« Chère Madame,
Nous sommes actuellement à la recherche d’une assistante et j’ai trouvé votre profil Linkedin intéressant… »
Le genre d’emails qui réveillent d’un coup le matin, même lorsqu’on est en mode gargouille léthargique devant l’ordi après presque trois nuits blanches d’affilée.
Lundi 22 mars 2021 # SEMI-CONFINEMENT PARISIEN J+3
Entretien téléphonique il y a deux heures et rdv sur place demain à 17.30. C’est peut-être un peu prématuré mais je crois bien que… BAH J’AI LE POSTE !!!
C’est un labo spécialisé dans la fabrication d’auto-tests VIH et Covid, ultra débordé en ces temps de pandémie. Et cerise sur le pompon : c’est à vingt minutes de marche de chez moi ! 32.5K€ sur 13 mois, TR, mutuelle, la fête, quoi !
J’ai appelé Yang direct, ça fleure bon les happy hours cet été ! Et Nénette qui m’a dit que j’avais un bon karma hahaha. Yep, ma roue vient de tourner vertigineusement. Je pourrais avoir le tournis mais je suis plutôt sereine. Avec un grand sourire qui ne me quitte pas.
Bon, j’ai oublié de leur demander quand le poste était à pourvoir mais j’imagine qu’ils m’auraient répondu ‘immédiatement’. Je leur dirai demain que je peux commencer au plus tôt le 1er avril, dans dix jours, quoi.
Parce que d’ici là, je vais en Normandie. Voir comme prévu Miles et Joan au Normandy Beach mais aussi rencontrer Jeremiah en live. Le fameux blind-date. Dont on a parlé abondamment lui et moi durant ces dernières nuits passées ensemble au téléphone. J’en ai presque l’oreille brûlée.
Elle a bien volé en éclats, notre résolution de ne pas se faire de films à l’avance. Surtout la sienne. Limite, il a déjà mis en scène notre rencontre. Du coup, je suis bien obligée d’en faire autant. Mais c’est bon. C’est enivrant.
Malgré que Nénette, après l’avoir googlelé, ait trouvé sa photo, je refuse toujours moi de voir la moindre ébauche de la réalité, préférant rester dans mon flou artistique sans aucun à priori. Ça ne sert à rien, en fait, car l’aspect physique étant très relatif pour moi, je sais que je serai fixée lorsque je le toucherai.
Ainsi, on se rencontrera sous l’Arbre de la Liberté à Bayeux. Comme la cathédrale est à proximité, peut-être que les cloches sonneront pour saluer l’évènement. Je m’arrête là dans ma projection, la suite s’écrira à l’instant T.
Bradley a tenté de m’appeler hier soir mais comme j’étais déjà en ligne avec Jeremiah, il m’a laissé un message. A son ton, il semblait un peu vénère que je ne lui réponde pas sachant qu’il partait alors pour ses deux semaines critiques où il ne pourrait pas m’appeler.
Je me suis dit « Tu n’as pas besoin d’être en mission spéciale pour ne pas m’appeler donc… » mais j’avoue, je me suis sentie un peu mal. Il est clair désormais qu’il va falloir qu’on parle à son retour, lui et moi. Je ne sais pas trop ce que je vais lui dire mais surtout, j’ai peur qu’il me retourne la tête encore une fois. Peur de ne plus savoir où j’en suis.
Je sais aussi qu’il va falloir que j’en parle à Jeremiah. Mais j’attends de voir ce que notre rencontre donnera, si cette dernière confirme ce que je sens monter en moi ou pas. Maintenant, quand je compare les deux situations le plus rationnellement possible, c’est l’évidence même : je ne me vois pas dans un futur avec Bradley.
Jeremiah, quant à lui, m’intègre déjà dans sa vie avec des « Tiens, il faudra que je te présente untel », « Où aimerais-tu qu’on parte en vacances ? », « Et si on prenait un chien ? » etc. C’est là aussi prématuré mais cela fait tellement de bien d’avoir une jolie route qui s’ouvre devant mon regard plutôt qu’un mur et des barbelés.
On a une réelle connexion. C’en est même troublant. Et si j’ai moi encore quelques blocages à me laisser aller, lui avance à grandes enjambées en se livrant sans retenue :
« Je vais supprimer mon compte Meetic car je pense que je ne trouverai jamais mieux que toi »
Je me dis qu’après avoir tant morflé, je suis ivre de joie que mon karma soit, au final, sympa.