde.
Lundi 15 juin 2020 – DECONFINEMENT J+36
On a décidé avec Toto et Tonton de ne rien dire à Maman. Déjà parce que ce n’est pas sûr qu’elle comprenne, ensuite parce que cela ne servira à rien. Autant continuer de la regonfler comme on peut pour qu’elle puisse sortir de cet hôpital. Parce que même s’il lui reste peu de temps, elle sera toujours mieux à l’EHPAD.
Je n’en ai parlé à personne. Pas même à Nénette lorsqu’elle m’a appelée vendredi. Comme elle venait tout juste de se remettre du décès de son beau-père, je n’ai pas voulu lui saper son moral tout neuf.
Depuis, je ne fais qu’osciller entre détresse et espoir. Je suis au fond d’un puits recouvert d’une chape de plomb, seule avec une bougie et mon chagrin. J’essaye de débusquer en moi un filament de courage, un soupçon de ressource mais à part ces mots que je couche ici, je ne trouve rien.
Je savais bien qu’elle ne serait pas éternelle mais j’avais pensé à quelques années, pas à quelques mois. Et ce qui me fait mal par-dessus tout, c’est de penser qu’elle sera seule dans cette chambre d’hôpital lorsqu’elle partira. Je redoute chaque appel et j’ai une pointe au cœur lorsque je vois le numéro de l’hôpital qui s’affiche.
Je me dis que je devrais profiter de ces derniers instants pour être auprès d’elle et penser au bon vieux temps. Mais c’est justement ce qui me fait un mal de chien. Sans compter qu’elle est en isolement total et que les visites se font au compte-goutte. Rien que de lui parler au téléphone est une épreuve. Car très ironiquement, ses troubles cognitifs ont pris le large et elle a retrouvé sa présence d’esprit. C’est presque ma maman à nouveau.
Je me retiens de fondre en larmes à tout bout de champ, j’essaye de reprendre espoir. J’essaye d’envisager ma vie quand elle sera partie. De trouver une raison qui me fera continuer. Car j’ai toujours dit que je partirai juste après elle.
Si je reste, j’ai peur à mon tour de n’être plus qu’un légume et d’avoir besoin qu’on me tire sans cesse vers le haut. J’ai peur de devenir un boulet pour mes proches, pour la société. De n’être plus qu’une bonne grosse boule de chagrin inconsolable.